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    1. JUDÉO-CHRÉTIENS##


JUDÉO-CHRÉTIENS, A LAGE APOSTOLIQUE

1684

Act., ii, l : wiii, l. Bref, ils demeuraient juifs, tout en étant devenus chrétiens. Ce que les apôtres faisaient par habitude, par piété, ou pour avoir plus facilement accès auprès de leurs compatriotes, d’autres se l’imposaient comme absolument obligatoire, comme faisant partie essentielle de la nouvelle religion.

C’est ce dernier état d’esprit qui s’oppose à la conception de Paul, et c’est ce qui donne au conflit toute sa gravité. On allait voir si la société chrétienne revendiquerait l’universalité que son fondateur lui avait promise ou si, s’obstinant à rester secte juive, elle disparaîtrait dans l’oubli après quelques années de stérile agitation Maintenir la circoncision, avec l’observation intégrale de la Loi qu’elle implique, c’était renoncer à l’espoir de conquérir le monde..Jamais le monde ne se serait lait juif. Et la question de principe était plus grave encore. Faire d’une pratique mosaïque, une condition essentielle de salut, c’était nier virtuellement le caractère transitoire de l’ancienne économie, la suffisance de la rédemption, la valeur du sang et des mérites du Christ, l’efficacité de la grâce ; c’était renverser le dogme fondamental du christianisme. > Prat. La théologie de saint Paul, 1. 1, p. 71.

2. La solution du conflit.

A la suite d’une révélation, Paul décida de se rendre à Jérusalem. Gal., ii, 2. La communauté d’Antioche ne put qu’approuver, et i ! fut résolu que Paul et Barnabe, avec quelques-uns des leurs, iraient vers les apôtres et les anciens pour traiter cette question. Act., xv, 2. La thèse des rigoristes fut exposée par « quelques-uns du parti des pharisiens qui avaient cru, » Act., xv, 5 : il faut circoncire les gentils, et leur enjoindre d’observer la loi de Moïse. Ils firent un effort pour faire prévaloir leur thèse à propos de Tite. Ce dernier avait accompagné Paul à Jérusalem. C’était un païen converti, "EXXyjvûv, Gal., ii, 3. Les « faux-frères », se refusant à communiquer avec un incirconcis, voulaient le contraindre à se soumettre au rite mosaïque. Dans une autre circonslaticc, Paul aurait peut-être cédé : peu après il fit circoncire Timothée, Act., xvi, 3, plus tard lui-même se soumit à Jérusalem à la pratique du nazirat, Act., xxi, 20-26, et il avait pour règle de conduite de se faire tout à tous, juif avec les juifs, gentil avec les gentils. I Cor., ix, 19-21. Mais ici une question de principe était en jeu : il s’agissait de la liberté des gentils, toute com ession aurait été funeste. Il résista énergiquement, et « Tite ne fut pas obligé, de se faire circoncire. » Gal., ii, 3.

Les chefs de l’Église de Jérusalem, Pierre, Jacques c’Jean, n’ayant pas insisté sur ce point auprès de Paul, s’écartaient déjà du groupe des intransigeants. Bien plus, ils prirent nettement son parti, désavouèrent les meneurs, Act., xv, 24, donnèrent la main à Paul en signe de communion, lui confiant l’apostolat des païens et se réservant celui des circoncis. Gal., ii, ! >. Pierre se fil le défenseur de la liberté des gentils : il exposa comment il avait prêché l’Évangile a des incirconcis, à qui Dieu avait donné le Saint-Esprit, et il conclut en disant : « N’allons pas imposer aux dis ciples un joug que nos pères, ni nous-mêmes, n’avons pu porter. « Act., xv, 7-11. La réponse de Pierre est un ortanle, elle va plus loin que ne Le demandait la question. Il estime que la Loi est périmée : elle ne s’impose pas plus aux juifs qu’aux gentils. Puisque Dieu < a purifié le cœur des gentils par la foi », Act., xv, 0, puisque « c’est par la grâce du Seigneur Jésus-Christ que nous croyons être sauvés, de la même manière qu’eux, Act., xv, 11, la Loi est donc inutile, elle’i i ii Joug Insupportable, même pour les juifs. Pourquoi devrait-on encore en tenir compte V C’était entrer pleinement dans les idées de Paul.

Jacques, dont la fidélité aux observances tradinelles ne se démentira pas jusqu’à la fin de sa vie.

ne veut pas sortir des limites de la question posée : les gentils et la Loi. Il lui donne une solution pratique : on ne doit pas inquiéter les incirconcis qui se convertissent à l’Évangile ; qu’on leur prescrive seulement de s’abstenir des viandes immolées aux idoles, de la fornication, des viandes étouffées et du snng. Cf. Coppieters, Le décret des Apôtres, Revue biblique, 1907, p. 341-358.

La liberté l’emportait complètement : les gentils convertis sont exempts de la loi mosaïque : ils ne sont, au point de vue du salut, nullement inférieurs aux convertis du judaïsme. On leur impose seulement quatre défenses qui, étant donné la signification religieuse qu’on leur attribuait, pouvaient avoir une portée universelle. C’était une concession faite aux judéo-chrétiens modérés. Ces interdits étaient particulièrement importants aux yeux des juifs ; ils étaient imposés comme un minimum à ceux qu’on a appelés prosélytes de la porte, qui acceptaient le monothéisme et la morale juive, avaient même accès dans les synagogues, mais sans se faire parfaits Israélites par la circoncision. On comprend que les apôtres, qui n’avaient pas encore pu dégager complètement l’Église de la Synagogue, aient demandé ces concessions qui impliquent, non pas un acte positif d’adhésion au judaïsme comme eût été la circoncision, mais l’abstention de certains actes, condamnés par la loi naturelle, la fornication, ou d’autres particulièrement odieux pour des juifs, manger des viandes immolées aux idoles, des viandes étouffées et du sang. On évitait ainsi de scandaliser ceux qui continuaient de lire et de pratiquer la loi de Moïse, Act., xv. 21. et les convertis du judaïsme n’auraient pas à rougir de leurs frères de la gentilité.

M. Loisy pense que l’auteur du livre dos Actes, faisant des adversaires de Paul à Antioche et à Jérusalem des judaïsants intransigeants, qui représentaient la circoncision comme étant nécessaire pour le salut, a forcé la note, ou bien que les termes employés ne sont pas à prendre avec trop de rigueur. A. Loisy, L’É pitre aux Gcdates, p. 27. Cette catégorie de judaïsants, selon lui, n’aurait jamais existé. Les zélateurs de la Loi, qui sont partout les mêmes, à Jérusalem, à Antioche et en Galalie. voulaient simplement recommander la circoncision et la Loi comme une plus grande perfection. Ceux que Paul qualifie de « faux frères intrus » étaient « des judaïsants pénétrés de respect pour la Loi et persuadés que l’on ne pouvait en faire absl raclion complète dans la proposition de l’Évangile aux païens ». A. Loisy, Les Actes des Apôtres, p. 564. S’il s’était agi uniquement de perfection, les paroles si nettes et si décisives de Pierre auraient perdu toute leur signification. Loin de vouloir arracher le fardeau de la Loi des épaules des disciples, ne les aurait-il pas engagés à le supporter ? (’.'eût clé acceptable à la ferveur des premiers chrétiens. Du inoins les chefs de l’Église auraient-ils dû les inviter à remplir ce qu’ils pouvaient des œuvres de la Loi, afin de se rendre plus r réàbles à Dieu. Dans le discours tic Pierre, comme dans celui de Jacques, c’est uniquement le salai qui est en jeu : il est déclaré possible même a ceux qui ne veulent point passer par le judaïsme. Les paroles des deux apôtres sont la réponse directe à la prétention des gens de Jérusalem :  ; < Si vous n’êtes circoncis, selon la loi de Moïse, vous ne pouvez être sauvés. > Recevant toute liberté pour son action auprès des gentils. Paul n’a pas à leur parler de la Loi. On aurait donc fait de la pcile lion le monopole des juifs, et jugé qu’elle t il il impossible pour les gentils : les textes n’aulo riseni pas celle interprétation.

Le cas des gentils était ainsi réglé en principe : (eux ci peuvent entrer dans l’Église, êlre sauvés, sans passer par la circoncision. L’existence de l’Eglise, un