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JUDITH (LIVRE DE), THÉOLOGIE


au même titre que d’autres livres saints, le premier en le résumant et en mettant en relief l’exemple biblique de la « bienheureuse Judith », / Cor., lv, 4-5, ’IouSîÔ yj (xaxapîa ; cf. aussi lix, 3-4 (Judith, ix, 11), le second, Ephes., xv, 1, en citant le cantique, xvi, 17. Cette dernière citation est d’ailleurs fort douteuse. Cf. Funk, Opéra Patrum aposlolicorum, Tubingue, 1901, t. i, p. 168, 174, 176 et 224. — Au cours des iie et iiie siècles, les représentants de la tradition dans les églises alexandrine, africaine et orientale corroborent la tradition romaine de la canonicité du livre de Judith en l’employant ou en le citant expressément comme Écriture : Clément d’Alexandrie, Strom., iv, 19 ; ii, 7 (Judith, viii, 27), P. G., t. viii, col. 1328-1330 et 969 ; Origène, De oratione, 13, 29, P. G., t. xr, col. 452, 532 ; Tertullien, De monogamia, 17 et Adv. Mare., i, 7, P. L., t. ii, col. 952 et 253 ; Méthodius d’Olympe, Conuiv. decem virgin., xi, 2, P. G., t. xviii, col. 212. — Ici trouvent place les témoignages des plus anciens manuscrits grecs des Septante, le Yaticanus et V Alexandrinus, qui insèrent Judith au milieu du recueil sacré, avant ou après les Prophètes ; de la vieille version latine, dont maint texte, celui de Judith en particulier, se perpétue des siècles durant jusque dans la vulgate hiéronymienne (voir plus loin), et dont un catalogue stichométrique qui est peut-être du m siècle, celui du Codex claromonlanus, mentionne iudit parmi les scribluræ sanciæ, entre les Macchabées et hesdra. Dicl. de la Bible, t. ir, col. 147 et fig. 287 (fac-similé).

Le défaut extrêmement probable de canon des livres saints chez les Juifs alexandrins, à savoir de canon déterminé et clos officiellement, cf. t. ii, col. 1572-1574, et aussi t. iv, col. 2033-2034, a amené plusieurs écrivains de l’Église gréco-orientale à ne dresser, selon les nécessités ou les opportunités de leur enseignement, que le canon palestinien des livres hébreux. Ainsi Méliton de Sardes, dans Eusèbe, H.E., IV, xxvi, P. G., t. xx, col. 396 ; Origène, Expos, in Ps. 1, P. G., t. xii, col. 1084 ; saint Athanase, Ep. fesl., xxxix, P. G., t. xxvi, col. 1176, suivis par saint Cyrille de Jérusalem, saint Grégoire de Nazianze et saint Amphiloque, saint Épiphane, le concile de Laodicée, le 85e canon des Apôtres et, en Occident, par saint Hilaire de Poitiers, Rufin, saint Jérôme, voir t. ii, col. 1576-1578. Mais ces Pères et écrivains ne bornaient pas, comme on le sait, aux livres de ce canon les « Écritures divines », les « livres inspirés », les « volumes sacrés » ; cf. Dicl. de la Bible, t. ii, col. 119-155. Us citaient bien comme Écriture nos deutérocanoniqucs de l’Ancien Testament et parmi eux Judith ; ainsi S. Athanase, Apologia contra arianos, 11, se réfère sous la rubrique « comme il est écrit » à un passage de Tobie, xii, 7, P. G., t. xxv, col. 268 ; S. Hilaire, In Ps., cxxv, 6 : Judith, xvi, 3 est « inspiré », P. L., t. ix, col. 688 ; S. Jérôme, Epist., lxv, ad Principiam virgincm, 1 : Ruth et Eslher et Judith tantie gloriæ sunt , ut SACSIS voluminibus nomina indiderint. P.L., t. xxii, col. 623. Ailleurs, il est vrai, saint Jérôme introduit une restriction : citant le Lévitique et les Proverbes pour expliquer Aggée, i, 5-6, il ajoute : Similiter qui penilus non bibit siti peribit, sicut et in Judith (si guis lamen indt librum recipere mulieris) : Et parvuli siti perierunt (Judith, vii, 16), P. L., t. xxv, col. 139). Parallèlement, saint Basile, les écrivains de l’école d’Antioche, saint Éphrem, la tradition occidentale se perpétuant par saint Ambroise, saint Augustin, les conciles d’Hippone et de Carthage, le catalogue stichométrique africain de Cheltenham (pour la Vulgate, cl. Sam. Berger, Histoire de la Vulgate, Nancy, 1893, p. 319-324), le décret dit de Gélase et la lettre d’Innocent I er à Exupère, admettaient sans la moindre hésitation dans le recueil sacré Judith avec les autres deutéro-canoniques. Voir t. ii, col. 1578-1579, et Dicl. de la Bible, t. ii, col. 149-153. Jusqu’au décret

DICT. DE THÉOL. CATHOL.

du concile de Trente — les doutes n’étant quVin écho affaibli de ceux de saint Jérôme et demeurant dans le domaine de la théorie — telle sera l’invariable situation. Voir t. ii, col. 1579-1582.

III. Théologie.

Dieu en lui-même.

Il est

désigné, ou défini, dans le livre de Judith par le moyen de noms divers qui s’interchangent au cours du récit, comme pour préciser graduellement l’idée que le lecteur pourrait concevoir de sa nature, depuis le nom propre, ou le simple appellatif, jusqu’à l’expression abstraite qui paraît vouloir éviter désormais tout vocable ayant une couleur anthropomorphique trop prononcée. — Les noms de Jahvé et d’Élohim, traditionnellement transmis, sont gardés encore en maint passage et transparaissent sous les traductions grecque ou latine xôpioç et 0s6ç, dominus et deus, cf. v, 17, 23 ; vi, 18 ; viii, 20, 33 ; ix, 4 ; xi, 12 ; xiii, 17, 19 (grec^iv, 2 ; vn, 19, 29-30 ; viii, 14, 16, 23, 25 ; xii, 8), particulièrement dans le cantique, xvi, 3 :

Dominus conterens bella,

Dominus nomen est illi… (Cf. ix, 10, Grec, ix, 8).

Kûpio ; ovofiâ <701 (Grec, xvi, 2).

Adonai Domine magnus es tu., xvi, 16. G. K-Jpie,

[jiâya ; il.

Il semble même que les antiques appellations’El’Eliôn, Gen., xiv, 18, Jahvé’Eliàn, Ps., xlv : i, 3, ’El Schaddaï, Gen., xvii, l, etc, se retrouvent sous le grec 0eôç ô û^wtoç, xiii, 18 (Vulg., xiii, 23), Dominus Deus excelsus et xûpioç TCaVTOxpàTcop, iv, 13 ; viii, 13 ; xv, 10 ; xvi, 5 et 17 (Vulg., xvi, 7 et 20 : Dominus omnipolens), comme traduisent habituellement les Septante. — Cette reviviscence d’anciens noms propres maintenant interprétés en qualificatifs de la divinité accuse la tendance du judaïsme à remplacer jusque dans les écrits le nom divin, qu’il était interdit de prononcer en dehors du service du temple, par des périphrases expressives qui voulaient marquer l’incomparable grandeur et majesté de Dieu. Ici même nous trouvons plusieurs formules circonlocutoires, quasi cérémonielles et liturgiques, où perce l’idée de la transcendance divine, à distinguer de celle du souverain domaine sur la création. Ce domaine s’exprime par les vocables, v, 8 : ô 0eôç io~j oùpacoû (Vulg. v, 9 : unus Deus cœli) ; vi, 19 : xûpie, ô Œôç toô ôopavoù (Vulg. vi, 15 : Dominus, Deus cseli et terrœ) ; ix, 12 : SéarcoTa tôv oûpavwv xal xîjç yî)ç (Vulg., ix, 17 : Deus cœlorum) ; tandis que l’idée de l’être divin plus abstraitement désigné encore transparaît dans les termes suivants : ix, 14 : ô 0ô6ç Tiâ-d^ç, 8’Jvâ[i.s<oç xal xpaTOuç, ix, 8 : tô ôvojjta TÎjç 86Çy)ç ctou (comp. Vulg., III Esdr., ix, 5 : benedicanl nomini glorpe luæ ; Dan., iii, 52 : benedictum nomen glorpe tuée ; I Mac, xiv, 10 : nominattim est nomen gloriæ ejus). — Le sentiment de l’unité dh ine s’affirme dans la définition même du paganisme, viii, 18 : adoration de « dieux faits de main d’homme » o17rpoaxuvouai.GeoTç x^P 07101 "^ 011 » (Vulg., deos alienos), c’est-à-dire d’êtres purement imaginaires. Mais cela n’empêche pas toutefois la spéculation de s’exercer au sujet des manifestations divines et de tendre à les personnifier comme autant d’intermédiaires entre Dieu, que l’on conçoit comme de nature transcendante, et le monde où elles rendent possible son action. On connaît la « Sagesse » des Proverbes. Judith célèbre 1’ « Esprit » que Dieu « émet » et qui « bâtit », xvi, 14 : à.n£-Tzi<xq tô irveufjia aou. xal wxoSoja.rj’jev (Vulg., xvi, 17 affaiblit : Misisti spiritum tuum, et creata sunt ). Elle tremble pour < le tabernacle du repos du nom de ta gloire, ix, 8 : tô axyjvcojxa tîjç xaTa^aûffscaç toô ôv6(i.atoç /tîjç S6^-/)çctou (Vulg., iii, 11 : tabernaculum nominis toi). La « Gloire » le « Nom » sont ici des sortes d’hypostases assurant au temple la présence, par mandat représentatif, de Dieu qui est au ciel. On sait, en effet,

VIII. — 55