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JUDÉO-CHRÉTIENS, APRÈS L’AGE APOSTOLIQUE


colère divine, laisse supposer une rupture avec un passé auquel on tenait beaucoup. Sous quelle influence se fit cette rupture V On a pensé aux esséniens. Tout en continuant à envoyer leurs ofïrandes à Jérusalem, les esséniens répudiaient les sacrifices, Josèphe, Antiq. jud., I. XVII I, c. ii, guidés sans doute par ce qu’ils lisaient dans les prophètes, de la supériorité de la pureté du cœur sur ces pratiques purement extérieures, de la perfection morale sur les sacrifices. Disséminés dans la même région que la secte juive, les ébionites purent subir son influence, et il ne serait pas impossible qu’ils l’eussent imitée dans sa répudiation des sacrifices. Cependant une autre explication paraît s’imposer. Après la ruine de Jérusalem, de 73 à 135, les judaïsants avaient encore la faculté de se rendre sur l’emplacement du temple, et d’accomplir, comme par le passé, les fonctions rituelles. Du temps de Cérinthe, les sacrifices étaient encore possibles. Eusèbe, H. E., VII, xxv, P. G., t. xx, col. 697. Mais après 135, après la construction de la ville païenne d’/Elia, et l’interdiction faite aux juifs d’y pénétrer, il devint impossible de continuer à observer ce point important de la Loi. Les sacrifices durent être abandonnés. Cette situation de fait, pénible à admettre pour des juifs, fut justifiée, chez ceux qui étaient devenus chrétiens, par une défense du Messie. Épiphane, Ihrr., xxx, 16, P. G., xli, col. 432.

Une autre particularilé des ébionites, l’abstinence des aliments animés, a été également considérée comme un emprunt à l’essénisme. D’après saint Matthieu, m, 4, Jean-Baptiste se nourrissait de sauterelles ; dans l’évangile ébionite, ces dernières, àxpîç, sont remplacées par des gâteaux à l’huile, èyxptç. Épiphane, Hser, , xxx, 13, P. G., t. xli, col. 428. A la question des disciples qui lui demandent : « OÙ voulez-vous que nous préparions la Pâques ? » Jésus répond : Myj êmOupû"/ èizzOùy-rpot. xpeàç toùto tô -KOLcya. çayeïv p.e6’i|xûv. Épiphane, Hser., xxx, 22, P. G., t. xli, col. 441. On s’interdisait donc, chez ces judaïsants, de manger ce qui avait eu vie. Il n’est pas du tout certain que les esséniens aient eu cette répugnance. L’idée qu’ils prescrivaient l’abstinence de la chair et du vin n’a pas de fondement dans les sources anciennes ; ces dernières laissent entendre tout le contraire, puisque les esséniens élevaient des troupeaux, I’hilon, Apologie, citée par Kusèbe, Preepar. evang., viii, 11, P. G., t. xxi, col. 64, et que Josèphe explique leur calme et leur tranquillité après le repas par le fait qu’ils ne prenaient que le nécessaire, pour l’apaisement de la faim et de la soif. De bel. jud., I. II, c. vu. Cf. Schiirer, Geschichte des jud. Volkes im Zeitalter J.-C, 4e éd., t. ii, p. 664-665. Et d’ailleurs la coutume ébionite pourrait tout aussi bien s’expliquer par le souci d’imiter L’ascétisme de Jacques, le frère du Seigneur, Eusèbe, II. P., II, xxiii. P. G., t. xx, col. i ! » 7, ou par une autre influence, d’origine philosophique ou religieuse.

Enfin on signale encore comme particularité, commune aux esséniens et aux ébionites, et pouvant faire croire à un emprunt de la secte chrétienne ; > la secte juive, la pratique des ablutions fréquentes. Les Clémentines représt ntent Pierre se livrant à de fréquentés ablutions. Hom., ix, 23 ; x, 26 ; xiv, 1. P. G., t. ii, col. 257, 276, 345 ; Recogn., iv, 3 ; v, 30. P. G., t. i. col. 1316, 1348. Les esséniens poussaient le souci de la pureté extérieure jusqu’à ses plus extrêmes limites, se baignant avant chaque repas, aussi souvent qu’ils satisfaisaient un besoin naturel, el chaque lois qu’ils avaient en contact avec un membre de l’une des is inférieures de la secte. Josèphe, De bell. jud. t. ii, C. mi. Il y a une ressemblance entre les deux

pratiques. Mais les Clémentines sont loin de représenter l’ébionisme proprement dit. Elles sont le témoin d’une

nouvelle doctrine, dans laquelle le judéo-christianisme n’entre que pour une part. Voir Clémentins (Apocryphes), t. iii, col. 201 sq.

En somme, ces vagues ressemblances entre l’essénisme et l’ébionisme n’imposent pas la conclusion d’un emprunt du second au premier ; il y a de plus entre les deux sectes des différences essentielles, qui se sont toujours maintenues. Ainsi les ébionites d’Épiphane rejettent les prophètes et ont un Pentateuque corrompu, Hser., xxx. 18. P. G., t. xli, col. 436, les esséniens utilisaient tout l’Ancien Testament, Josèphe, De bel. jud., t. II, c. vii ; le mariage était absolument interdit pour ces derniers, Philon, Apologie, citée par Eusèbe, Prsep. ivang., vui, 11, P. G., t. xxi, col. 644 ; Josèphe, Antiq. jud., t. XVIII, c. n ; De bell. jud., 1. IL c. vii, les ébionites condamnent la virginité et la chasteté, Épiphane, Hær., xxx, 2, P. G., t. xii, col. 408 ; on ne trouve pas, enfin, dans l’ébionisme, cette organisation et cette communauté absolue des biens, qui sont un des traits les plus caractéristiques de la secte essénienne, et qui aurait pu tenter ces « pauvres », les ébionites.

Il n’y a donc pas à tenir compte d’influences esséniennes, dans l’ébionisme proprement dit. Lorsque ces influences se firent sentir, elles agirent avec d’autres éléments, gnose, magie, astrologie, empruntés aux doctrines philosophiques et religieuses de l’Occident et de l’Orient, et qui transformèrent complètement la secte judaïsante. Ainsi naquit l’elcésaïsme.

Les eleésaïtes.

L’elcésaïsme est un syncrétisme,

à base de judéo-christianisme. On peut faire remonter son origine aux premiers temps de l’Église, puisque saint Paul combat déjà des manifestations de cette tendance syncrétiste dans son Épître aux Colossiens, n, 16. Cette tendance arriva à son plein développement au début du m c siècle, avec la secte des eleésaïtes. Voir l’art. Elefsaites, t. iv, col. 2333-2339.

I. Sources.

Actes des Apôtres et Épîtrcs de saint Paul ; Justin, Dialog. e. Tryph., 47 et 48, P. G., t. vi ; Irénée, Contra hær., 1. Iet IIIP. G., t.vn ; Tertullien, Depra : srriptionibas, 33, et pseudo-Tertullien, De prsescrtpttontbus, 48, P. L., t. n ; Apocryphes clémentins, Recognit., iv, v, P. (… t. i ; Homil., ix, x. xiv, P. G., t. n ; Origène, Contra Cels., v, P. G., t. xi : Hom. in Jcr., XV, P. G., t. xiii ; Comment. in Joh., ii, P. G., t. xiv ; Hippolyte, Philosoph., vii, x, P. <>'., I. xvi c ; Dionysius Bar Salibi, In Apocalypsin, Actus et Epist., dans Corp. script, eccl. orient., syri, Séries II, t. ci ; Eusèbe, Hist. Eccl., P. G., t. xx ; Pr&par. evang., vin, P. G., t. xxi ; Demonstr. evang., iii, t. xxii ; Épiphane, Ado. hær., xxviii, xxix, xxx, ii, lix, P. G., t. xii et xlii ; De mens, et pond., 14, t. xliii ; Philastrius, Hær., xxxvi, P. L., I. xii ; Jérôme, Epist., cxii, ad August., P. L., t. xxii ; Dialog. ado. Pelag., m ; De viris illustr., 2, 3, 16, t. xxin ; In Is., viii, ix, xi, xix, xxiv, XL, pi£efat. inl. XVIII, t. xxiv ; / ; i Ezech., xvi, Win ; In Mich., vii, t. xxv ; Comment, in Matth., vi, xii, xiii, xvi, xxvii ; In Eph., v, P. L., t. XXVI ; Tract, in psàbn. CXXXV, dans les.471cc</o( « Maredsolana, t. iii/j ; Théodoret, llivret. fab., ii, P. G., t. lxxxih.

II. TRAVAUX. Knabenbauer, Commenturius in Actus Apostolorum, Paris, 1899 ; I.oisy, Les Actes des Aiwtrrs, Paris, 1920 ; C.oppieters, Le décret des Apôtres, dans la Revue biblique, 1907, p. 31 sq.. 218 sq. ; Coræly, Comment, in S. Pauli epistolas, t. iii, Paris, 1892 ; Linhfoot, Saint Paul’s Epistle (o Galatians, 2 1 édlt., Londres, 1802 ; Ramsay, Historical commentary on the Galatians, Londres, 1899 ; S. l’uni the traueller unit the roman citizen, 1 0’édlt., Londres, 1908 ; I i monnyer. ÉpHres de saint Paul, 2 vol., Paris, 19071908 ; l-nit, lu théologie de saint Paul, t. i, 2’éilit.. l> : iriv. 1908 ; Toussaint, Épttres de suint Paul. 2 vol., Pari », 19101913 ; I.oisy, L’EpUre aux Gâtâtes, Paris. 1916 ; Lagrange, Saint Paul, L’Êpttre aux Gâtâtes, Paris, 1918 ; Tobac, ait. (..m. 1 1 s i Épltre aux), dans ce dictionnaire, t. vi : Ilcr/ou-Hauck, Reatencyclopâdie puprotestantlsche Théologie mul Ktrche, 3’édit., art. Ebionilen, t. v. p. 125-128 ; Llchtenberger, Encyclopédie des sciences religieuses, Paris ; Thomas, Éludes critiques sur les origines du christianisme, Paris, l870 ; Bestmann, Geschichte der christl.Sitten, t. ii, taac. 1 :