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judaïsme, rapports avec le milieu païen


grec qu’il fit agrandir et embellir le Temple. Bell. Jud., V, v. La meilleure preuve de l’influence grecque sur les Juifs de la Palestine est fournie par le grand nombre de mots grecs qui se sont glissés dans l’araméen palestinien. Ils indiquent, combien multiples sontlesdomaines de la vie privée et publique aiir lesquels l’hellénisme avait mis son empreinte : administration, organisation judiciaire, jeux et divertissements, architecture, musique, commerce, industrie, vêtements, outils. Voir Schurer, Geschichte…, t. ii, p. 42-67.

Comme tous les autres peuples orientaux le judaïsme palestinien fut donc fasciné par la brillante civilisation hellénique et ne put se dérober à son charme. Mais dans le domaine religieux il opposa à l’hellénisme la plus énergique fin de non-recevoir. Lorsque aune siècle la noblesse sacerdotale oublia ses devoirs au point de consentir aux plus graves concessions et qu’un despote syrien essaya brutalement de remplacer le culte de Jahvé par celui de Zeus, les Juifs prirent les armes et luttèrent pendant vingt-cinq ans pour la défense de leur foi. Tandis que, dans toutes les villes de la Palestine qui n’étaient pas habitées par les Juifs et dans toutes les cités des pays limitrophes, le culte des divinités grecques fut introduit et remplaça parfois le culte indigène, voir les références détaillées dans Schurer, Geschichte…, t. ii, p. 21-42, les Juifs s’opposèrent à l’infiltration du paganisme hellénique et montrèrent une fois de plus la force invincible de leurs convictions.

Cependant le judaïsme palestinien n’aurait-il pas subi l’influence hellénique au moins dans ses spéculations théologiques ? D’après beaucoup d’historiens, les livres sapientiaux témoigneraient d’une pénétration de la philosophie grecque. Leur composition même serait due au stimulant de la sagesse hellénique. C’est ainsi que M. Friedlànder s’est efforcé de prouver que toute la littérature didactique de l’Ancien Testament a pris naissance entre Alexandre le Grand et les Macchabées. Griechische Philosophie im Allen Testament, Berlin, 1904. Mais comme le livre des Proverbes est dans sa majeure partie préexilien et que le livre de Job lui-même appartient peut-être au temps ancien, les sages du judaïsme n’ont pas eu besoin de chercher à l’étranger des modèles pour leur enseignement. Voir la réfutation détaillée et catégorique de l’hypothèse de Friedlànder par E. Sellin, Die Spuren griechiseher Philosophie im Alten Testament, Leipzig, 1905.

On assure en tout cas que le contenu des livres sapientiaux présenterait des traces d’hellénisme. C’est d’abord l’hypostase de la Sagesse, Prov., viii, 22-31, et Eccli., xxiv, 5-14, qui trahirait une influence grecque. Ainsi Friedlànder, op. cit., p. 77-89 ; Steuernagel, Lehrbuch (1er Einleitung in dus Aile Testament, Tubingue, 1912, p. G88. Sellin, après avoir dans sa réplique à Friedlànder, p. 17, défendu l’origine juive de cette spéculation, finit par admettre lui aussi une infiltration hellénique, lùinleitung, p. 113. Mais même à supposer que le passage des Proverbes soit postexilien, on n’a pas besoin de recourir à l’hellénisme pour l’expliquer. D’une part l’hypostase de la Sagesse est préparée par les déclarations sur Y « Ange de Jahvé », Gen., xxii, 12 : xxxi, 11, 13…, de l’autre elle n’a aucun rapport avec le voOç d’Anaxagore ou le Xôyoç d’Heraclite et des stoïciens. Aussi Rertholet, op. cit., p. 394, R. Smend, op. cit., p. 492, refusent-ils avec raison d’y voir une influence grecque. Voir P. Heinisch, Griechische Philosophie und Allés Testament. Munster, 1913, 1. 1, p. 31-37.

(’/est ensuite et surtout dans l’Ecclésiaste qu’on a voulu découvrir les emprunts que l’auteur aurait faits à la philosophie hellénique. A tour de rôle on v a relevé l’influence d’Aristote, de Zenon, d’Épicure ou d’Heraclite. Rien n’est moins prouvé que cette prétendue

dépendance. Voir Podechard, op. cit., p. 83-107, et ici même, Ecci.ksiaste, t. iv, col. 2019-2021.

D’autre part, « il est possible que l’auteur de ce livre ait été touché par la culture hellénique, et qu’il lui soit venu de cette atmosphère quelques pensées qui, à l’origine, émanaient de philosophes. » Zeller, D ; ’e Philosophie der Griechen in ihrer geschichtlichen Entwickelung, Leipzig, 3e édit., t. m b, p. 257. E. Podechard, qui rapporte cette opinion, ajoute judicieusement : « Sa façon très générale de poser le problème du but et du prix de la vie, sa tendance à abstraire et à raisonner permettent de penser que Qoheleth a bénéficié du contact avec l’hellénisme. » Op. cit., p. 109.

En effet les sages, justement en leur qualité de sages, tout en restant, convaincus de la supériorité de leurs doctrines juives, devaient vivement s’intéresser aux pensées grecques. Plus tard, cependant, surtout après la chute de Jérusalem, les scribes devinrent de plus en plus exclusifs vis-à-vis de la sagesse hellénique. Le Talmud palestinien, Sanhédrin, x, 1, disait encore : « Qui lit les livres d’Homère est comme un homme qui lit une lettre » ; mais bientôt après les rabbins ont dit : « Il n’est permis d’étudier des livres grecs qu’en un temps qui n’est ni jour ni nuit », et ils ont maudit ceux qui s’intéressaient à la sagesse grecque. Voir P. Kriiger, Hcllenismus und Judentum im neulestamentlichen Zeitalter, Leipzig, 1908, p. 28.

b) L’influence hellénique dans la Diaspora. — Si dans la Palestine même, les Juifs ont subi l’influence de l’hellénisme, à combien plus forte raison ne devaient-ils pas la ressentir à l’étranger ? Leurs colonies les plus florissantes se trouvaient dans les deux centres de l’hellénisme oriental, l’Egypte et la Syrie, elles étaient en outre assez nombreuses même en Grèce et en Macédoine. Déracinés du sol natal pour être tansplantés en plein milieu grec, ces Juifs ont été fortement imprégnés de la civilisation hellénique. Aussi forment-ils un judaïsme tout autre que celui de leurs coreligionnaires palestiniens, ils sont des hellénistes. Le grec devient leur langue maternelle et, pour lire leur Bible, ils ont besoin d’une traduction. Le petit neveu du Siracide écrivait sur les Juifs d’Egypte cette phrase significative : « Lorsque je vins en Egypte et y séjournai, je trouvai une différence de culture intellectuelle qui n’était pas petite : eôpov où (.uxpaç TraiSsiaç àçôf-iotov. » Prologue de l’Ecclésiastique.

Néanmoins ces hellénistes restaient eux aussi entièrement des Juifs. Même les plus libéraux parmi eux ne pensaient pas du tout à abandonner la Loi. Ils s’emparaient des trésors dz la littérature grecque non pour les préférer à ceux de la Thora et des prophètes, mais pour donner à leur patrimoine intellectuel une forme plus moderne qui le rendrait accessibe et attrayant au monde grec.

C’est dans ce but que les Juifs hellénistes, à Alexandrie surtout, produisirent une riche littérature, où ils s’appliquaient, tout en choisissant leurs sujets dans la Bible à imiter les historiens et les poètes de la Grèce. Ils étudièrent aussi la philosophie grecque qui leur imposa la tâche de la mettre en harmonie avec leur foi. Suivant la mesure de l’assimilation qui en résulta, on peut distinguer deux tendances : les uns, représentés par Philon, mélangent tellement la philosophie grecque et la doctrine juive qu’un nouveau système en surgit, les autres, tels que l’auteur de la Sagesse se contentent de présenter les croyances révélées sous des formes profanes, en y amalgamant tout au plus quelques points secondaires de philosophie.

A en juger par l’extérieur de ses œuvres et de sa vie. Philon était un Juif aussi croyant qu’un scribe hiérosolymitain. Presque tous ses ouvrages sont des commentaires de la Thora ; il regarde Moïse comme le | médiateur par excellence de la révélation divine ; il