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JUDÉO-CHRÉTIENS. A L’AGE APOSTOLIQUE


complément indispensable du christianisme ». Il s’appuie sur le sens du verbe ÈTUTsXsTaôe de Gal., m, 3. « Qu’on prenne le verbe èiziTzXzlaQz au passif, « vous êtes conduits à la perfection », avec la Vulgate et les Pères grecs, ou à la voix moyenne, « vous achevez, vous couronnez l’ouvrage, » avec la plupart des exégètes modernes, la circoncision est opposée au baptême comme la fin au commencement, et le chefd'œuvre à l'ébauche. » La théologie de saint Paul, 1. 1, p. 225. « Dans la controverse présente, dit M. Toussaint, le point de vue des judaïsants s’est déplacé. On ne prêche plus la nécessité de la circoncision, mais seulement les prérogatives qu’elle confère à ceux qui la reçoivent, » Épîtres de saint Paul, t. i, p. 174. C’est encore l’interprétation donnée par Ramsay : les judéochrétiens insistaient sur l’existence de deux catégories de chrétiens ; ils faisaient remarquer que Paul, en publiant et en recommandant le décret de Jérusalem, avait reconnu cette distinction des frères en forts et en faibles, exemptant ces derniers du fardeau de la Loi, par concession à l’humaine faiblesse. Les Galates le croyaient d’autant plus aisément que Paul avait fait circoncire Timothée ; on leur montrait dans cet acte une preuve que la Loi plaçait ceux qui s’y soumettaient à un rang supérieur dans l'Église, une inconséquence dans la conduite de Paul qui, après leur avoir prêché la liberté, prêchait aux autres la circoncision. Aussi les judaïsants les pressaient-ils de s’efforcer, en acceptant toute la Loi, d’atteindre le plus haut degré de perfection. SI Paul the Iravellcr and the roman citizen, 10e édit., p. 183 ; Historical commentanj on the Galatians, p. 256 sq.

Enfin pour M. Loisy, ces judaïsants sont les mêmes que ceux d’Antioche et de Jérusalem : ils représentent la pensée de l'Église hiérosolymitaine et de leur chef Jacques. La Loi n’est pas obligatoire pour les païens convertis, « mais ils feront bien de s’y conformer, la 'loi divine, qui est censée contribuer à la perfection du croyant juif, ne pouvant manquer de contribuer aussi à la perfection du païen converti ». L'Êpîtrc aux Gâtâtes, p. 132. Pour les juifs, elle demeure obligatoire ; elle est en quelque manière une condition de leur salut, mais elle n’en est pas le principe. « Il s’agit donc d’une sorte de contre-apostolat, très délibérément organisé pour corriger l’enseignement de Paul et réformer sa méthode d'évangélisation chez les gentils. Ces gens ne se sont pas trouvés par hasard dans les communautés fondées par les missionnaires de l'Évangile en pays païen, ils y sont venus tout exprès pour voir comment ces communautés avaient été constituées, parce qu’il leur déplaisait qu’on usât envers les païens convertis de la « liberté » dont parle Paul, c’est-à-dire qu’on les admît à la communion de l’espérance chrétienne sans souffler mot des observances légales et sans les agréger en aucune manière au judaïsme. Réagissant contre cette « liberté », les judaïsants voulaient « asservir » et les apôtres et les convertis, contraindre les premiers à vivre plus exactement selon la Loi et ù recommander la pratique de cette Loi à leurs fidèles, amener ces derniers à suivre les règles de la vie juive et notamment a accepter la circoncision, ces règles étant la forme supérieure de la justice à laquelle est promis le royaume de Dieu. » I.oc. cit., p. 18 sq.

Ainsi les judaïsants de Galatie ne seraient plus aussi intransigeants que ceux de Jérusalem, qui voulaient imposer la circoncision aux païens convertis, comme moyen de salut. Cette attitude ne paraissant plus possible après le décret de Jérusalem, on suppose que les zélateurs de la Loi ont modifié leur point de vue, et qu’ils se contentent de recommander les pratiques mosaïques comme un moyen de perfection, comme une justice plus grande. Les chrétiens incirconcis ne peuvent pas être égaux à ceux de la circoncision : s’ils

ne se soumettent pas au rite essentiel du judaïsme, il leur est impossible d’avoir part aux prérogatives spéciales, aux bénédictions réservées aux descendants d’Abraham. Pour être complètement chrétien, il faut être incorporé à Israël.

2. Cette évolution du parti judaïsant est séduisanteMais elle a le tort de s'écarter des affirmations catégoriques de Paul qui met en cause le salut, et non la perfection. M. Loisy reconnaît que l’auteur de l'Épître aux Galates établit nettement l’antithèse entre le salut par la Loi et le salut par la foi. Mais cette antithèse existerait seulement dans l’esprit de l’Apôtre, loc. cit., p. 27. — Forçant la note, prêtant à ses adversaires des idées qu’ils n’avaient pas, Paul n’aurait-il pas provoqué une réponse facile chez ceux qu’il combattait ? Il aurait enlevé toute force à ses arguments, risqué de n’obtenir aucun résultat, sinon un résultat opposé à celui qu’il cherchait.

Si nous faisons confiance au texte de l'Épître aux Galates, nous reconnaîtrons dans les adversaires de son auteur des intransigeants, professant les mêmes doctrines que ces chrétiens de la secte des pharisiens, dont il est question, Act. xv, 5, tenant toujours la circoncision, et avec elle toute la loi de Moïse, comme obligatoire non seulement pour les juifs, mais pour les païens convertis au christianisme. Cette interprétation, qui est celle des Pères, a été reprise par le P. Lemonnyer, Épîtres de S. Paul, l r0 partie, p. 51, E. Tobac art. Galates, (Épîlre aux), t. vi, col. 1033-1036, et le P. Lagrange, Épîlre aux Galates. C’est bien ainsi, en effet, que Paul envisage ceux contre qui il met en garde les chrétiens de Galatie. Il s'étonne que ces convertis soient passés si vite de celui qui les a appelés dans la grâce du Christ à un autre évangile, « non que c’en soit un autre, ce sont seulement des gens qui portent le trouble parmi vous et qui veulent pervertir l'Évangile du Christ. » Gal., i, 7. Dès le début, on voit qu’il y a opposition entre l'Évangile de Paul et ce qu’on a prêché aux Galates, opposition si grande que l’apôtre prononce par deux fois l’anathème contre de tels prédicateurs. Gal., i, 8-0.

Or l'Évangile de Paul, c’est l'évangile du salut par le Christ, par la foi du Christ sans la Loi. « Quant à moi, je suis mort à la Loi par une (autre) loi, afin de vivre à Dieu. Je suis crucifié avec le Christ ; ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi ; si je vis maintenant dans la chair, je vis dans la foi du Fils de Dieu qui m’a aimé, et qui s’est livré pour moi. Je ne tiens pas pour nulle la grâce de Dieu ; car si (on acquérait) la justice au moyen de la Loi, c’est donc que le Christ serait mort pour rien. » Gal., ii, 19-21. Le verset 21 précise ce qu’affirmaient ceux qui prêchaient un autre évangile, qui dénaturaient l’enseignement de Paul : ils prétendaient acquérir la justice (et non pas seulement la perfection) au moyen de la Loi. Admettre cet enseignement, c’est reconnaître que le Christ est mort pour rien. Maintenir une telle vertu à la pratique de la Loi, c’est diminuer, sinon détruire, l’efficacité du baptême chrétien. Revenir à la Loi, c’est rétrograder de l'état de fils, d’héritier, à celui d’esclave. Gal., iv, 7. C’est donc bien un changement complet qui commence à s’opérer parmi les Galates : après avoir commencé par l’Esprit (christianisme), ils finissent par la chair qudaïsme), Gal., iii, 3 ; après avoir été connus de Dieu, ils reviennent à des éléments infimes et indigents, iv, 9 ; ils observent les jours et les mois, les saisons et les années, iv, 10 ; ils retournent en arrière, ils reviennent à une religion périmée. En acceptant la circoncision, ils s’engagent à observer toute la Loi, et le Christ ne leur servira de rien, v, 2-3. Ils se sont séparés du Christ, en cherchant leur justification dans la Loi. v, 4. Pourquoi ? sinon parce qu’ils mettront leur espoir dans les œuvres de la Loi et non plus dans le Christ, seulu