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JUDE (ÉPITRE DE), ORIGINE


Seigneur et frère de Jacques, Matth., xiii, 55 ; Marc, vi, 3. — 4° Judas Barsabbas, Act., xv, 22, 34. — 5. Judas, le dernier évêque juif de Jérusalem, au temps d’Hadrien. Eusèbe, 11. E., IV, v. 5. P. G., t. xx, col. 309.

La tradition identifie l’auteur de l’épître avec Jude (3) i frère » du Seigneur et frère de Jacques évêque de Jérusalem. S’adressant à des juifs convertis, il se désigne par sa parenté avec le personnage le plus populaire dans les communautés judéo-chrétiennes, le Jacques xax’èl.oyrp. Cf. Act., xv. 13 ; Gal., I, 19 ; Matth., xiii. 55 ; Marc, vi, 3. Or ce Jude est-il du groupe des « douze » en d’autres termes, est-il le’IoùSaç’Iaxaiêoo de Luc, vi, 16 ? Si l’on traduit cette expressione Jude frère de Jacques », Jacques désigne le fils d’Alphée mentionné au verset précédent. Si on traduit au contraire « fils de Jacques », comme le veulent beaucoup de critiques modernes, Jacques ne saurait désigner le fils d’Alphée, car les apôtres appartenaient à la même génération. La première traduction est la seule conforme à l’exégèse traditionnelle du passage. En outre, si Jacques fils d’Alphée est le même que Jacques de Jérusalem, Act., xv, 13, ce qui est assez probable, l’auteur de l’épître d’après la tradition est apôtre ainsi que son frère. (Sur l’identité du fils d’Alphée avec l’éyêque de Jérusalem, voir Jacques (ÉpUre de), col. 272). Dans ce cas il faut admettre que deux des « frères » du Seigneur avaient déjà accepté sa doctrine pendant sa vie ; ce qui peut à la rigueur, se concilier avec la notice de Joa., vii, 5 et Act., i, 14. Cette solution est communément admise parmi les anciens commentateurs et les auteurs catholiques.

Les commentateurs non catholiques traduisent généralement Judus Jacobi « Jude fils de Jacques » et ils en font un personnage distinct de < Jude frère de Jacques », auquel ils attribuent l’épître. Jùlicher, dans les premières éditions de son Einleitung in das Neue Testament, Tubingue, 1894, renouvelant la conjecture de Grotius, avait cru que l’expression « frère de Jacques » voulait dire « évêque ». Il a abandonné cette opinion à partir de l’édition de 1901, mais il a prétendu que l’épître avait été écrite au iie siècle, par un auteur inconnu (Voir plus loin Données de l’Épttre). 1 larnack, Die Chronologie, t. I, p. 408, admet que l’auteur s’appelait réellement Jude, mais que les mots « frère de Jacques » ont été ajoutés à l’adresse entre 150 el 180, pour reporter à l’âge apostolique la lettre ue ce Jude inconnu et en faire une arme contre les gnostiques. En examinant les données de l’épître nous allons voir que cette hypothèse ne s’appuie sur aucun argument solide et ne saurait prévaloir contre la tradition.

Données de l’Épître.

Nous devons examiner si

les écrits ou les doctrines auxquelles l’épître fait allusion nous obligent à la placer au ae siècle.

On admet assez communément qu’il y a une dépendance littéraire entre Jud., 1 1-15 et le Livre d’Hénoch, i, 9. Cf. Hastings, Dictionary of the Bible, i. ii, p. sol, 802 ; l. Martin, Le Une d’Hénoch, Paris, 1906, |>. 4. Beaucoup de ci prétendent que le livre d’Hé noch n’a existé dans sa loi nie actuelle qu’au commencement du n 1’siècle..Mais les éléments dont ils se Compose ne sont point postérieurs à l’ère chrétienne.

Cf. Charles, The P.ook of Enoch, Oxford, 1893 ;.Martin, op. cil. Or l’épître de Jude ne tait point appel â un livre, niais à une prophétie ; elle ne suppose donc point que

l’auteur ail connu le livre dans sa forme définitive ; lia pu n’en connaître que certains éléments. On ne peut

donc s’appuyer sur le livre d’] 1 cime h pour retarder la composition de l’épître jusqu’au iie siècle. L’ép du. 9 si trouve dans [’Assomption de Moïse. Mi n’est pa-. certain que l’épître dépende, au point de vue littéraire, du texte de cet apocryphe, elle peut faire

allusion à une tradition juive utilisée par l’auteur de l’Assomption de Moïse. D’ailleurs la date de cet écrit n’est point fixée et ne nous oblige pas à placer l’épître de Jude au iie siècle. Cf. Charles, The Assumplion of Moses, Londres, 1897. p. lv sq.

Les doctrines de l’épître et les erreurs qu’elle combat supposent-elles une situation historique postérieure au I er siècle ? Jude met les chrétiens en garde contre de faux docteurs qui se sont glissés dans la communauté, qui se sont rendus coupables de toutes sortes d’infamies et méritent les pires châtiments : ils changent la grâce de Dieu en licence, ils ne veulent point du Seigneur Jésus pour maître ; à l’exemple de Spdome et de Gomorrhe ils souillent leur chair. Ils méprisent l’autorité et outragent « les gloires. Ils parlent d’une manière injurieuse des choses qu’ils ignorent, et ce qu’ils connaissent naturellement, comme les brutes, est pour eux un sujet de corruption. Leur crime est celui de Cain, de Balaam, de Coré. Ils font impudemment bonne chère ; ils murmurent, se plaignent de leur sort, marchent selon leurs convoitises. Ils sont hautains ; ils provoquent des divisions ; hommes sensuels. ils n’ont pas l’esprit, >] ?>yti-Loi, Trv£ÏJu.a u.’/) s/_ovt£Ç

A ces traits plusieurs critiques ont cru reconnaître des hérétiques du ir’siècle. Pfleiderer, Das Urchristentum, Berlin, 1903, t. ii, p. 510 y voit des carpocratiens, Jùlicher, Einleitung in das Neue Testament, Tubingue, 1901, p. 180, des antinomiens gnostiques non encore sortis de l’Église : ils provoquent des divisions ; eux, les « pneumatiques », ils regardent avec mépris les « psychiques », et pourtant ce sont eux les psychiques, les sensuels. Ainsi d’après Jùlicher l’épître ne serait pas antérieure au Pasteur d’Hermas et elle aurait pour auteur un chrétien d’Egypte.

Ces hypothèses sont très discutables, elles supposent une interprétation de l’épître qui est loin d’être suggérée par les textes.

D’après les carpocratiens, il y a un Dieu éternel. Les anges et les vertus qui font le monde, sont des tyrans qui font peser sur les hommes un joug intolérable, contrairement aux vues de Dieu. Jésus-Christ est intervenu pour secouer ce joug. Il y a réussi parce qu’il a méprisé la Loi et les mœurs juives. L’homme doit allicher le plus profond mépris pour la loi mosaïque. La justice est fondée sur l’axiome xotvcovCa P-et’iaÔT7]TOç. Les lois humaines violent l’égalité naturelle du droit qui existe pour tous à participer aux mêmes biens. Pour se sauver l’homme doit donc violer toutes les lois, œuvre des anges mauvais ; il doit satisfaire toutes ses liassions et commettre tous les crimes. Cf. S. Irénée, Cont. Hseres., I, xxv, 1, P. G., t. vii, col. 680 ; llippolyle, Refutatio, vii, 32, Corp. de Berlin, t. iii, p. 218, P. G., t. xvi e, col. 3338 ; Clément d’Alexandrie, Strom., -n, 2, P. G., t. viii, col. 1105-1108. Cf. article Carpocr. te, t. ii, col. 1800-lsoi. On voit que les traits de l’épître ne répondent point au earpocratianisme du ue siècle. On n’y retrouve point les tendances dualistes et les doctrines philosophiques ou morales qui caractérisent celle secte. Tout au plus peut-on voir des tendances antinomiennes dans les ꝟ. 8, 12, 23 ; mais on ne peut y reconnaître l’antlnomianisme farouche des carpocratiens. En outre, ces hérétiques regardent Jésus-Christ connue un libérateur, tandis que les hérétiques combattus par l’épître, le renient comme maître et Seigneur, tôv u.6vov Szanô-zr^ xal xupiov V)(i.wv’I/jaoùv Xpiarov àpvouu.£voi… I.

<in s’appuie parfois sur le ꝟ. 17 pour placer l’épître après l’âge apostolique. Mais les paroles : « rappelez-vous ce qui a été dit par les apôtres » peuvent s’entendre en ce sens, que les apôtres ont prêché l’Évangile aux à un nionieiil donne, mais elles ne laissent point entendre qu’ils soient ions déjà morts ; quelques-uns peuvent Être morts et les autres disperses au moment