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    1. JUDÉO-CHRÉTIENS##


JUDÉO-CHRÉTIENS. APRÈS L’AGE APOSTOLIQUE

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comme SeoTrôauvoi et comme guides. Jules Africain, dans Eusèbe, H. E., I ; xiv, P. G., t. xx, col. 97. Ce seraient ces personnages qui seraient donnés ici comme évêques de Jérusalem. Knopf, op. cit., p. 27-28.

Deux explications sont acceptables : plusieurs évêques simultanés, ou des évêques de plusieurs communautés. Il ne serait pas impossible que l’Église de Jérusalem ait été gouvernée collectivement, après saint Jacques, par plusieurs évêques : Corinthe, qui ne vivait pas dans l’isolement du reste de la chrétienté, comme les églises judéo-chrétiennes, avait encore un collège de presbytres à sa tête, à la fin du premier siècle. Mais si, après 73, Siméon est rentré avec quelques chrétiens à Jérusalem, si des évêques venant après lui ont ainsi continué de manifester parleur présence dans la Ville sainte, leur attachement à leurs traditions, il n’y a rien d’invraisemblable à ce que d’autres personnages aient présidé, dans le même temps aux destinées des communautés plus considérables de la Transjordane. Et ainsi s’expliquerait ce grand nombre d’évêqucs pour une période aussi restreinte.

3. Après l’expulsion des juifs sous Hadrien en 135. — En 132, Bar-Kochéba, se faisant passer pour le Messie, souleva toute la Palestine contre la domination romaine. Cette révolte eut le caractère d’un fanatisme exaspéré : elle fut le dernier soubresaut du nationalisme juif. Les chrétiens refusèrent de prendre part à l’insurrection : Bar-Kochéba ne pouvait être qu’un imposteur, puisque le Messie était venu en la personne de Jésus. Ils furent considérés par les juifs comme des traîtres et cruellement persécutés. En 135, la révolte était réprimée dans le sang par Sévère. L’empereur Hadrien fit raser la ville de Jérusalem et construisit sur son emplacement une cité complètement païenne à laquelle il donna son nom, JElia Capitolina. Défense fut faite aux juifs, sous peine de mort, de pénétrer dans la nouvelle ville. Eusèbe, H. E., IV, vi, P. G., t. xx, col. 312 sq. Les judéo-chrétiens, bien que restés en dehors de la révolte, furent compris dans la défense : ils étaient juifs, puisqu’ils continuaient à pratiquer la Loi.

A cette date, disparurent les évêques de la circoncision. Il se forma à yElia une nouvelle communauté chrétienne, formée non plus de juifs, mais de gentils : leur premier évêquc fut Marc. Eusèbe, H. E., IV, vi, col. 316.

Ainsi frappées, dépourvues d’évêquesde leur nationalité, ces communautés de la Palestine et de la Transjordane, mettront longtemps à mourir, sans plus guère faire parler d’elles.

Justin en considère les membres comme des chrétiens de bon aloi, qui peuvent se sauver tout en observant les prescriptions légales, pourvu qu’ils ne prétendent pas les imposer aux autres. Dialog., 47, P. G., t. vi, col. 576 sq. De même, Origène, Conl. Cels., v, 61, 65, P. G., t. xi, col. 1277, 1288, Eusèbe, H. E., III, xxvii, t. xx, col. 273, les distinguent d’autres judéochrétiens hérétiques ; mais ils les rangent tous sous la même dénomination d’ébionites. Cependant on ne tarda pas à réserver ce nom d’ébionites aux hérétiques, tandis que l’on désigna ceux dont la croyance était orthodoxe sous le nom de nazaréens, nom qui avait été donné par les juifs aux premiers chrétiens. Act., xxiv, 5. C’est sous ce nom que les désignent saint Épiphane, Hser., xxiX ; P. G., t. xli, col. 388 sq, et saint Jérôme, Epist., cxii ad Augustinum, P. L., t. xxii. col. 924. Jérôme leur reproche simplement de vouloir être à la fois juifs et chrétiens : qui credunt in Christum, filium Dei, natum de virgine Maria, et eum dicunt esse qui sub Pontio Pilalo passus est et resurrexit. in quem et nos credinuis ; sed dum volunt et Judœi esse et Christiani, nec Judœi sunt, nec Ctiristiani. Si Épiphane les range dans son catalogue d’hérésies, cela s’explique tant par

le désir de ne laisser échapper aucune aberration doctrinale que par le fait que l’évêque de Salamine n’est pas bien renseigné sur les doctrines christologiques de ces nazaréens. Après avoir dit qu’ils ne différaient des Juifs que par leur foi au Christ, et des chrétiens que par leur soumission aux rites judaïques, il avoue son ignorance sur leur doctrine relativement à la conception surnaturelle de Jésus. « LTepl XpiaToô Se ow oISx ebteïv, eî xqci aÙTol, tjj twv 7vpo£ipï)fiévcov rcepi Ky)p160v xat MyjpivOov (jio/07]pîa à^Oévreç, tyCkhv av6pco71 : ov vofitÇouaiv y), xa6wç r> àrfieix £X £l > Sià rivei>[i.aTo< ; àytou yeysvvTicrôxi, e * Maptàç 81a6e6xioîiv-7ai. » Hær., xxix, 7, P. G., t. xli, col. 401. Mais il est certain que sur ce point les nazaréens partageaient la foi de l’Église. C’est donc à tort que l’évêque de Salamine en fait des hérétiques.

A l’époque où écrivaient Épiphane et Jérôme, ils étaient disséminés dans les mêmes localités où l’on rencontrait des ébionites, dans la région de Bérée, en Célésyrie, dans la Décapole et en Batanée. La suite de leur histoire est des plus obscures. Ils auront mené une vie languissante, jusqu’à l’invasion de la Palestine par les premiers califes, au vue siècle.

2° Leur doctrine.

1. Leurs livres canoniques.

Selon Épiphane, les nazaréens se servaient du Nouveau et de l’Ancien Testament. Hær., xxix, 7, P. G., t. xli, col. 401. Qu’ils aient utilisé toute la Bible juive, cela est indiscutable, étant donné leur attachement à la Loi. Dans leur interprétation de l’Ancien Testament, ils argumentent fréquemment contre les scribes et les pharisiens. Jérôme, In Is., viii, Il sq., 19 sq. ; ix, 1 sq. ; xix, 17 sq., P. L., t. xxiv, col. 119, 123, 125, 136. Cette tendance antipharisaïque est d’ailleurs marquée dans leur évangile, où ils exagèrent les reproches de Jésus aux pharisiens. Var. de Mattli., xv, 5, cod. S 30.

Par contre, leur canon du Nouveau Testament était des plus restreints. Ayant un évangile à eux, écrit en araméen, différent des évangiles canoniques, ils devaient non seulement lui donner la préférence, mais laisser de côté les autres. Surtout les écrits pauliniens étaient peu en honneur parmi eux. Eusèbe parlant des ébionites modérés, qui sont les nazaréens, dit qu’ils rejetaient les épîtres de saint Paul, qu’ils appelaient « apostat de la Loi ». H. E., III, xxvii, P. G., t. xx, col. 273. Cette donnée d’Eusèbe n’est pas contredite par celle de Jérôme, affirmant qu’ils reconnaissaient la légitimité de la mission de l’Apôtre, novissimus omnium apostolorum. In 7s., ix, 1, P. L., t.xxiv, col. 125. II n’est pas nécessaire de dire que, sur ce point, les nazaréens ont « peu à peu modifié leur manière de voir ». A. Réville, art. Nazaréens, dans l’Encyclopédie des sciences religieuses, t. ix, p. 544. Les judéo-chrétiens modérés n’ont jamais reproché à Paul son apostolat auprès des païens : les gentils pouvaient prétendre comme eux au salut par la foi au Christ ; s’ils étaient tenus à l’écart par les convertis du judaïsme, c’est que ces derniers voulaient maintenir leurs privilèges de descendants d’Abraham. Le reproche adressé à Paul d’avoir abandonné la Loi n’excluait pas l’admiration pour son œuvre d’apostolat.

2. L’Évangile des Nazaréens.

La question de l’évangile utilisé par les nazaréens est très obscure. Les récents travaux de Schmidtke, Neue Fragmente und Untersuchungen zu den judenchristlichen Evangelien, dans les Texte u. Untersuchungen, Leipzig, 1911, t. xxxvii, fasc. 1, et du P. Lagrange, L’Évangile selon les Hébreux, Revue bibliqu-, 1922, p. 161-181 ; 321-349, ont abouti à plusieurs conclusions acceptables. On trouvera ici celles de ce dernier auteur. Cf. Hennecke, Neutestam. Apokryphen, 2e édit.. 1923, p. 17 sq.

Les judéo-chrétiens se servaient d’un évangile écrit en lettres hébraïques et dans la langue commune aux