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judaïsme, rapports avec le milieu païen


De superst., Fragm, xii, 41, la circoncision, Pétrone, fragm. 37 et le culte de Jahvé sans images. Ce qu’on reprochait le plus aux Juifs était leur mépris pourl’idolâtrie et pour ceux qui la pratiquaient. « Tout ce que nous vénérons, dit Tacite, Hist., v, 5, y (dans la loi mosaïque) est détesté. » On nommait même les Juifs aŒoi. Apollonius Molon, dans Josèphe, Contra Apion., n, 14. On les accusait d’avoir « une fidélité opiniâtre et une miséricorde active pour les membres de leur nation, par contre une haine contre tous les autres. » Tacite, Hist., v, 5. Dans le monde gréco-romain, en un mot, les Juifs étaient regardés comme despeclissima pars servientium, comme teterrima gens. Tacite, Hist., ꝟ. 8.

2. Le prosélytisme.

D’après ces propos des auteurs païens, on serait tenté de croire que le judaïsme de la Diaspora, malgré sa situation avantageuse au point de vue commercial et politique, formait dans le monde antique une force insignifiante au point de vue religieux. Rien ne serait moins justifié. Car non seulement il faisait une grande propagande pour sa religion, mais il y obtenait de notables succès.

a) La propagande juive. — Parce qu’ils avaient conscience de posséder la vraie notion de Dieu et de la morale, les Juifs devaient se sentir supérieurs à l’hellénisme. Saint Paul a magistralement décrit cette conviction de ses anciens coreligionnaires en disant : « Toi qui te donnes le nom de Juif, qui te reposes sur la Loi, qui te glorifies de Dieu, qui connais sa volonté, qui apprécies la différence des choses, étant instruit par la Loi ; toi qui te flattes d’être le conducteur des aveugles, la lumière de ceux qui sont dans les ténè, bres, le docteur des insensés, le maître des ignorants. » Rom., ii, 17-20. Ce sentiment hautain de supériorité s’exprime déjà fortement au IIIe livre sibyllin, par suite des victoires des Macchabées. Plus tard les Juifs se vantaient de l’âge vénérable de la sagesse juive, bien supérieur à celui de la philosophie grecque. Josèphe, Contra Apion, ii, 6. En face de la confusion des philosophies et de la stupidité des croyances païennes, ils relevaient la suite et l’ensemble de leurs doctrines. Ils osaient même fabriquer des versets contenant les plus grands éloges de la Loi pour les interpoler dans les plus célèbres poètes grecs comme si les maîtres de la pensée hellénique avaient déjà admiré la sagesse israélite. Les Juifs allaient encore plus loin : ils prétendaient hardiment que les penseurs grecs, Heraclite aussi bien que Platon, étaient les disciples de Moïse. Pour réserver à leur nation le monopole de toute science, ils imputaient à Hénoch l’invention de l’astronomie et de toutes les connaissances secrètes et ils transformaient Abraham en docte philosophe qui réfuta et supplanta d’abord la sagesse chaldéenne, puis la sagesse grecque. La plupart de ces théories devaient être reprises par les apologistes chrétiens.

Par suite de cette haute conception de la valeur incomparable de leur religion, les Juifs faisaient pour elle une très énergique propagande. Notre-Seigneur ne dit-il pas des pharisiens qu’ils courent la terre et la mer pour faire un seul prosélyte ? Matth., xxiii, 15. Plus zélés encore étaient les missionnaires de la Diaspora. C’est d’eux et de leur prosélytisme que se moque Horace dans les vers bien connus :

Nam multo plures sumiis ac veluti te Judœi cogemus in hanc concedere turbam.

Sat., I, iv, 142-143.

Le monde gréco-romain du premier siècle avant J.-C. offrait d’ailleurs un terrain très propice à la propagande juive. Beaucoup de païens étaient devenus sympathiques aux cultes orientaux ; la sagesse de l’Orient était en vogue ; la pureté et la hauteur de son idée de Dieu, la parfaite moralité qui caractérisaient

le judaïsme ne pouvaient que frapper les âmes religieuses. Et puis les Juifs savaient employer tous les moyens pour réussir. L’abondante littérature hellénique d’origine juive servait aux fins de la propagande. Très habilement on y relevait les points de doctrine et les coutumes qui pouvaient davantage attirer les païens. Sans renier aucun de ses principes, le judaïsme savait, au besoin, se débarrasser de son exclusivisme ordinaire et se montrer large pour gagner des adhérents.

b) Le succ}s de la propagande. — A ces efforts de la propagande juive correspondaient de remarquables succès. Les adversaires du judaïsme le reconnaissaient ouvertement. Témoin ces paroles célèbres de Sénèque : Cum intérim usque eo scelcratissimse gentis consuctudo convahiil, ut per omnes jam terras recepta sit ; victi victoribus leges dedenint, dans saint Augustin. Decivitate Dei, vi, 11, P. L., t. xli, col. 193. Les Juifs s’en glorifiaient, non sans quelque exagération. « La Loi attire tous les hommes et les convertit, barbares et Hellènes, habitants du continent et des îles, peuples de l’Orient et de l’Occident, l’Europe et l’Asie, tout le monde habité d’un bout à l’autre. » Philon, Vita Mos., ii, 20, édit. Mangey, t. il, p. 137. « Les masses ont depuis longtemps un grand zèle pour notre religion, dit de son côté Josèphe. Il n’y a aucune ville… et aucun peuple où notre coutume de la célébration du sabbat n’ait pénétré et où le jeûne… et beaucoup de nos lois sur les repas ne soient observées. » Contra Apion., ii, 39.

Saint Paul rencontre presque partout autour de la communauté juive des païens qui s’étaient plus ou moins associés à la synagogue Act., xiii, 16, 43 ; xvii, 17.

A Antioche, « les Juifs attiraient constamment à leurs offices une grande foule de Grecs et dans un certain sens se les assimilaient ». Josèphe, Bell. Jud., VII, iii, 3. Sur les femmes surtout, la religion juive exerçait un grand attrait. A Damas, la plupart des femmes étaient dévouées au judaïsme. Bell. Jud., II, xx, 2. A Rome, une dame noble, T’ulvia, observait la Thora. Ant., XVIII, iii, 5. Poppée, épouse de Néron, favorisait beaucoup les Juifs et était peut-être une prosélyte. Quelques hommes, haut placés, acceptaient le culte de Jahvé, par exemple les deux beaux-frères d’Agrippa IL Ant., XX, vii, 1, 3. Les Juifs étaient surtout fiers de la conversion de la famille royale d’Izate.

Il y avait d’ailleurs plusieurs manières pour un païen d’accepter la religion d’Israël. Ou bien il se soumettait à toutes les lois, principalement à la circoncision, ou bien, sans se laisser circoncire, il observait seulement l’une ou l’autre des prescriptions judaïques. Dans le premier cas seulement, on peut parler d’une véritable conversion du paganisme au judaïsme. C’est ce qui eut lieu pour le roi Izate. Ceux qui entraient ainsi complètement dans la communauté juive recevaient le nom de prosélytes. Bien qu’ils dussent accepter toutes les prescriptions de la Thora, ils n’obtenaient pas néanmoins tous les droits dont jouissaient les Juifs de naissance : un prêtre, par exemple, ne pouvait pas épouser la fille d’un prosélyte si sa mère n’était pas Israélite : un prosélyte ne pouvait pas devenir membre d’un tribunal juif. Mis luui. Bikkurim. i, 15 ; Horajoth, i, t. Les autres portaient le nom de as66[XEvoi ou <po60ûu, svo’. 6sôv. Leur attachement au culte mosaïque était très inégal. Les uns acceptaient uniquement la croyance à un seul Dieu et assistaient à l’office synagogal, les autres observaient en outre, une partie plus ou moins grande des lois cérémonielles, surtout celles qui concernaient le repos du sabbat et la pureté rituelle dans la nourriture. Josèphe, Contra Apion., ii, 32 et Juvénal, S(d., xiv, 96106. Ces <po60û[xevot, qui n’étaient pas membres de la Synagogue étaient sans doute beaucoup plus nom-