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    1. JUGEMENT##


JUGEMENT, CROYANCES DU PAGANISME

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jusqu’à la négation formelle de tout jugement particulier : mais leur enseignement n’a pas fait école. Jugie, ibid., 1914, p. 13-14. Cf. p. 17. On comprend, dans ces conditions, que les papes n’aient cessé d’imposer aux Orientaux de nouvelles adhésions au concile de Florence. Ainsi, en 1575, Grégoire XIII, Denzinger-Banmvart, n. 1084, et, en 1743, Benoît XIV, ibid., n. 1 168.

Chez les protestants modernes, l’hostilité au jugement particulier est devenue générale. Le mouvement fut lancé par l’anglais Thomas Burnet, dans son De statu mortuorum et resurgentium tractalus, editio nova. Colonise Cheruscorum, 1733. Il y soutient l’idée d’un état intermédiaire des âmes en attendant leur réunion au corps et, chemin faisant, se livre à une vive sortie contre le jugement particulier, ibid., p. 72-75. La thèse principale fut réfutée par le savant italien Muratori, De paradiso regnique cœlestis gloria, Vérone, 1738 ; mais le problème du jugement n’occupe que peu de place, p. 19-20, dans cette vaste compilation. Au cours du xixe siècle, la croyance à l’assoupissement des âmes a pris une extension croissante, dont témoignent E. Picard, op. cit., p. 498-499 et le pasteur Louis Émery. L’espérance chrétienne de l’au-delà, Lausanne, 1913, p. 39..Mais elle reste combattue par les défenseurs de l’orthodoxie, par exemple Splittgerbcr, Tod, Fortleben und Auferslehung, 2e édit., Halle, 1869, p. 95-101, et Rinck, Yom Zustand nach dem Todc, 3e édit., Bâle, 1878, p. 27-56.

Est-ce pour obvier à la menace de ces erreurs ou, plus simplement, pour donner au Schéma de fuie catholica son couronnement naturel ? Toujours est-il que le concile de Vatican avait mis dans son programme un enseignement sur les fins dernières. En définissant que la mort est le terme de l’épreuve, on aurait touché au jugement particulier dans ces termes : post viam hujus vitte, quando homines jam ad terminum rétributions pervenerunt, ut référât quisque propria corporis proul (jessit, et ajouté que cette reddition de comptes a lieu mox post obilum coram sancto et juslo judice Deo. Premier schéma De fide cath., 17, Collectio Lacensis, t. vii, col. 517. « Incise occasionnelle », incisum in obliqua positum, qui aurait enseigné l’application immédiate des sanctions sans rien définir sur la forme et le mode du jugement particulier. Ibid., ad n. 41, col. 550551. Dans le second projet, la même mention indirecte du jugement particulier était maintenue, mais le texte ainsi modifié : Post mortem enim mox ad Dei tribunal sislimur, ut référât quisque propria corporis proul gessit, sive bonum sive malum. Schem. reformatum, v, 6 ; ibid., col. 564. La prorogation du concile empêcha la mise en discussion île ce texte.

D’après ces divers documents du magistère ecclésiastique, la réalité du jugement général est, unanimement et avec raison, donnée par tous les théologiens comme une vérité de foi. Mais « la doctrine d’un jugement particulier n’est considérée que connue une doctrine certaine ». L. Labauche, Leçons de théologie dogmatique, t. ii, Ie édit., Paris, 1921, p. 398. C’est que l’Église n’en parle jamais « que dans un sens assez général, en disant que le sort de l’homme ne larde pas à être définitivement fixé après la mort. »


Il Croyances di paganisme. —

Pour mesurer la portée historique et religieuse de la révélation chrétienne, il est bon de jeter un coup d’œil sur le monde païen. Avec beaucoup d’erreurs et de lacunes, on y trouve aussi, sur ce point capital des fins dernières, un certain nombre d’approximations qui ont leur prix.

D’une manière générale, l’eschatologie est la partie faible de toutes les religions en dehors du christianisme. C’est surtout vrai pour la question du jugement. La raison en est qu’aucune n’est plus étroitement liée

à ces notions fondamentales sur Dieu et sur l’homme qui y furent toujours si imparfaites. Sans avoir entièrement disparu, le Dieu suprême s’effaçait pratiquement derrière les créations variées de l’imagination polythéiste, peu faites pour maintenir ou développer le concept de justice, quand il ne se transformait pas en un destin aveugle ou en protecteur partial de la cité. Non moins précaire était la conception de l’âme et de son indépendance à l’égard du corps : ce qui entraînait le païen à se représenter la vie d’outretombe comme une existence plus ou moins éteinte, inapte par conséquent à supporter des sanctions. De ces sanctions, enfin, la pauvreté des notions morales n’imposait guère, au demeurant, ni le besoin ni le désir.

Cependant il faut compter aussi avec ce sentiment spontané du bien et du mal, qui entraîne si aisément, devant les injustices d’ici-bas, l’appel à une justice future. Judicii divini invocatio ubique, constatait Tertullien quand il se plaisait à ausculter les mouvements instinctifs de « l’âme naturellement chrétienne ». De teslimonio animæ, 6, P. L., 1. 1, col. 692. Pour le développement, voir ibid., 2, col. 685 et Apolog., 17, ibid., col. 433. L’histoire des religions justifie dans une large mesure ces intuitions du vieil apologiste africain.

I. RELIGIONS DES NON CIVILISÉS.

« Alitant la

survie est pour nos primitifs chose indiscutable…, autant paraît faible l’idée de l’immortalité et de la rémunération », écrit Mgr Le Roy, dans C/iri’sf(is, p.59. De même, d’après M. Bros, c’est « très rarement » qu’intervient l’idée de la rétribution future, « cette notion, poursuit-il, étant très confuse ou absente chez la plupart des non civilisés. » Bricout, Oà en est l’histoire des religions, 1. 1, p. 87.

En effet, tout absorbés par les soucis de la vie présente, les sauvages ne se préoccupent guère, en général, de l’au-delà. Quand ils y pensent, ils sont plutôt portés à concevoir la vie future comme une continuation de celle d’ici-bas, avec les mêmes nécessités physiques et les mêmes inégal es, voire les mêmes anomalies sociales. Cf. L. M rillier, La survivance de l’âme et l’idée de justice chz les peuples non civilisés, Paris, 1894, p. 2-40. Néanmoins, jusque dans ces ténèbres, on voit briller quelques lueurs. L’instinct moral et l’instinct religieux semblent en avoir été la source. Certains crimes graves, ceux-là surtout qui vont contre les lois constitutives de la tribu, sont punis sur la terre par la justice humaine : de là pouvait et devait venir assez naturellement la pensée qu’ils auraient aussi leur répercussion dans l’autre monde. Et si la divinité venge dès ici-bas les offenses qui lui sont faites, par exemple la violation des tabous, n’est-il pas normal qu’elle continue à le faire tout autant après la mort ? Voilà pourquoi on voit apparaître çà et là la croyance aux sanctions futures : punitions réservées aux grands crimes sociaux, tels que le meurtre et l’adultère, ou, plus souvent encore, à la lâcheté dans les combats, tandis que le courage militaire vaut à ses héros honneur et récompense. Voir Marillier, op. cit., p. 32-33, 37-12, qui relève ce rudiment d’eschatologie morale surtout chez les peuplades américaines.

Ces sanctions ne se comprennent pas sans quelque jugement : mais le jugement lui-même n’apparaît que très rarement. On le signale chez certaines tribus indiennes de l’Amérique du Nord, telles les Chippewas et les Khonds, chez les Karens de Birmanie et aussi chez quelques nègres de la Guinée. Encore se produit-il dans des conditions très peu morales. C’est un être quelconque, un animal parfois, qui vérifie sur le défunt la présence du signe qui rend agréable aux dieux, ou qui l’aiguille, à une birfucation, entre deux routes dont l’une conduit à la joie et l’autre à la peine. D’autres fois, c’est un pont magique qui laisse passer les bons