Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 8.2.djvu/154

Cette page n’a pas encore été corrigée
1717
1718
JUDITH (LIVRE DE), HISTOIRE DU LIVRE


et assigné à certains jours, cf. Zach., vii, 5 ; viii, 19. Le jeûne plus fréquent était affaire de dévotion et de piété personnelles ; ainsi Judith jeune « tous les jours », « excepté la veille du sabbat et le sabbat, la veille et le jour de la néoménie, les fêtes, les jours de réjouissance de la maison d’Israël » (fêtes extraordinaires distinctes de celles qu’avait instituées la Loi), viii, 6. La prière elle-même paraît être aussi réglée, au moins pour les dévots, cf. Ps. lv, 18 ; Dan., vi, 10, et faite « trois fois le jour » ; car Judith demande à sortir du camp, « à la veille du matin », « pour la prière ». xii, 6 (Vulg., xii, 5, 7, 9). — Ces pratiques sont déjà pour une part en marge de la religion nationale, des lois cérémonielles qui en constituent toujours l’essence. Celles-ci restent observées : holocaustes quotidiens, vœux, dons volontaires, Judith, iv, 14 ; xvi, 18 (Vulg., iv, 16 ; xvi, 22), prémices et dîmes, xi, 13 (Vulg., xi, 12) ; mais à côté se développe un luxe de prescriptions qui, partant des principes généraux posés par la Loi, enserrent de leurs liens étroits la vie quotidienne pour chacune de ses éventualités : aliments « purs », x, 5 ; xii, 2, « ablutions » purifiantes, xii, 7-9, précautions dans les relations sociales avec les païens, xii, 1-2 ; xiii, 16 (Vulg., 20). Ainsi se forme et s’entretient la conviction que le juif pieux peut demeurer tel par ses propres elTorts en dehors des rites cultuels solennisés en commun. On fait couramment différence entre « les sacrifices au parfum agréable », « la graisse offerte en holocauste », qui en soi sont « peu de chose », et la « crainte du Seigneur », la vertu et la droiture individuelle qui en font tout le prix, xvi, 16 (absent de la Vulgate) ; cf. Eccli., vn, 9 ; xxxiv, 21-xxxv, 20 (Grec). — On peut aller ainsi jusqu’à l’ascétisme. Le mariage est certes toujours fort en honneur dans le judaïsme. Pourtant le long veuvage volontaire de Judith est expressément loué, vm, 4 ; xvi, 22 (Vulg., xvi, 26 : erat etiam virtuti castitas adjuncta ; cf. xv, 11 : eo quod castitatem amaveris ) ; il paraît même avoir dans la pensée de l’héroïne valeur déterminante pour le secours divin, ix, 4, 9 (Vulg., ix, 3).

4° La foi juive. Le prosélytisme. — Le centre de la piété juive est la croyance en Dieu, créateur de toutes choses, et en sa puissance, racine de l’immortalité, Sap., xv, 2-3 : èniarnoQa.i <je, cf. Sap., iii, 9 ; II Macch., vn, 28-40 ; IV Mach., xvi, 18-23, etc., formellement distincte de la confiance en la Sagesse ou en Dieu — cette confiance marquée par le même mot, tuoteûsiv

— et impliquant adhésion de l’esprit par conviction ou par choix, cf. Henoch, xlvi, 7 ; lxiii, 7, etc. Judith manifeste cette croyance, formule cette « confession » de foi dans son discours, viii, 14 et dans sa prière, ix, 14. Qui plus est, cette « foi » devient condition d’admissibilité dans la communauté, ainsi qu’il appert de l’exemple d’Achior converti au judaïsme, xiv, 10 : èjtîareucTev xtiS 6e< « >… (Vulg., xiv, 6 : credidit Deo et circumcidit carnem…). Le prosélytisme juif attesté par ce fait pour le pharisaïsme palestinien, procède ainsi par voie d’assimilation dans son effort pour réaliser son espoir de la conversion du monde païen, espoir bien marqué à cette époque : Dan., iii, 33 (Grec), 87, 90 (Grec) ; Tob., xiv, 6. Il absorbe les éléments étrangers qu’il recrute ; il défend et assure son caractère national persistant : le monde doit se faire juif et non le Juif se résorber dans le monde des nationalités.

IV. Histoire du livre.

Auteur et date.


L’auteur du livre de Judith est et paraît devoir rester complètement inconnu. La première rédaction se place d’elle-même entre le temps de l’exil et les premières années de la diffusion du christianisme. Elle est certainement post-exilienne ; car, iv, 3, 8 (Vulg., iv, 5, 11) ; v, 18-19 (Vulg., v, 23) les Juifs du récit sont « revenus de la captivité » et gouvernés « par les grands prêtres ». Elle est certainement aussi antérieure aux temps pre miers du christianisme ; car les citations de Clément Romain, / Cor., lv et lix, indiquent assez que le livre était bien connu dans les cercles juifs et chrétiens à cette époque et donc composé depuis au moins quelques dizaines d’années. L’état religieux et moral supposé par les détails du récit, tel qu’il a été rapporté plus haut, rapproche le livre de ceux de l’Ecclésiastique, de Tobie, de la Sagesse et des Macchabées et en situe la composition entre le commencement du iie siècle avant Jésus-Christ et l’époque hérodienne. L’ardent patriotisme et l’extraordinaire estime de la Loi qui s’y trouvent marqués conviendraient parfaitement à la mentalité d’un juif appartenant au parti assidéen que nous voyons déjà organisé à l’époque macchabéenne.

Voir sur la question : Dict. de la Bible, t. iii, col. 1833 ; sur les multiples hypothèses concernant la date, l’auteur et même les sources du livre, et pour la littérature du sujet : Tony André, Les Apocryphes de l’Ancien Testament, Florence, 1903, p 139-163, plus anciennement, O. Zôckler, Die Apokryphen des Allen Testaments, Munich, 1891, p. 187-188.

Texte original et versions.

1. Texte primitif

du livre de Judith. — Ce livre a dû être composé d’abord en hébreu classique ; car seul un texte original hébreu (à l’exclusion de l’araméen) peut rendre compte des tournures et des expressions sémitisantes qui se rencontrent dans le grec des Septante, cf. les passages : i. 1 : èv Taïç Yjjiipatç… etc., 10 fois ; les nombreux açoSpa simples : i, 12, 16 ; ii, 17, 18, 26, etc., etc., ou prégnants : iv, 2 ; v, 9, 18, etc. etc. ; les locutions : jfrvu. Tjfxepôiv, ni. 10 ; tootcc adepi ;, ii, 3 ; x, 13 ; xX/jpovo [i.eîv, v, 15 ; 81é0efo, v, 18…, comme des contre-sens qui ne peuvent s’expliquer dans le grec de la traduction que par de fausses lectures de ce texte original, ii, 2 ; iii, 10 ; viii, 21. Voir sur cette question, Movers, Ueber die Ursprache der deuterokanonischen Bûcher des Allen Testaments, dans Zeitschrift fur Philosophie und katholische Théologie, Heꝟ. 13, Cologne, 1835, p. 35 sq. ; Fritzsclie. Die Bûcher Tobi und Judith erklàrt, Leipzig, 1853, p. 115 sq. ; Tony André, Les Apocryphes de l’Ancien Testament, Florence, 1903, p. 158-159.

2. Principales versions.

a) Version grecque. — Elle existe sous trois formes : a. celle des Septante dans les principaux et plus anciens mss. Vaticanus, Alexandrinus, Sinaiticus, Venetus. (Bonnes éditions dans Fritzsclie, Libri apocryphi Veleris Testamenti grsece, Leipzig, 1871, p. 165-203 ; Swete, The Old Testament in Greek, Cambridge, 1896, t. ii, p. 781-814 (texte du Vaticanus, variantes de x et de B) ; b. celle du ras. 58 que l’on croit être à la base de la vieille latine et de la Peschitto ; c. celle de la recension lucianique, ms. 19 et 108. Autres textes grecs dans Scholz, Commentar ûber das Buch Judith, 2e édit., Leipzig, 1898, p. ii-cxxii (en appendice), qui utilise cod. 71 ; Vigouroux, La Bible polyglotte, Paris, 1902, t. iii, p. 528-602, qui prend pour base le ms. Paris, suppl. grec, 609.

b) Versions latines. — a. Vieille latine. — Édition de P. Sabatier d’après cinq manuscrits aux nombreuses variantes, Bibliorum Sacrorum latinse versiones antiques Reims, 1743, t. i, p. 744-790. Autres manuscrits signalés par S. Berger dans Notices sur quelques textes latins inédits de l’Ancien Testament, Paris, 1893, p. 28-28, et Histoire de la Vulgate pendant les premiers siècles du Moyen Age, Nancy, 1893, pages 19 à 101 passim. — b. Vulgate hiérony mienne. — Saint Jérôme connut cette ancienne version latine du livre de Judith par de « nombreux codices > dont les « divergences », à son avis « défectueuses », lui déplurent. Il paraît néanmoins en avoir fait usage pour sa traduction de ce livre — d’un texte araméen. chaldœo… sermone conscriptus — -et d’une façon pour le moins négative, en ce sens qu’il retrancha délibérément de ces