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JUGEMENT, DONNÉES DE L’ÉCRITURE : ANCIEN TESTAMENT


Chaldéens présentent un très grand nombre de points de contact… Rien à cela d’étonnant. Lorsque Dieu commença d’éduquer le peuple choisi, les esprits n’étaient pas à l’état de table rase. Il les prit avec les idées qu’ils tenaient de leur pays d’origine. » J. Touzard, ibid., p. 217. Mais ne faut-il pas compter aussi avec certaine psychologie populaire, partout répandue, qui porte l’humanité au souci exclusif des réalités expérimentales ? État d’esprit instinctif auquel Israël n’a pas échappé, mais que la révélation divine s’est appliquée à combattre et contre lequel elle a fini par prévaloir.

3. Sanctions terrestres.

Si la justice divine n’atteint pas la vie future, elle doit d’autant plus se réaliser dans celle-ci. Rien de plus clair dès les plus anciennes pages de la Bible. Les sanctions portées contre les premiers parents et contre l’homicide Caïn sont toutes d’ordre temporel. Ainsi en est-il plus tard ; mais, dans cet ordre d’idées, les sanctions divines revêtent la plus grande variété de formes.

Il en est de strictement personnelles. Comme récompense de sa fidélité à Dieu, le juste recevra tout ce qui peut faire ici-bas le bonheur de l’homme : richesse et bien-être, Ps., cxii, 3 ; longue vie, Ex., xx, 12 et Ps., cxxviii, 5-6 ; postérité nombreuse et puissante. Ps., cxii, 2 et cxxviii, 3. En un mot, tout lui réussira, Ps., i, 3, et, après sa mort, sa mémoire restera bénie. Ps., cxii, 6. Au contraire, le pécheur ne rencontrera que troubles et infortunes ; il sera frappé d’une mort précoce et son souvenir sera un objet de malédiction. Les discours que les amis de Job tiennent au patriarche expriment fidèlement cette doctrine judaïque, d’après laquelle le sort extérieur de l’homme est toujours en proportion avec l’état de sa conscience. « Cherche dans ton souvenir, dit Éliphaz : quel est l’innocent qui a péri ? Quels sont les justes qui ont été exterminés ? Pour moi, je l’ai vii, ceux qui labourent l’iniquité et qui sèment l’injustice en moissonnent les fruits ; ils périssent par le souille de Dieu ; ils sont consumés par le vent de sa colère. » Job, iv, 7-9.

Dans cette perspective, le scheol est parfois associé à l’idée de sanction. Car la descente prématurée au séjour des morts est le plus terrible châtiment de l’impie. Ps., xlix, 15 et cv, 16. Le juste, au contraire, comme c’est le cas pour Job, peut se trouver dans des épreuves telles que la mort lui paraisse une délivrance. Job, iii, 20-22.

Ce dernier trait nous avertit qu’on ne saurait s’en tenir à un point de vue strictement individuel. Sur ce terrain limité, la justice divine se trouverait souvent en défaut. Voilà pourquoi elle se complète par une conception solidariste, qui permet de saisir l’individu dans sa descendance, la famille étant considérée comme une sorte de prolongement de son chef. Dès le Sinaï, Jahvé se révèle comme le Dieu jaloux qui punit l’iniquité des pères jusqu’à la troisième et quatrième génération, mais aussi comme le Dieu bon qui fait miséricorde jusqu’à la millième génération à ceux qui gardent ses commandements. Ex., xx, 5-6 ; xxxiv, 7 ; Deut., v, 9-10. L’idolâtre sera puni par Dieu, non seulement dans dans sa personne, mais dans les siens, Lev., xx, 5, cf. Is., xiv, 21, et la maison d’Héli est tout entière frappée à cause des injustices commises par les enfants du grand prêtre. I Reg., ii, 13-14. Inversement, il est dit des patriarches qu’ils seront bénis dans leur postérité, Gen., xvii, 4-8, et c’est pourquoi les Israélites attachèrent toujours tant d’importance à leur qualité d’enfants d’Abraham. Jusqu’au temps des prophètes, le sentiment populaire s’exprimait en ce proverbe : « Les pères ont mangé des raisins verts et les dents des enfants en ont été agacées. » Jer., xxxi, 29 et Ez., xviii, 2.

Par une extension du même principe, les fautes des

chefs retombent sur leurs peuples. Gen., xii, 17 ; xx 18 ; Ex., xii, 29-31 ; II Reg., xxiv, 11-17. Jérémie profère encore contre les Israélites les plus terribles menaces à cause des crimes de Manassé. xv, 1-4. En revanche, la sainteté de David et les promesses qu’il a reçues de Dieu sont pour son peuple une garantie inébranlable de félicité. II Reg., vii, 4-17 ; Ps., lxxxix, 5.

On a même remarqué que cette conception solidariste est poussée assez loin pour qu’il soit conforme à la justice divine d’épargner un pécheur — soit à cause de son repentir, III Reg., xxi, 29, soit à cause du mérite de ses ascendants, ibid., xi, 9-13 — pour reporter sur ses enfants le châtiment qui lui est dû. R. H. Charles, A critical history oj the doctrine of a future life, Londres, 1899, p. 58.

De toutes façons, Israël ne cherche pas encore ailleurs qu’ici-bas la rétribution individuelle dont sa foi en la justice divine lui assure la réalité, et c’est cette économie providentielle des biens et des maux qui constitue le jugement de Dieu. Eccl., iii, 17 et xii, 1516 ; Is., i, 18-20 ; Jer., xii, 1. Tous les efforts tentés pour trouver dans cette période primitive de l’histoire israélite, ne fût-ce qu’en germe, l’idée d’une rétribution future, v. gr., par L. Atzberger, Die christlich-Eschatologie, Fribourg-en-Brisgau, 1890, p. 31-35 et 39-40, n’aboutissent qu’à de simples vraisemblances, où la déduction théologique a plus de part que l’étude objective des textes.

3° Application de la justice : la rétribution nationale.

— Cette même loi s’applique aux destinées du peuple, qu’on peut à peine séparer de celles des individus. La vie nationale n’est-elle pas la résultante des vies individuelles et l’état général de la nation n’exerce-t-il pas sa répercussion sur chacun de ses membres ? Or, dans le plan du judaïsme, la Providence s’adresse surtout au peuple comme corps, et il est difficile de concevoir qu’un peuple puisse recevoir autre chose que des sanctions terrestres. Les textes sont d’ailleurs formels, qui nous dispensent de toute induction.

U est dans la mission d’Israël de servir Jahvé et de faire rayonner sa gloire sur le monde. En retour, Jahvé couvrira tout spécialement son peuple de sa protection. Le Deutéronome énumère à plusieurs reprises, et avec force détails, les bienfaits qui en résulteront, si le peuple se montre fidèle. Il recevra en perpétuel héritage la terre de Chanaan, vi, 10-20, terre d’une prodigieuse richesse, viii, 6-12, et qui lui donnera d’abondantes récoltes, xi, 13-15 ; xxviii, 3-15 ; il la recevra et la gardera contre la rivalité de peuples beaucoup plus puissants, xi, 23-25 et xxviii, 1-2. Que s’il vient à se montrer infidèle, ce sera pour lui la défaite, l’esclavage et la misère, xxviii, 15-68, qui peuvent aller jusqu’à une complète destruction, viii, 19-20 et xi, 1617. Mais, en cas de conversion, le flot des bénédictions divines reprendra son cours, xxx, 1-20. Le cantique de Moïse invite Israël à envisager de ce point de vue religieux toutes les vicissitudes de son histoire, Deut., xxxii, 4-44, et le livre des Juges montre que ce’zte leçon ne fut pas perdue.

En somme, dans ses espérances nationales comme dans ses aspirations individuelles, Israël ne s’est tout d’abord pas élevé au-dessus de l’horizon terrestre, e 1 l’on sait qu’il eut grand’peine à jamais le dépasser.

II. PÉniODi : prophétique. — Il n’est pas de période plus importante, pour l’histoire générale de la religion en Israël, que ces trois ou quatre siècles dont l’exil forme le centre et qui sont marqués par la floraison de la grande littérature prophétique. Sans atteindre encore aux suprêmes précisions, la doctrine du jugement a bénéficié des lumières nouvelles que l’Esprit de Dieu communiquait à son peuple.

Caractères généraux.

Tout le monde convien’.

qu’à partir de cette époque la foi monothéiste <i