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judaïsme, rapports avec le milieu païen


marchaient à la tête du cortège pour le recevoir. Quinte-Curce, Vita Alexandri, V. i, 22.

Cela étant, nous ne devons pas nous étonner, que si la tendance, aujourd’hui commune, à nier l’originalité de toutes les institutions et idées religieuses d’Israël, ait conduit bien des historiens à recourir au parsisme pour expliquer le judaïsme. De là seraient venues, disent-ils, les particularités caractéristiques de la théologie juive, savoir les doctrines sur les hypostases. les anges, les démons, la résurrection des morts, la rétribution individuelle dans l’autre monde. Ainsi parlent Bousset, op. cit., p. 579 sq. ; Bertholet, op. cit.. p. 223 sq., 374, 391 sq. ; Béer, dans Kautzsch, Die Apokryphen, t. n. p. 251, note ; Kohut, L’eber die jiïdische A ngelologie und Dâmonologie in ihrer A bhângigkeit vom Parsismus, Leipzig. 1866 ; E. Stave, Ueber den Einfluss des Parsismus auj das Judentum, Haarlem, 1898 ; L. H. Mills, -A vesta-Eschatology, Oxford, 1908 : Jul. Bôhmer, Der religionsgeschicldliche Rahnien des Gnllesreich.es. Leipzig, 1909, p, 299. et surtout Edouard Meyer, np. cil.. 1921, t. n : Die Entwickelung des Judentums und Jésus mn Nazaret, p. 59-120, 174-204. Ce dernier a consacré presque un quart de son second volume au parsisme et à son influence sur le judaïsme et le christianisme.

D’autres au contraire restreignent à un minimum l’infiltration du parsisme et font ressortir les grandes différences que présentent les deux systèmes théologiques. D’après eux, les nouvelles idées juives peuvent très bien être dues à un développement des principes religieux propres au judaïsme. Le nombre de ces. auteurs est déjà considérable et s’augmente continuellement. Nous en citons : J. Wellhausen, Studicn und Sksizzen, fasc. 6, Berlin, 1891 : Marti, op. cit., p. 273 ; Sôderblom, op. cit., p. 155 sq. ; Schurer, Gcschichte, t. ii, p. 350 ; Kônig, op. cit., p. 505-518 : Edwin Albert, Die isrælitisch-iùdisehe Auferstehungshoffnung in ihren Beziehungen zum Parsismus, Kônigsherg, 1910 ; E. Sellin, qui après avoir antérieurement admis le système opposé s’attache à prouver dans Neue kirchliche Zeitschrift, 1919, p. 232-289 : Die alttestamentliche Hojjnung auj Auferstehung und ewiges Leben, que le parsisme n’a pas exercé d’influence notable sur le judaïsme : Bertholet qui abandonne de même dans la Festschrift fur F. C. Andréas, Leipzig, 1916, p. 56, l’opinion, par lui soutenue dans Biblische Théologie…, p. 223, sur l’origine perse de la doctrine de la résurrection. Récemment enfin, un spécialiste de philologie iranienne, Scheftelowitz, op. cit., 1920, a réuni tous les matériaux que la littérature iranienne contient à ce sujet et les a comparés avec les données parallèles de la littérature juive pour aboutir à cette conclusion que c’est seulement au dernier siècle avant Jésus-Christ qu’une légère influence perse se fait sentir sur l’idée juive de Satan et de l’autre monde.

Tels étant les systèmes, il n’est pas douteux qu’il faille écarter l’hypothèse d’une infiltration importante d’idées perses dans le judaïsme.

a) Malgré sa perfection relative, le mazdéisme était de beaucoup inférieur à la religion juive. L’idée monothéiste était depuis des siècles bien plus développée ches les Israélites et c’est précisément à l’époque où le monothéisme était devenu tout à fait dominant en Israël que la religion des Perses dégénérait de plus en plus en un polythéisme grossier. Dès le commencement, le parsisme avait divinisé les forces de la nature et accentué par des descriptions détaillées la forme corporelle des divinités : de Mithra, par exemple, il est dit qu’il a mille oreilles et dix mille yeux. Il professait pour la vache et le chien, en particulier pour l’urine de la vache, une vénération bien faite pour choquer l’idée de la pureté rituelle, si chère aux Israélites. Avec Scheftelowitz, op. cit., p. 4-5, on peut tenir pour assez

certain qu’Isaïe, xl-lxvi, contient des passages formellement dirigés contre le mazdéisme :

( l’est moi Jahvé et personne autre, .le forme la lumière et je crée les ténèbl .lé fais la paix et je crée le malheur. C’est moi, Jahvé, qui fais tout cela.

I>., xi.v, 0-7 ; traduction Condamin.

Ce texte reçoit sa meilleure explication si on le comprend comme une déclaration polémique contre la croyance perse en Ahura-Mazda, dieu créateur de la lumière et de tout bien et en Ahriman, père des ténèbres et des malheurs. On lit encore dans Isaïe :

Oui de vous craint Jahvé ?

Qu’il entende la voix de son Serviteur ! Celui qui marche dans les ténèbres

privé de lumière,

Qu’il se confie au nom de Jahvé,

et s’appuie sur son Dieu.

Oui, vous tous qui allumez le feu, Qui préparez des flèches ardentes, Jetez-vous dans la flamme de votre feu, et sur les flèches que vous enflammez !

Is., l, Hi-11 ; traduction Condamin.

Cette exhortation se comprend beaucoup mieux, si elle est adressée à ceux qui se sont adonnés au culte perse du feu.

b) Les différences entre les conceptions du mazdéisme et du judaïsme sont bien plus nombreuses et remarquables que les ressemblances.

On regarde comme prototype des spéculations juives sur les hypostases divines les Amescha Spenta. ces six esprits supérieurs qui représentent les vertus divines les plus parfaites et entourent le dieu Ahura-Mazda pour exécuter ses ordres. On met en parallèle avec eux moins les hypostases bibliques que celles de Philon. Par exemple, Boussel, op cit., p. 592. Mais puisque celui-ci était surtout sous l’influence des idées grecques, une dépendance du parsisme est peu vraisemblable chez lui. L T n de ces esprits en particulier, Spenta Armaïk, est présenté par Bousset, ibid., comme le modèle de la Sagesse biblique pour ce motif que Plutarque le nomme la Sagesse. Cependant les Gâtha ne connaissent pas Spenta Armaïk sous cette forme, mais plutôt comme la déesse de la terre. Elle ne peut donc nullement être mise sur le même plan que la Sagesse biblique et encore moins conçue comme sa source. Voir Meinisch : Personi ficationen und Hypostasen, p. 51 sq. — Yolz, Der Gcist Gotles…, 1911, p. 146 sq, et dans Eucharisterion, dédié à Gunkel, Gœttingue, t. i, p. 323-345, signale un autre Spenta. Spenta Mainjusch, le Saint-Esprit, pour en faire l’ancêtre de I’hypostasc du ruah. Mais du moment que cette prétendue hypostase de l’Esprit n’est dans la Bible qu’une personnification poétique, voir plus haut, elle n’a aucun besoin d’une origine étrangère. Voir P. Dhorme, Revue biblique, 1924, p. 294.

Plus frappantes sont les ressemblances en matière d’angélologie. Les sept archanges seraient la copie des sept divinités perses, savoir Ahura-Mazda et les six Amescha Spenta. Kohut, op. cit., p. 3 ; Béer dans Kautzsch, Die Apocrijphen. t. ii, p. 251. Mais le nombre sept était un chiffre encore plus saint chez les Juifs que chez les Perses et ne signifie d’ailleurs pas nécessairement un nombre déterminé. Au surplus, comme les anges étaient bien connus dès avant l’exil, il n’y a aucune raison de supposer ici une influence perse.

On insiste plus encore sur la doctrine des mauvais anges. Satan avec ses satellites serait une figure absolument perse, savoir Ahriman avec les démons qui l’entourent. Bousset. op. cit.. p. 585 sq. : E. Meyer, op. cit.. p. 106 sq. ; avant eux Ccrhut, op. cit., et déjà Voltaire. Cependant Satan n’est pas tout à fait inconnu