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    1. JUDÉO-CHRÉTIENS##


JUDÉO-CHRÉTIENS. APRÈS L’AGE APOSTOLIQUE

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si ce n’est (mss. C et D) ] qu’ils s’interdisent les idolothytes, le sauf ;, les viandes étouffées et la fornication », Act. xxi, 25, n’est-ce pas pour bien faire remarquer que la décision de Jérusalem ne s’appliquait qu’aux gentils, qu’eux seuls étaient exempts des observances mosaïques, et que ces dernières demeuraient obligatoires pour les chrétiens de la circoncision ?

Comment concevaient-ils cette obligation ? Ce n'était pas à coup sûr comme un simple moyen d’attirer plus facilement les juifs dans l'Église. Il ne parait pas non plus que ce soit seulement par habitude, par difficulté de se détacher d’un long passé où l'élément national avait une part aussi grande que l'élément religieux, ou par une véritable piété et par scrupule de conscience, qu’ils continuent à observer la Loi. Il y avait plus dans leur attitude : si le principe de la justification n'était plus dans la Loi, mais dans la foi en Jésus-Messie, ils considéraient néanmoins que le christianisme était le perfectionnement du judaïsme ; que ce qu’il y avait de nouveau dans l’enseignement de Jésus, et dans les pratiques qui en découlaient, se surajoutait à l’enseignement de la Loi et des Prophètes : que, par le fait, rien ne devait être retranché de ce que leurs pères avaient pratiqué : ils se croyaient tenus de l’observer, comme par le passé.

2. Le successeurs de Jacques, de 62 à 135. — Cet état d’esprit persévéra jusqu'à la destruction des communautés judéo-chrétiennes, englobées dans le massacre des juifs sous Hadrien. Le successeur de Jacques fut Siméon, un autre parent du Sauveur : il était fds de Clopas.. « oncle du Christ ». Sur la nature de la parenté de ce Clopas avec Jésus, voir col. 1171. D’après Eusèbe, H. E., III, xi, P. G., t. xx, col. 245. il fut élu par les apôtres et les disciples, « après le martyre de Jacques et la destruction de Jérusalem, qui arriva en ce temps t. Suivant Hégésippe, cité par Eusèbe, H. E., IV, xxii, ibid., col. 380, il fut choisi, « après le martyre de Jacques. » Or il s’est passé environ huit années entre le martyre de Jacques et la prise de la ville sainte par Titus. Eusèbe se trompe en plaçant les deux événements sensiblement à la même époque, et le témoignage d’Hégésippe doit être préféré au sien : ce dernier connaissait bien les Églises judéo-chrétiennes, étant lui-même judéo-chrétien, et se trouvait très rapproché des événements, puisque Siméon mourut en 107 et que c’est au milieu du second siècle qu’Hégésippe entreprit son voyage à travers le monde chrétien.

Siméon était donc déjà à la tête de l'Église de Jérusalem, lorsque se produisirent les graves événements qui devaient mettre fin à la vie nationale du peuple juif. Dès que commencèrent les premiers troubles et les soulèvements qui allaient amener l’intervention de Vespasien, puis celle de Titus, les chrétiens, avertis par une prophétie du danger qui menaçait leur ville, quittèrent Jérusalem, et se réfugièrent, accompagnés sans doute de leurs frères des autres villes et bourgades de Palestine, à Pella, en Décapole, dans le royaume d’Agrippa IL Eusèbe, H. E., III, v, P. G., t. xx, col. 221. Cette ville devint dès lors le centre principal de l'Église judéo-chrétienne : un autre centre, d’après Jules Africain, se créa à Kokhaba, également dans la région transjordanienne. Eusèbe, II. /-'., I, vii, ibid., col. 97. Lorsque la paix fut rétablie en Judée, un groupe de chrétiens rentra à Jérusalem, vraisemblablement conduit par Siméon. Épiphane, De mens. et pond., 14, P. G., t. xuu, col. 259-262 ; Eusèbe, J)emonst.evanij., III, v, t. xxii, col. 221. Cf. H. Knopf. JJas nachapostolische Zeitaller. Geschichte der christliclien Gemcinden viim lieginn der Flaviendynaslie bis zum Ende 1 lotirions, p. 11-15.

La ruine de Jérusalem et du Temple aurait dû être une leçon pour ces chrétiens. Ceux de la gentililé y virent nettement l’action de la Providence : Dieu se

séparait dé son peuple ; il lui enlevait la possibilité de lui rendre désormais un culte conforme aux prescriptions mosaïques ; il repoussait définitivement les sacrifices ordonnés par la Loi. N’y avait-il pas là une preuve tangible de l’abrogation définitive du mosaïsme ? Les judéo-chrétiens ne comprirent pas. Aveuglés par leur nationalisme, ils voulurent malgré tout demeurer Juifs. Ils continuèrent à circoncire leurs enfants pour les attacher à la nation juive ; ils remplirent toutes les prescriptions de la Loi, même les moins importantes : ablutions et purifications ; ils gardèrent scrupuleusement le sabbat, observèrent les fêtes, etc.

Ils eurent toujours à leur tête des Hébreux de vieille roche, ouç Tuâvrocç 'Eopaîouç <paaîv ôvtxç àvéxaŒv. dit Eusèbe, H. E., IV, v, P. G., t. xx, col. 309. Siméon gouverna la communauté depuis la mort de Jacques jusqu’en 107. Il mourut martyr, à l'âge de 120 ans, sous Trajan, Atticus étant gouverneur de Palestine. Eusèbe, II. / ;., III, xxxii, col. 281. On connaît après lui treize évêques judéo-chrétiens, dont les noms nous ont été conservés par Eusèbe. « Le premier fut donc Jacques, le frère du Seigneur ; le second après lui, Siméon ; le troisième, Juste ; Zacchée, le quatrième ; le cinquième, Tobie ; le sixième, Benjamin ; Jean, le septième ; le huitième, Matthias ; le neuvième, Philippe ; le dixième, Sénèque ; le onzième, Juste ; Lévi, le douzième ; Éphrem, le treizième ; le quatorzième, Joseph ; enfin le quinzième, Judas. Tels furent les évêques de la ville de Jérusalem depuis les apôtres, jusqu’au temps dont il est question présentement ; ils appartenaient tous à la circoncision. » H. E., IV, v, col. 309. Judas fut le dernier évêque de la circoncision. Ce fut le soulèvement de Bar-Kochéba et la guerre qui suivit qui mirent fin à l’existence de cette chrétienté, en l’an 19 d’Hadrien (135-136). L’empereur interdit aux juifs, et par le fait aux chrétiens de la circoncision, d’habiter yElia Capitolina, la nouvelle ville, construite sur les ruines de Jérusalem.

Il y eut ainsi quinze évêques de la circoncision. Jacques et Siméon étant mis à part, cela fait treize évêques pour un espace de moins de trente ans. C’est évidemment trop. A. Michiels, voit dans les troubles et les persécutions de l'époque, l’explication de cette anomalie. L’origine de l'Épiscopat, Louvain, 1900, p. 357. L. Duchesne, dans les Origines chrétiennes, (cours lithographie) c. x, p. 140, émet plusieurs hypothèses : « la première liste d’Eusèbe ne peut être acceptée que si l’on admet, ou une durée plus longue, ou plusieurs évêques simultanés. Les deux hypothèses sont possibles, car Eusèbe a tort d’introduire la révolte de Bar-Kochéba comme une époque dans la vie de l'Église de Jérusalem. Celle-ci avait émigré vers l’année 68, et ne pouvait être rentrée à Jérusalem, que d’ailleurs l’insurrection de Bar-Kochéba ne toucha pas. Il se peut que la liste de quinze évêques judéo-chrétiens, (Jacques et Siméon compris), corresponde à une existence plus longue qu’Eusèbe ne l’a cru. Il peut se faire aussi qu’il nous donne ici les noms des évêques de différentes Églises judéo-chrétiennes, colonies de l'émigration de Pella et pouvant toutes prétendre au titre d'Église de Jérusalem ». C’est la dernière hypothèse que réminent historien conserve dans son Histoire ancienne de l'Église, t. i, 5e édit., p. 120-121. « Si l’on accepte la liste et la limite telles que les donna Eusèbe, il sera naturel d’y voir des évêques. non seulement de Pella, mais de quelques autres colonies de la communauté primitive de Jérusalem. »

R. Knopf voit dans la liste donnée par Eusèbe les noms des parents de Jésus. Il part de ce fait que Jacques, frère du Seigneur, avait eu pour successeur un cousin de Jésus, désigné au poste d'évêque de Jérusalem, pour cette seule raison de parenté, et que les parents du Sauveur s’imposaient aux communautés