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JUGEMENT, DOCTRINE DE L’ÉGLISE


l’existence d’un jugement particulier ; mais nulle part il n’est fait mention distincte de celui-ci.

Documents postérieurs.

 Jusqu’au xhi° siècle

aucun acte important du magistère ecclésiastique ne s’est ajouté aux textes qui viennent d’être analysés. A l’occasion, cependant, on rencontre çà et là des échos manifestes des symboles primitifs.

Contre les nestoriens, le concile du Latran de 649 insiste sur la place qui revient dans le jugement à la personne du Verbe incarné : Ipsum unum sanctæ et consubstanlialis et venerandse Trinilatis JJeum Verbum e cœlo descendisse… et venlurum iterum cum gloria paterna, cum assumpla ab eo atque animotn intclleclualiter carne ejus, ludicare vivos et morluos. Denzinger-Bannwart, n. 255. De même en est-il dans le symbole adressé aux orientaux, le 13 avril 1054, par saint Léon IX. Ibid., n. 344. Celui qu’Innocent III fit souscrire aux Vaudois, en 1208, souligne que le Christ reviendra pour le jugement dans la même chair où il est mort et ressuscité. Jbid., n. 422. Cf. ibid., n. 427. Entre temps, Innocent II avait condamné cette proposition d’Abélard : Quod advenlus in fine sseculi possil altribui Patri. Ibid., n. 384. Voir art. Abélard, 1. 1, col. 47. Dans tous ces textes, c’est l’Incarnation que l’Église veut mettre in tuto à propos du jugement.

Là où domine le caractère eschatologique, c’est toujours le jugement universel qui est au premier plan. Ainsi au XIe concile de Tolède (675) : Ad dexteram Patris sedens, exspectatur in finem sæeulorum judex omnium vivorum et mortuorum. Indecum sanctis Angelis et hominibus véniel ad faciendum judicium, reddcre unicuique mercedis propriæ debilum. Denz.-B., n. 287. Et tout de même au concile œcuménique du Latran (1215) : Venturus in fine sœculi, jiidicaturus vivos et mortuos et redditurus singulis secundum opéra sua lam reprobis quam electis. Ibid., n. 429. D’où l’on voit qu’au début du xine siècle, 1 Église n’éprouvait pas encore le besoin de modifier le texte des vieux symboles ou d’en préciser la teneur.

II. MOTEN AQJi (xin c -xve siècles). — Ce besoin n’allait pas tarder à se faire sentir. La profession de foi offerte au II P concile de Lyon (1274) par l’empereur Michel Paléologue et prise par l’assemblée comme base d’union avec les Grecs porte la trace de préoccupations nouvelles. Pour donner à ce document toute son importance, il faut d’ailleurs tenir compte qu’il avait été préparé par le pape Clément IV et officiellement envoyé de Rome à Constantinople, le 24 octobre 1272, parle pape Grégoire X. Mansi, Concil., t. xx, col. 47.

Texte.

On y remarque deux parties, dont le

rapprochement à quelques lignes de distance ne peut que frapper l’attention.

Tout d’abord l’empereur exprime sa croyance à l’Incarnation dans une formule du plus pur style traditionnel : Credimus ipsum Filium Dei… cum carne qua resurrexit et anima ascendissc in cœlum et sedere ad dexteram Dei Patris, inde veniurum judicare vivos et mortuos, et redditurum unicuique secundum opéra sua. Denzinger-Bannwart, n. 462. Suit une sorte d’annexé, ajoutée propler diverses errores a quibusdam ex ignoranlia et ab aliis ex malitia introductos, qui commence par affirmer l’existence du purgatoire pour les défunts insuffisamment purifiés et s’explique ensuite sur le sort des autres catégories. Les âmes qui meurent exemptes de toute faute vont au ciel : mox in cœlum recipi ; celles qui meurent dans un état de péché grave descendent en enfer : mox in infernum descendere.

Première sanction qui doit s’entendre, continue le concile, sans préjudice pour la solennelle reddition de comptes qui attend tous les hommes au jour du jugement h’adem sacrosancta Iïcqesia Itomana /irmitrr crédit et firmiter asseverat quod niliilominus in die judicii omnes homines unie tribunal Christi cum suis corporibus

comparebunl, reddituri de propriis factis rationem. Ibid.n. 464.

Caractère de cet enseignement.

A la différence

des symboles primitifs, il s’agit ici, de toute évidence, d’un enseignement direct et forme) sur les fins dernières. Aussi la doctrine de l’Église s’énonce-t-elled’une manière beaucoup plus explicite.

Elle précise en premier lieu ce qui attend l’homme au lendemain de la mort : à savoir, suivant l’état de sa conscience, le purgatoire, le ciel ou l’enfer. Il est sousentendu, comme allant de soi, que la première situation est provisoire, mais que les deux autres ont un caractère définitif. De celles-ci l’Église veut enseigner, non la réalité qui ne fut jamais en cause pour aucun chrétien, mais l’échéance. Sa pensée s’exprime en deux formules volontairement symétriques : mox in cœlum recipi, mox in in/ernum descendere. Cet adverbe un peu imprécis est généralement considéré comme synonyme de slatim et traduit par « immédiatement ». Interprétation favorisée par la version grecque du document, où mox est rendu successivement paraùxtxa et 7tapqfUTÎxc)c. Mansi, Concil., t. xx, col. 72. Peut-être l’Église ne s’est-elle pas souciée d’une rigueur aussi stricte. En tout cas, son texte suffit pour exclure l’idée d’une longue attente et pour signifier que les sanctions suivent la mort sans retard.

Mais comment le sort éternel des âmes serait-il déterminé, si ce n’est par un jugement ? L’Église s’abstient de prononcer le mot et il est remarquable que l’expression in die judicii soit, ici encore, réservée au jour de la parousie. Néanmoins la logique de son langage inclut manifestement l’existence d’un jugement préalable, dans lequel sont appréciés dès la mort les mérites de chacun. Il n’en faut pas davantage pour avoir une affirmation implicite, mais déjà très nette, du jugement particulier.

C’est tellement vrai que le concile se sent obligé de faire aussitôt la remarque, comme pour prévenir un malentendu, que la foi à ces sanctions de la première heure n’empêche pas l’Église de professer la résurrection universelle et la comparution finale de tous les humains devant le tribunal du Christ. Mettre à l’abri de toute incertitude la croyance au jugement général n’est-ce pas dire que la définition précédente équivaut à poser l’existence d’une autre procédure du même ordre, sinon tout à fait du même caractère ? La formule de foi adoptée au concile de Lyon n’emploie sans doute pas le terme de jugement particulier, et cette réserve a peut-être pour cause le désir de ménager certaines susceptibilités en respectant la terminologie reçue ; mais elle consacre incontestablement la chose.

Tandis que les anciens symboles ne parlaient explicitement que d’un seul jugement, nous en voyons maintenant apparaître deux : l’un pour chaque homme au lendemain de la mort, l’autre pour toute l’humanité à la fin des temps. Et l’importance de ce premier jugement est telle qu’en l’affirmant l’Église doit aussitôt noter expressément qu’il ne fait pas concurrence au second. Niliilominus in die judicii omnes homines ante tribunal Ctvisti… comparebunt : cette clausule est le jalon, posé par la main même de l’Église, qui témoigne du développement qui s’est fait depuis les siècles précédents.

Documents postérieurs.

Tous l’ont désormais

leur profit des précisions nouvellement acquises.

Le plus important est la célèbre constitution licnediclus Deus de Benoit XII (29 janvier 1336), qui se prononce sur l’échéance de la vision béatifique. Voir art. Benoit XII, t. ii, col. 657-673. On y retrouve les termes mêmes du concile de Lyon : Animée sanctorum. …MOX post mortem suam /ucrimt, sunt et erunt in coelo, mais précédés de la formule : DEFTNIHUS, qui leur donne leur suprême valeur. Il y est dit de même au