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1679 JUDE (ÉPITRE DE), ENSEIGNEMENTS THÉOLOGIQUES

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Gen., vi, 1-2. fut un péché de concupiscence. Cette manière de voir et cette interprétation du passage de la Genèse, a été rejetée par les commentateurs plus récents. Pour eux, les < fils de Dieu » de Gen., vi, 1-2 sont les pieux descendants de Seth, et le péché des anges fut un péché d’orgueil et de révolte. Cf. Charles, The Book of Jubiles, Londres, 1902, p. 33 sq. D’après saint Irénée les anges déchus péchèrent avant de tomber sur terre. Ils y tombèrent en punition de leur faute, Cont. hæres., IV, xvi, 2, P. G., t. vii, col. 1016. La raison de leur déchéance est connu de Dieu seul. lbid., II, xxviii, 7, col. 809. Les interprétations où nous pouvons reconnaître l’influence du Livre d’Hénoch, finiront par n’être plus que des exceptions. Saint Jean Chrysostome traitera de blasphème le récit de la chute des anges et l’interprétation de Gen., vi, 1-2 donnés dans le Livre d’Hénoch. In Gen., vi, 1, P. G., t. lui, col. 187. Saint Augustin condamnera sévèrement cet apocryphe, à cause de ses doctrines sur les anges, De civ. Dei ; XV, xxui, 4, P. L., t. xiii, col 470-471, et Photius blâmera Clément d’Alexandrie d’avoir adopté ces doctrines. Cotl. cix, P. G., t. ciii, col. 384.

Beaucoup de commentateurs modernes, en dehors de la tradition catholique, estiment que l’épître de Jude adopte sur ce point la doctrine du Livre d’Hénoch. Mais le texte 0-7 est loin d’exiger une telle interprétation. Il ne dit point que l’impudicité reprochée aux habitants de Sodome et de Gomorrhe soit analogue à la faute des anges. Les mots tov ofxoiov TpÔ7rov toôtoiç peuvent se rapporter aux impies qui changent la grâce de Dieu en licence, àcéXYetav.ꝟ. 4. L’auteur apporte en effet trois exemples distincts, celui des Hébreux incrédules dans le désert, celui des anges déchus, et celui de la destruction de Sodome et de Gomorrhe. Ainsi leꝟ. 7 n’offre point un lien logique avec le t. 6. Auꝟ. 7 l’auteur pense aux impies dont il est question auꝟ. 4, et qu’il désigne constamment dans la lettre par le même pronom outoi, ꝟ. 8, 11, 12, 14, 10, 19. Les impies en question imitent l’orgueil des anges déchus et la corruption des habitants de Sodome. Cf. Bède le Vénérable. In episl. Judse, P. L.. t. xciii, col. 125.

3. En rappelant la lutte de l’archange Michel avec le i able au sujet du corps de Moïse, l’auteur fait allusion à une tradition juive bien connue des lecteurs, 1 1 qui est consignée dans l’Assomption de Moïse. Cf. Clément d’Alex., Adumb. in Ep. Judæ, P. G., t. ix, col. 733 ; Origène, De Princip., III, ii, 1, P. G., t. xi, col. 303, Didyme d’Alex., P. G., t. xxxix, col. 1815. Bède le Vénérable, InEp. Judæ, P. L., t. xciii, col. 126, se réfère à Zach., ni, comme à un épisode analogue et tire la leçon du récit : Si Michæl archangelus diabolo sibi adversanli blasphemiam dicere noluit, sed modeslo illum : ermone coercuil, quanlo magis hominibus omnis blasphemia cavenda est et maxime ne majestatem Creatoris verbo indisciplinalo of/endant. lui effet la scène se passe en présence du Seigneur ; cf. II Petr., ii, 1 1, Trqepà x>jptco ; elle est analogue à celle qui est décrite Job, i, G sq. Ce cjue dit saint Thomas de cette dernière peut >.ious aider à interpréter le passage de l’épître : Hoc st/mbolice et sub œnigmate proponittir, seciindum consueludinem sacra" Scripturæ, quæ res spiriluales sub figuris rerum corporalium describil. Exposil. in Job., i, 6. D’après Bède le Vénérable, la leçon porte malgré l’incertitude qui règne sur le lieu et l’époque où doit se placer cet épisode ; ibid., col. 120. Cf. Délit., xxxiv, .) sq,

4. Enfin, l’auteur invoque la prophétie d’Hénoch « le septième depuis Adam », pour rappeler à ses lecteurs que tous les pécheurs seront punis de leurs crimes au jour du jugement. Le texte de l’épître se lit â peu près dans les mômes termes dans la version éthiopienne du Livre d’Hénoch, i.x, 8, édit. Martin, p. 121 ;

xcm, 3. p. 213 ; i, 9, p. 4 ; cf. Lods, Le Livre d’Hénoch, Paris. 1892, p. 98-100. Ainsi l’auteur invoque une prophétie qui est connue de ses lecteurs et dont les termes sont fixés. Il ne parle point explicitement d’un écrit ou d’un livre dont il veut garantir la provenance et l’autorité. Il enseigne, en se servant des termes de la prophétie, une vérité commune à la foi juive et â la foi chrétienne : le jugement de Dieu et la condamnation des pécheurs.

L’attribution de la prophétie à Hénoch a embarrassé les anciens commentateurs. D’après Clément d’Alexandrie, l’épître de Jude garantit l’autorité de cette prophétie : his verbis propheliam comprobat. Adumb. in ep. Judæ, P. G., t.ix, col. 731. D’après Tertullien, elle rend témoignage en faveur d’Hénoch. De cult.fem., i, 3, P.L., t. i, col. 1308. Au temps de saint Jérôme, au contraire, la prophétie fit douter de l’inspiration de l’épître : voir Canonicilé. Toutefois les vues de saint Augustin sont analogues à celles de Clément d’Alexandrie et de Tertullien, scr/ps/sseguiV/em/iom alla divina Enoch illum septimum ab Adam negare non possumus, cum hoc in epislola canonica Judas aposlolus dirai. De civ. Dei, XV, xxiii, 4, P. L., t. xi.i, col. 170 Cependant l’épître ne dit pas qu’Hénoch ait écrit, mais qu’il a prophétisé, èTrpocpiQTe’jæv… Asyaiv. Actuellement la prophétie d’Hénoch est expliquée de diverses manières par les commentateurs catholiques. Les uns estiment que Jude se sert d’un argument ad hominem, qu’il combat ses adversaires avec leurs propres armes en faisant appel à d ;-s traditions qu’ils admettent. Cf.

A. Camerlynck, Article Epistle of Saint Jude, dans The Catholic Encgclopedi i, NewYork ; Ermoni, art. Épîlre de Saint Jude, dan ; le Dictionnaire de la Bible de Vigouroux.

D’autres pensent qu’il a cité une prophétie d’Hénoch conservée dan ; la tradition : Porro Henoch fuit prSoheta, et eu quæ citât hic Judas, prophetavil viva voce, quæ^vel traditione mijorum accepit Judas, vel ex libro sine aHenoch, sive a Noe, sive a quo alio qui prophetias Henoch-collegit, conscripto. Cornélius a Lapide, In h. I. Ils voient’des vestiges de cette tradition dans Deut., xxxiii, 2 ; ^>ach., xiv, 5 ; cf. Drach, É pitres catholiques, p. 230 ; cf. p..^28. En tout cas on ne peut dire que l’auteur donne coiXme inspiré le Livre d’Hénoch tel que nous le connaissins. Il ne fait pas appel à un livre, mais proprement ; > une prophétie admise de ses lecteurs, et où il trouve l’expression de la foi juive et de la foi chrétienne. On ne saurait donc invoquer ce passage contre l’inspirat.’on de l’épître.

Nous ne mentionnons que les commentaires et les travaux spéciaux.

I. Commentaires anciens. - t Clément d’Alexandrie, Adumbratio in Epistolam Judée, P. G., t. ix, col. 731-734 ; Didyme d’Alexandrie, In Epistolas catholicas enarratio, P. G., t. xxxix, col. 1811-1818 ; Casiiodore, Complexiones in Epistolas Catholicas, P. L., t. lxx, col. 1375-1378 ; Bède le Vénérable, P. L., t. xciii, col. 123-130, "xcellent commentaire doctrinal et moral ; Œcumenius, P. G., t. exix, col. 703-722 ; Théophylacte, P. G., t. c.xxvi, col. 85-104 ; Denys Bar Salibi, In Apocal., Actus Apostoi. et Epistulas catholicas, dans Corpus Scriptorum christianoi’tin orientalium, Paris, 1909, t. ci ; Catharin, In omnes dioi l’auli apostoli et in septem catholicas epistolas commentariirs, Paris, 1566 ; Estius, In omnes S. Pauli et septem catliolicorum apostolorum epistolas commentarius, Douai, 1601 ; Corneille de La Pierre, Commentarins in epistolas canonicas, Anvers, , ’613 ;

B. Justiniani, Explanaiiones in omnes epistolas catholicas, Lyon, 1021.

IL Commentaires et TRAVAUX modernes. — 1° Calholiques : M. F. Rampf, Der Brief Judæ des Apestels und lirutlers des Herrn, Soulzbach, 1854, excellent exposé des arguments en faveur de l’authenticité ; Drach, Les Êptlres catholiques, Paris, 1899, contient des remarques très judicieuses sur l’interprétation de plusieurs passages ; F. Maier, Der Judasbriefi seine Echtheit, Abfassungsteli und Léser dans Biblische Studien, i. xi, fasc. 1-2, Fribourg, 1906,