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JUDITH (LIVRE DE), CANONICITÉ


le sac aux provisions, .Judith et sa suivante sortent du camp et regagnent Béthulie. xiii, 5-12.

L’allégresse est grande en la cité à l’aspecl de la tête d’Holopherne : C’est Dieu même qui a tué l’ennemi ; c’est son ange qui a gardé l’héroïne en toutes ses démarches ; béni soit-il ! bénie soit-elle ! » xiii, 13-31. On s’apprête à taire une sortie au soleil levant. On suspend aux murs le sanglant trophée, et l’on s’avance vers le camp. xiv. 1-8. L’assiégeant s'émeut. On cherche Holopherne. A la vue de son corps décapité, le trouble et la terreur saisissent l’année entière : chacun s’enfuit. Les Juifs, ceux de Béthulie et ceux de toute la Judée, avertis de l'événement, font un grand carnage des fuyards, recueillent un immense butin, xiv, '.i-xv, 8.

Judith en reçoit sa bonne part. Le grand prêtre de Jérusalem vient la voir et la féliciter de l’appui et de la protection du Seigneur, xv, 9-15. Elle-même s’exalte et glorifie son exploit en un religieux cantique :

Assur est arrivé des montagnes du nord…

Mais Jahvé déjoua leurs projets,

Scbaddaï les anéantit par une main de femme. Ce ne sont point nos jeunes gens

Qui ont abattu leur puissant chef ; Ce ne sont pas les titans qui l’ont frappé. Ni les géants qui l’ont affronté : C’est Judith, la fille de Mcrari,

Dont la beauté l’a privé de force… XVI, .">, 7-8. Malheur aux nations qui s’attaquent à mon peuple ! e.ar Jahvé le vengera sur elles ;

sehaddai les visitera au jour du jugement. Au feu et aux vers il livrera leur chair, Clles en sentiront la cuisante à toujours. 20-21

(Grec et Vulgate.)

Le peuple se rend ensuite à Jérusalem célébrer la victoire, lue fête annuelle en consacre le souvenir. xvi, 22-31.

But religieux.

Histoire, fiction littéraire, allégorie

simple ou prophétique (sur la question du genre littéraire auquel il ressortit, voir Dictionnaire tir la , Bible, Paris, 1912, t. iii, col. 1820-1833 et Dictionnaire apologétique de la Foi catholique, Paris, 1915, t. ii, col. 1560-1564), ce récit a été conçu et rédigé dans une double intention, qui transparaît comme à Heur detexte et s’impose au lecteur avec tous les caractères de l'évidence : il veut établir cette vérité que Dieu n’abandonne jamais son peuple tant que celui-ci lui est tidèle ; il veut afïermir les Juifs dans la résolution de combattre tout ennemi de leur foi et de leur culte.

La vérité et la constance du fait divin s'établissent par l’histoire passée d’Israël autant et plus que par l’exemple des circonstances présentes, objet du récit. Cette histoire se reflète tout entière dans les discours ou les prières d’Eliacim, iv, 12-11 ; d’Achior, v, 5-25 ; de Judith, viii, 10-27 ; ix, 2-19 ; xi, 1-17, avec insistance sur la valeur et les eflets du pacte théocratique conclu entre Dieu protecteur ou justicier et le peuple observateur ou transgresseur des conditions religieuses OU légalistes de ce pacte. Elle se répète à l’heure où Béthulie et la Judée sont délivrées grâce a la fidélité de l’héroïne et de la nation aux devoirs qu’imposait la Loi ou son amplification traditionnelle, iv, 8-10 ; viii, 5-K ; x, 5 ; xii, 2, 9, 19. Cette fidélité est la marque même et comme la définition du la confiance en Dieu sauveur et secourable. iv, 12.

D’autre part, rien de plus opportun, semble ! il, que ce récit composé à la veille d’un danger suprême couru par Jérusalem et le judaïsme, tel qu’il dut s’en présenter plus d’un au cours de la période post-exilicn’ne où la Judée se trouva parfois jouir d’une autonomie et d’une tranquillité relatives sous la direction des grands prêtres, ou même des rois-pontifes asmo néens. Une lecture si pleine d'éléments édifiants et

rassurants ne pouvait manquer de relever le mora abattu et de soutenir le courage défaillant devant une menace nouvelle d’invasion et surtout de ses conséquences redoutées, la profanation du temple, la contrainte à des mœurs et à des observances étrangères au culte du vrai Dieu. Il n’est guère possible toutefois de déterminer le moment historique de la composition.

Caractère moral.

Non moins évident que le but

religieux du récit s’affirme le caractère moral des faits racontés. Dieu, voulant sauver son peuple et son culte d’un désastre irréparable, prend dans sa sagesse et sa providence aux desseins impénétrables, tout moyen humain de bonne guerre pour atteindre son but. La vertu de l’héroïne que lui-même inspire visiblement et qui agit sous l’impulsion de sa prévoyante et maîtrisante volonté, a, par une transposition temporaire de la responsabilité, sa sauvegarde dans le sentiment réel de la protection et du secours divins. Judith n’ignore pas que Dieu, parfois, « donne » « esprit de mensonge » quand il veut perdre et punir ses ennemis, III Reg., xxii, 22-23 : elle perçoit finement que dans le cas présent cet « esprit » réside élans l’empire absolu que prend l'être complexe féminin sur le cœur de l’homme vivement et sincèrement épris, et qui fait naître mainte occasion où s’endort la vigilance et s'éloigne même le péril d’un dénouement vulgaire. Il ne faut donc parler ici ni de « scandale », ni d' « odieux fanatisme », ni d' « assassinat », ni ele « sensualité raffinée i, ni de « conscience chrétienne révoltée ». (Auteurs rationalistes et théologiens réformés conservateurs.) Il ne faut pas non plus chercher des excuses maladroites à une entreprise aussi harelie, sous le prétexte par exem pie que Judith put bien vouloire provoquer élans Holopherne un amour honnête toujours susceptible de se résoudre en un mariage », Palmieri, De veritale hislorica Libri Judith, Golpen, 1886, p. 48, ou que la Bible n’entend pas approuver tout ce qu’elle raconte, Dictionnaire de la Bible, t. iii, col. 1823 ; Dictionnaire apologétique, t. ii, col. 1565. Judith souhaitant que l’ennemi capiatur laqueo oculorum suorum in me. et perculiatur ex labiis charitatis meæ, ix, 13, ne peut avoir imaginé pareille naïveté alors qu’elle vient de coin parer les assiégeants aux ravisseurs de Dina, tille de Jacob, qui violatores e.vstilerunt in coinquinatione sua. et denudaverunt fémur virqinis in confusionem. ix, 2. D’autre part, toutes les démarches de l’héroïne sont positivement louées, et d’une manière que l’on peut dire officielle, par les organes mêmes du magistère religieux cl moral du judaïsme, xiii, 22-26 : xv, 9-11, et par l’Esprit qui lui inspire son cantique, xvi. Elle a lait œuvre non seulement au-dessus de tout blâme, mais encore méritoire : idko eris benedicla in seternum… xv, 11.

IL Canonicité. — Bien que peut être écrit d’abord en hébreu (voir plus loin), le livre de Judith n’a point fait partie du canon palestinien des Livres saints. Les Juifs, qui le lisaient — sinon au temps d’Origène, Epist. ad Jul. Ajrican., c. xiii, P. (>'., t. xi, col. 80, du moins au temps de saint Jérôme, Pnvf. in lib. Judith, P.L., t. xxix, col. 37-38, — le comptaient parmi les htcûntm, extranei (libri), indiscutablement tenus hors du canon, encore qu’ils eussent été écrits avec le secours de la Bal qôl <> fille de la voix (divine) », inspiration de nature inférieure. Cf. Dict. dr la Bible, t.i, col. 1506 et t. iii, col. 1826 ; G. Wildeboer, De la formation du canon de l’Ancien Testament, trad. franc., Lausanne et Paris, s. d., ]). 66-67, Les Juifs hellénistes le transmirent comme saint et inspiré à l'Église chrétienne dans le corpus de la Bible grecque. S’il n’y est pas fait d’allusion certaine dans les écrits du Nouveau lesta ment--sinon peut être 1 Cor., ii, 10 (Judith, viii, 14) ; en revanche saint Clément de Rome et saint Ignace d’Antioche, parmi les Pères apostoliques, l’utilisent