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JUGEMENT, CROYANCES DU PAGANISME


et repousse les méchants. Il n’est d’ailleurs pas sûr que ces images plus ou moins rudimentaires soient également primitives et l’hypothèse n’est pas exclue d’emprunts faits, au cours des temps, à d’autres religions. Quelquefois c’est le dieu des morts, Cootay chez les Karens, qui juge les hommes suivant leur conduite ; plus souvent c’est aux victimes mêmes que le soin des représailles est confié. Voir J.-A. Mac-Culloch, art. Eschatology, dans Hastings, Encyclopedia of Religion and Ethics, t. v, p. 373-374.

II. CROYANCE* DES CIVILISÉS : RELIGIONS ORIEN-TALES. — Dans les couches les plus profondes des peuples civilisés, on constate souvent la même absence de préoccupations eschatologiques. Mais le progrès religieux les fait apparaître presque partout et s’épanouit en doctrines sur lesquelles chacune des grandes religions imprime son caractère distinctif.

Parsisme.

Avec son dualisme, qui invite

l’homme à prendre parti dans la lutte éternelle du bien contre le mal, le mazdéisme devait être une religion à tendances morales. Le souci des rétributions futures en fut la conséquence. Étrangères sans doute au début de VAvesla, elles y entrèrent de bonne heure sous la forme de croyances fermes et déterminées.

1. Eschatologie individuelle.

On y trouve d’abord très net le sentiment de la responsabilité individuelle et du jugement qui attend les hommes après la mort. Voir les textes recueillis dans N. Sôderblom, La vie future d’après le mazdéisme, Angers, 1901, p. 78-136. Le centre de l’eschatologie mazdéenne est constitué par le fameux pont Cinvat, posé sur l’abîme des enfers et qu’il faut franchir pour parvenir au ciel. Dès l’entrée du pont, que l’âme atteint au quatrième jour d’un laborieux voyage dans les régions de l’au-delà, un certain discernement se produit, on ne sait trop comment, entre les bons et les méchants. Pour ceux-là, le pont se fait large et facile, de telle sorte que l’âme, aidée par les esprits secourables, le traverse sans difficulté. Mais pour ceux-ci, le pont devient hérissé d’obstacles et se rétrécit jusqu’à l’épaisseur d’une simple lame de rasoir, cependant que les esprits mauvais assaillent le défunt d’une terrible tempête : inévitablement l’âme coupable culbute dans l’enfer. Sur l’influence de cette image ou les productions analogues chez les autres peuples, voir G. A. Frank Knight, art. Bridge, dans Hastings, Encyclopédie citée, t. ii, p. 852-854.

Dans les livres plus tardifs on voit apparaître formellement « un jugement au pont ». Ce jugement est parfois attribué au seul Dieu bon. « Aûharmazd (Ormuzd) et tous ses anges et archanges font en justice l’examen des âmes des hommes. » Sôderblom, p. 96. Les traditions populaires connaissent trois juges subalternes : Mithra, Raschnu et Sraosh, Mithra jouant le rôle principal. Il a enregistré les actes des hommes pendant leur vie et les examinera l’un après l’autre dans les trois jours qui suivent leur mort. Rashnu tient à la main une balance d’or dans laquelle il pèse les actions de chacun. Dans ce jugement, une place égale est d’ailleurs faite aux observances purement rituelles et aux prescriptions de l’ordre moral. Sôderblom, ibid., p. 108-116. Mais les théologiens du mazdéisme postérieur se préoccupent d’établir, jusque dans le plus minutieux détail, une proportion exacte entre le péché et sa punition. Ibid, , p. 122-125.

2. Eschatologie collective.

Un des traits les plus caractéristiques du mazdéisme est la croyance à une eschatologie collective de l’humanité. Elle a commencé peut-être par l’idée d’une fin toute physique du monde, due à quelque gigantesque accident cosmique, mais qui reçut bientôt une interprétation religieuse. Au terme d’une évolution plusieurs fois millénaire, dont tes étapes sont soigneusement marquées, se produira

un déchaînement des mauvais esprits. Mais un sauveur du monde apparaît, qui ressuscite tous les hommes et les convoque pour une « assemblée du jugement », dans laquelle seront révélés les secrets des cœurs, où la vie de chacun recevra sa suprême sanction. Sôderblom, ibid., p. 247-265 et H. Hùbschmann, dans Jahrbiïcher fur prot. Théologie, t. v, 1879, p. 203-246.

Religions de l’Extrême-Orient.

1. Confucianisme.

— « Il semble que les grandes civilisations de la Chine et du Japon, avec leur morale si utilitaire, eussent dû étendre au delà de la mort la rétribution qui réglait leur religion et leur morale. Aussi ont-elles adopté avec avidité la noble rétribution que leur a apportée le bouddhisme, mais elles ne l’avaient pas elles-mêmes conçue. » Sôderblom, ibid., p. 141. Confucius, en particulier, est « absolument muet sur les sanctions d’outre-tombe. » L. Wieger, dans Christus, p. 106. En conséquence, la religion chinoise ne se préoccupe guère de l’autre vie, tandis que, chez les lettrés, règne la doctrine de Tchou-Hi qui s’y montre franchement hostile. Ibid., p. 113.

2. « De même la religion d’État du Japon, le shintoïsme, a pris au bouddhisme sa croyance du ciel et de l’enfer ; elle ne semble pas l’avoir inventée elle-même, malgré son principe si accentué de rétribution… Au contraire, le taoïsme enseigne la récompense après la mort. » Sôderblom, p. 141-142. En somme, la sagesse des Célestes n’a pas dépassé les horizons de cette vie.

Religion assyro-babylonienne.

Il en fut à peu

près de même dans les puissantes monarchies de l’Assyrie et de la Chaldée.

D’après les croyances dominantes, les morts sont réunis dans un lieu souterrain, où ils descendent sans retour et restent enfermés comme dans une prison sous la domination des divinités infernales. Ce royaume des morts est triste et sombre : c’est la « maison de ténèbres et de poussière, » « la demeure où qui pénètre est privé de lumière, où la poussière est leur nourriture, et leur aliment de la boue. » P. Dhorme, Choix de textes assyro-babyloniens, Paris, 1907, p. 327. Tous y mènent une vie chétive qui les oblige à compter sur les vivants pour la satisfaction de leurs besoins. Aussi n’est-il pas question habituellement de sanctions dans la vie d’outre-tombe. Si les dieux sont regardés couramment comme des juges, P. Dhorme, La religion assyro-babylonienne, Paris, 1910, p. 222-224, c’est sur cette terre que s’exerce leur justice. Voir Jeremias, Die bnbylonisch-assyrischen Vorstellungen vom Leben nach dem Tode, Leipzig, 1887, p. 47-48. Cependant Istar rencontre aux enfers les Anounnaki assis sur des trônes d’or, et qui vont sans doute statuer sur son sort. P. Dhorme, Choix de textes, p. 338, note 33. Texte un peu vague et bien isolé, mais qui a fait croire que toute pensée des rémunérations futures ne fut pas absente chez les Babyloniens.

Au total, l’intérêt principal de cette eschatologie rudimentaire lui vient de ses rapports avec telle du peuple hébreu. Pour la comparaison détaillée, voir P. Dhorme, Revue biblique, 1907, p. 59-79 et Jeremias, op. cit., p. 106-126.

Religions de U Inde.

1. Brahmanisme. — Il semble

que le brahmanisme primitif admettait, sous une forme au moins confuse, que le sort des hommes diffère dans l’autre monde suivant leur conduite dans celui-ci. Mais « le problème de la rétribution du péché dans une vie à venir n’a pas été examiné à fond. » L. de la Vallée-Poussin, dans Christus, p. 242.

Sur ces données populaires, les brahmanes greffèrent ensuite leurs spéculations propres, caractérisées par la croyance à la métempsychose. Un certain concept de justice y est encore enveloppé ; car le nombre et la condition des renaissances varient suivant l’état des âmes. Aussi est-il question chez eux de Yama ou