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    1. JUDÉO-CHRÉTIENS##


JUDÉO-CHRÉTIENS, APRÈS L’AGE APOSTOLIQUE

l’Évangile selon les Hébreux : t Si peccancrit f rater tuus in rerbo. et satis tibi /ecerit, septics in die suscipe îllum… » Jérôme, Dialog. ado. Pelag., iii, 2, P. L., t. xxiii, col. 570. Le pardon ne serait donc accorde sans limite, qu’aux péchés de parole, si on entend le terme verbo dans son sens strict. Enfin la joie n’est permise que lorsqu’on voit un frère rentré dans la charité : Et nunquam lœti sitis, nisi cum fratrem veslrum uiderilis in caritate. Jérôme, In Eph., v, 4, P. L., t. xxvi, col. 520.

II. LES JIDÉO-CBRÉTIESS HÉRÉTIQUES.

Il faut

y distinguer deux groupes : Les ébionites proprement dits et les eleésaïtes.

Les ébionites.

 La secte ébionite se distingue

nettement des nazaréens surtout par sa doctrine sur le Christ, dont elle nie la conception surnaturelle et la divinité. Voir Ébionites, t. iv, col. 1987-1995.

1. Orii/ines de l’ébionisme. — Au moment même où Hégésippe affirme la conformité des croyances des Eglises occidentales avec celles des communautés judéo-chrétiennes d’où il sortait, Irénée signale une secte de chrétiens circoncis, séparés de la grande Église, les ébionites. Hégésippe avait placé le commencement de l’erreur dans l’Église de Jérusalem, après la mort de Jacques, l’auteur en était un certain Thébutis, mécontent de n’avoir pas obtenu la succession du i frère du Seigneur », et d’avoir été supplanté par Siméon. Eusèbe, H. E., IV, xxii, P. G., t. xx, col. 380. Ce Thébutis était vraisemblablement le chef des zélateurs intransigeants de la Loi ; il se sépara des modérés, dirigés par Siméon, et commença de corrompre l’Église, demeurée vierge jusqu’alors.

l’n autre hérétique, Cérinthe, est mis par toute la tradition en relation étroite avec les ébionites. Irénée attribue à ces derniers la même doctrine qu’à Cérinthe, sur ce qui concerne le Seigneur. Qui autem dicuntur ebionilse consentiunt quidem muniliim a Deo (actum, ea autem quæ sunt cnja Dominum consimililer ut Cerinthus et Carpoerates ojnnantur. Cont. hær., I, xxvi, 1, P. G., t. vii, col. 695. Hippolyte, Philosoph., vii, 33-34 ; x, 21, P G., t.xvic, col. 3312, 3438 et Théodoret, Hærel. fab., ii, 3, P. G., t. i.xxxiii, col. 389, reproduisent les données de l’évoque de Lyon. Le catalogue d’hérésies annexé au De prwscriptione de Tertullien, marque entre les deux le même rapprochement, en ce qui concerne le respect de la loi mosaïque, la même divergence, dans la manière de concevoir les rapports de Lieu et du monde Hujus (Cerinlhi) successor Ebton fuit. P. L., t. ii, col. 67. Épiphane associe également les deux noms : "Ev6ev yàp ot TCpl Kï)pi.v00v xai’Eëtwva ^(.Xôv tôv àv6pco7rov xaxéa/ov. Hær., li, 6, P. G., t. xi.i, col. 897. Il fait de Cérinthe le chef des judaïsants de l’Église primitive, Hær., xxviii, 2, 4, P. G., t. xi.i, col. 380, 381, idée qui se. trouvait déjà dans Hippolyte. (Voir la citation de ce dernier dans Denys Bar-Salibi, In Apoculupsin, Actus et Epist. canon., édit. Sadleck, dans le Corp. script, orient., auteurs syriaques, ser. II, t. ci, p. 1). Enfin l’cvêque de S al aminé, prête aux uns et aux autres la même doctrine, Haï., xxx, 18 ; LI, 6 ; i.xix, 23, P. G., t. xjli col. 436, 897, t. xi.ii. col. 237 ; ébionites et cérinthiens ne se servent que d’un évancile, selon Matthieu. /Lrr., xxx, 3, P. (.’., t. xi.i, cjiI. 109.

Ce rapprochement, fait par les Pères entre Cérinthe et les ébionites, n’a-t-il pas un autre fondement que la similitude de leur doctrine en ce qui concerne le Sauveur ? Ne pourrait-on pas voir dans Cérinthe le principal initiateur du mouvement ébionite ? Il importe de remarquer que primitivement on ne parle pas de disciples de Cérinthe : c’esl.seulement au milieu du ine siècle, avec Denys d’Alexandrie, qu’il est question pour la première fois d’une hérésie cérinlhienne. Eusèbe, H. E., VII, xxv, P. G., t. xx, col. 697 ; aux

cérinthiens, Épiphane ajoute les mérinthiens, qu’il invente, ltur.. xxx, 3, P. G., t. xli, col. 46. Par contre Ébion n’est pas connu des premiers hérésiologues : il est nommé pour la première fois par Tertullien, De prœscript., 33, P. L., t. ii, col. 46, et à sa suite par le pseudo-Tertullien, De prwscript., 48, ibid., col. 67, Hippolyte, Philosoph., vii, 35, P. G., t.xvic, col. 3342, Épiphane, Hær., xxx, 17, P. G., t. xii, col. 433, et Théodoret, Hæret. lab., ii, 1, P. G., t. lxxxiii, col. 388. Comme on avait donné à Cérinthe des disciples, les cérinthiens, on chercha aux ébionites un chef de file et on trouva naturellement Ébion, alors qu’en réalité Cérinthe doit être séparé des gnostiques, pour être rattaché aux ébionites.

Comment expliquer cette confusion ? Selon toute vraisemblance, Irénée en est responsable. Il ne pouvait rattacher directement les ébionites à Cérinthe, malgré la similitude des doctrines professées par celui-ci et par ceux-là sur un grand nombre de points, car il attribuait à Cérinthe des idées gnostiques. Partant de cette attribution d’idées gnostiques à ce personnage, les écrivains postérieurs déplacèrent son centre d’activité. On savait seulement, de source sûre, que l’hérésiarque s’était signalé à Éphèse ; pour expliquer son gnosticisme, on le fit naître en Egypte < la patrie de la sagesse humaine et le lieu d’élection des hérésies ». G. Bardy, Cérinthe, dans Revue biblique, 1921, p. 351. Ce n’est en effet qu’au iiie siècle, qu’on rencontre ce nouveau renseignement sur la patrie de Cérinthe, dans Hippolyte, Philosoph., vii, 33 ; x, 21, P.G., t. xvic, col. 3341, 3137 ; Denys d’Alexandrie est le premier Égyptien qui en parle. Eusèbe, H. E., VII, xxv, P. G., t. xx, col. 697. Cette donnée récente sur l’origine égyptienne de Cérinthe est d’ailleurs en contradiction avec cette autre qui en fait un judaïsant extrême, et le protagoniste des judaïsants de Palestine : un juif égyptien aurait eu des idées plus larges.

Reste le gnosticisme de Cérinthe. Il n’est pas plus certain que son origine égyptienne. To.ite la tradition sur ce point dépend du texte d’Irénéc. Cont. hær., I, xxvi, 1, P. G., t. vii, col. 685. Irénée sait peu de chose sur la personne de Cérinthe, qu’il introduit par ces mots KrjpivOoç 8s tiç. La doctrine qu’il lui attribue <> exposée avec un si grand luxe de détails, n’offre rien d’original, on ne saurait la regarder comme la doctrine exclusive de Cérinthe. Elle reproduit dans ses traits essentiels, la doctrine des grandes écoles gnostiques ; et tout de suite saute aux yeux la préoccupation d’Irénéc : l’hérésiologue cherche des ancêtres aux valentiniens qu’il se propose surtout de démasquer et de confondre dans son ouvrage. Cérinthe est un de ces ancêtres. » G. Bardy, loc. cit., p. 345-346.

Il semble donc que l’on puisse considérer Cérinthe comme un des principaux initiateurs du mouvement judaïsant, qui reçut le nom d’ébionisme. Pourquoi ce nom ? On a vu que le nom propre d’Ébion reposait sur un fondement traditionnel peu solide. On a cherché l’explication du mot dans l’hébreu JV3K, pauvre. Et cette élymologie a donné lieu à plusieurs interprétations. Les hérétiques se seraient eux-mêmes désignés ainsi, à cause de la pauvreté qu’ils pratiquaient, conformément au précepte du Sauveur. Rien ne prouve que celle pauvreté ait été la marque spéciale de leurs mœurs, et surtout qu’elle ait été assez caractéristique pour les distinguer des autres chrétiens, pour qui le conseil évangélique n’était pas resté lettre morte. Peut-être ce nom avait-il servi primitivement comme celui de nazaréens, à désigner tous les chrétiens, pour être ensuite réservé à ces hérétiques par dérision, soit à cause de la pauvreté de la Loi, en laquelle ils mettaient leur espoir, soit à cause de la pauvreté de leurs doctrines, des idées mesquines qu’ils se faisaient de la personne du Sauveur.