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JUDÉO-CHRÉTIENS, APRÈS L’AGE APOSTOLIQUE


croyons aussi ». Epist., cxii, ad August., P. L., t. xxii. col. 924. Leur seul tort est de vouloir être à la fois juifs et chrétiens. D’après Épiphane, ils croient en un seul Dieu et en Jésus-Christ, Fils de Dieu. Hær., xxix, 7, P. G., t. xli, col. 101.

Ils admettent la conception surnaturelle du Christ. Les ébionites supprimeront de leur évangile les chapitres i et ii, sur la naissance du Sauveur : rien ne permet de supposer qu’il en ait été de même dans l’Évangile selon les Hébreux. Épiphane dit qu’il est complet, uXTjpéaTocTov. Ibid., n. 9, col. 405. Le rôle particulier, que cet évangile accorde au Saint-Esprit, au baptême et dans la vie de Jésus, ne va pas contre cette croyance à la naissance virginale. Au baptême, . Jésus reçoit le Saint-F.sprit, qui le proclame son Fils premier-né : Faction est autem cum ascendissel Dominus de aqua, descendit fons omnis Spirilus Sancti, et requieuit super eum, et dixit illi : « Fili mi, in omnibus prophetis exspectabam te, ut venires, et requiescerem in le. Tu es enim requies mea, lu es fïlius meus primogenitus, qui régnas in sempilernum. > Jérôme, în ls., xi, 2, P. L., t. xxiv, col. 144-145. Dans saint Matthieu, après la descente du Saint-Esprit, sous forme de colombe, il est question d’une voix venant du ciel : El ecce vox de ccelis dicens. Matth., m. 17. Ici c’est le Saint-Esprit qui parle et qui appelle Jésus son fils premier-né. Cette manifestation de l’Esprit, mère de Jésus, n’a pas pour but de remplacer la conception surnaturelle ; mais de marquer l’œuvre de Dieu en Jésus, et l’accomplissement des prophéties. Que le Saint-Esprit soit appelé mère de Jésus, il n’y avait rien là qui pût choquer des juifs ; et les Pères qui citent ce passage ne s’en étonnent pas. Cela s’explique facilement pour Jérôme, car la divinité n’a pas de sexe, In ls., xl, 9 sq., P. L., t. xxiv, col. 405 ; ou par ce que, chez les juifs, l’esprit nn est du féminin. Comm. in Mich., vii, 6, P. L., t. xxv, col. 1221 ; Origène, In Joh., ii, 6, P. G., t. xiv, col. 132-133.

Dans le récit de la tentation, le Saint-Esprit joue un rôle qu’il n’a pas dans l’évangile canonique. C’est lui, et non le démon, qui transporte Jésus sur le sommet d’une montagne, ici précisée. « Ma mère le Saint-Esprit, m’a pris par un cheveu, et m’a porté sur la grande montagne du Thabor. » Origène, In Joh., ii, 6, P. G., t. xiv, col. 132-133 ; In.1er., hom. xv, 4, P. G., t. xiii, col. 433. On voulait ainsi éviter tout contact de Jésus avec le démon. N’est-ce pas parce que Jésus portait en lui la divinité ? Le démon n’avait pas eu de prise sur lui par le péché : si Jésus a reçu le baptême, ce n’est pas, comme les autres, in remissionem peccalorum. Il sait qu’il n’a pas besoin de cette purification, s’il veut bien en passer par là, c’est à la prière de Marie et de son entourage, pour faire comme les autres, pour l’exemple, et pour donner lieu à la manifestation de l’Esprit saint : Ecce mater Domini et fratres ejus dicebant ei : Joannes Baptisla baptizal in remissionem peccalorum ; eamus et baplizemur ab eo. Dixit autem eis : quid peccavi, ut nadam et baptizer ab eo ? Nisi forte hoc ipsum quod dixi, ignorantia est. Jérôme, Dialog. adv. Pelag., iii, 2, P. L., t. xxiii, col. 570. Nous sommes loin de l’erreur ébionite et gnostique, selon laquelle Jésus n’avait reçu le Christ qu’à son baptême : à ce moment, Jésus a conscience qu’il n’a commis aucune faute : ce qu’aucun homme ne saurait prétendre ; sa conception surnaturelle le préservait des atteintes du démon. Il est au-dessus de tous les saints et de tous les prophètes, car il a reçu la plénitude du Saint-Esprit : Descendit super eum omnis fons Spiritus Sancti, Jérôme, In ls., xi, 2, P. L., t. xxiv, col. 144 ; In prophetis poslquam uncti sunt Spiritu Sanclo, inventus est sermo peccali, Jérôme. Dialog. adv. Pelag., iii, 2, P. L., t. xxiii, col. 570 ; Variante de Matth., xviii, 22, dans s 77-175. Cf. Schmidtke, op. cit., p. 40.

Dans les passages relatifs à la résurrection, on constate le souci de donner plus de force aux preuves du premier évangile. Le texte nazaréen supprime dans Matth., xii, 40, les trois jours et trois nuits dans le tombeau (variante de z 175, Schmidtke, op. cit., p. 39), il signale la présence de soldats romains auprès du tombeau, qui. dans Matthieu, n’était gardé que par des juifs, xal roxpé&oxev ocÙtoîç avSpaç £VÔ7rXooç, ïva xaôéÇwvxat. xar’svâvriov toù aiT7jXsx£oi> xal r » )ptoj-îiv aùxôv Yjpispaç xal V’jxtôç, var. de Matth., xxvi, 65, S 30, Schmidtke, op. cit., p. 10 ; il insiste sur le fait que Jésus apparaissant n’est pas un incor » porale dœmonium. Jérôme, In ls., pnef. in t. XVIII, P. L., t. xxiv, col. 628, mais possède bien un corps réel, que les apôtres peuvent toucher. Qua : i ! o venit ad Petrum et ad eos qui cum Pelro eranl, dixit eis : ecce palpale me et videle, quia non sum dœmonium incorporale. El stai ; m teligerunt eum et crediderunt. Jérôme, De vir. HL, 16, P. L., t. xxiii, col. 633.

4. Particularités judéo-chrétiennes.

Comme il convenait dans un évangile judéo-chrétien, c’est Jacques qui joue le rôle prépondérant dans les apparitions, c’est lui, Jacques le Juste, qui le premier voit le Sauveur ressuscité. Ce récit est très significatif : Dominus autem cum dedisset sindonem servo saccrdolis, ivit ad Jacobum, et apparuit ci, quraverat eni Jacobus se. non comesurum panem ex Ma hora qua biberat calicem Domini, donec videret eum resurgenlem a dormientibus) rursusque post paululum, « adferle, ail Dominus, mensam et panem », stalimque additur : Tulit panem et benedixil et f régit et dédit Jacobo Justo et dixit ci : « Frater mi, comede panem tnum, quia surrexil Filius hominis a dormientibwi. » Jérôme, De "ir. ill., 2, P. L., t. xxiii, col. 613. La démarche du Sauveur, qui va trouver Jacques, la foi de ce dernier, qui attend dans le jeûne la résurrection, les expressions « Frater mi », Jacobo Justo, la première répétition de la Cène, tout est relaté pour donner une place de premier rang au futur chef des communautés judéo chrétiennes.

Ce n’est d’ailleurs pas la seule influence de cet esprit judaïsant que l’on remarque daus l’Évangile des Nazaréens. L’attachement à l’Ancien Testament y est plus accentué que dans saint Matthieu ; on y trouve cités des passages des prophètes, v. g. à propos de la rupture du voile du temple. L’auteur insère dans le texte le linteau, qu’il a trouvé dans Isal’e, vi, 4 : superliminare templi infinitse magnitudinis fraclum esse atque divisum. Jérôme, In Malth., xxvii, 51, P. L., t. xxv ;, col. 213. Il montre, à propos du jeune homme riche, comment l’accomplissement sincère de l’ancienne Loi conduit à la perfection de la nouvelle : Dixit ad eum Dominus : « quomodo dicis : Legem eci et prophelas ? quoniam scriptum est in lege : diliges proximum sicut leipsum, et ecce multi fratres tui, filii Abrahæ, amicti sunt slercore, mori entes pree famé, et domus tua plena est multis bonis, et non egreditur omnino aliquidex ea ad eos. » Et con » ersas dixit Simoni discipulo suo sedenti apud se : « Simon, filii Joanne, facilius est camelum intrare per foramen acm, quam divitem in regno cœlorum. > Pseudo-Origène, P. G., t. xiii, col. 1293-1291.

5. Morale.

Ce qui caractérise la morale des nazaréens, c’est un certain rigorisme. Jésus rejette ceux qui ne font pas la volonté de son Péri, quand bien même ils seraient dans son sein (Église ?) : èiv -/j-rc sv tô> xôXttu (i.oo xal tô 6éXr]u, a toù ITa-rpôç (xou xoû èv oùpavoïç (jir) noirTe, èx toù xôX7tou u.oo txTioppifytù û(xàç. Var. de Matth., vii, 5, S 30, Schmidtke, op. cit., p. 39. A propos du pardon des péchés, saint Pierre demande à Notre-Seigneur, d’après.Matth, xviii, 21 : « Domine, quolies in me peccabit frater meus, et dimitlam ei ? » Une restriction paraît apportée dans