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judaïsme, rapports avec le milieu païen


ils étaient même autonomes. Dans les villes de la Siie et de l’Asie Mineure, ils jouissaient de tous les droits civiques Partout ailleurs, bien qu’ils ne formassent que des colonies d’étrangers, ils étaient autorisés à exercer librement leurs pratiques religieuses et à former dans ce but des réunions et des associations. Dans tout l’empire romain, leur culte fut reconnu comme religio licita et ils avaient obtenu des Césars trois privilèges surtout qu’ils gardèrent même après la guerre judaïque : la dispense du service militaire a cause du repos sabbatique, la permission de ne pas paraître devant les tribunaux les jours de sabbal et l’exemption de la loi qui prescrivait le culte ries empereurs. Il leur fut accordé en outre la faculté d’exercer, d’après les lois mosaïques, une juridiction interne sur les membres de leur communauté qui leur donnait même le droit d’infliger des peines corporelles, et de plus la faculté d’administrer leurs propres fonds et de prélever des taxes pour le culte.

Toutes ces prérogatives par lesquelles les rois d’Egypte et de Syrie comme plus tard les empereurs romains créaient aux Juifs une position tout à fait privilégiée, devaient nécessairement soulever la jalousie et la haine des autres citoyens. Car les Juifs, tout en se soustrayant par leurs privilèges à bien des charges de la vie commune, revendiquaient tous les droits de la cité et se mêlaient aux affaires publiques. La tension était d’autant plus inévitable que le culte païen, si important dans la vie de la cité, était non seulement omis, mais encore méprisé par les Juifs. De là les demandes fréquentes que les municipes adressaient au gouvernement pour obtenir l’abolition des lois d’exemption, les émeutes sanglantes dirigées contre les Juifs et les expulsions dont ils étaient périodiquement frappés.

Malgré tout, ils savaient se maintenir et exerçaient une influence qui dépassait beaucoup leur proportion numérique. Par le commerce et les affaires de banque, ils acquéraient de l’opulence. Sous le règne d’Hérode, Josèphe mentionne le juif Saramallas comme étant l’homme le plus riche de la Syrie. Bell. Jud., I, xiii, 5. En Egypte, on les voit contracter mariage avec des membres de familles royales. Ant., XVIII, x, 4 ; XIX, ix, 1. En Mésopotamie, du temps de Tibère, deux frères, d’origine juive, curent pendant quinze ans un tel ascendant que l’un fut nommé par les Parthes gouverneur de la Babylonie. Ant., XVIII, ix, 1-7. Moins aisée et moins honorable était la situation des Juifs en Italie et particulièrement à Rome. Ils habitaient les quartiers les plus misérables de. la ville. Juvénal, Sat., xiv, 202. Cicéron cependant loue leur assiduité au travail, Pro Flacco, 28, et Martial, vii, 82, relève que les Juifs occupaient les meilleures places dans les bains publics. Voir Yandervorst, op. cit., p. 210-225.

c) Situation religieuse. — Chez les Juifs de l’étranger comme chez leurs frères de Palestine, la préoccupation principale était celle de la religion. Non seulement ils ne se gênaient pas pour vivre selon la Loi, même en public, mais ils revendiquaient hautement tous les privilèges nécessaires pour cela. Dès qu’il y avait à un endroit quelques familles juives, elles s’organisaient dans ce but. Dès que l’on était nombreux, on construisait une synagogue. Dans l’intérêt de la religion, on s’isolait complètement du milieu païen et l’on formait un cercle fermé avec une administration interne. Comme la Thora était un code religieux et civil, toutes ces jiiiveries étaient des corporations civiques en même temps que cultuelles, régies par deux genres de dignitaires, les éipxovTeç et les àp^iauvaycoyo’..

La pratique religieuse la plus Importante de la Diaspora était l’office synagogal. C’est par la lecture régulière de la Loi et des Prophètes qui s’y faisait que

les Juifs maintenaient les croyances et les coutumes de leurs pères. « Les sabbats, des milliers de maisons d’instruction s’ouvrent dans toutes les villes, dans lesquelles la prudence, la tempérance, l’habileté, la justice et toutes les autres vertus sont enseignées. » Philon, De septenario, vi, édit. Mangey, t. ii, p. 282. Parce que les Juifs de la dispersion comprenaient encore moins l’hébreu que ceux de la Palestine pour la lecture de la Bible, on se servait à côté de l’original des Targoums araméens dans la Diaspora orientale et on le remplaçait par la version grecque dans la Diaspora occidentale.

Les dispersés observaient le repos sabbatique, les lois de pureté rituelle et la circoncision à peu près aussi strictement que ceux de la Terre sainte. Pour le sabbat, ils étaient d’après les témoignages de Philon, voir Bousset, op. cit., p. 147, peut-être encore plus sévères.

Continuellement ils entretenaient des relations intimes avec Jérusalem ; pour cette raison, Agrippa I er appelle cette ville, dans une lettre à Caligula, la métropole de la plupart des pays. Philon, Légat., 36, édit. Mangey, t. ii, p. 587. La communication consistait d’abord dans l’envoi régulier du didrachme que chaque Juif à partir de sa vingtième année avait à payer pour le culte du temple, Philon, De mon., ii, 3, édit. Mangey, t. ii, p. 224, puis dans des ollrandes privées. Josèphe relève les richesses immenses qui furent réunies par là dans le temple. Ant., XIV, vii, 2. Ensuite on se dirigeait dans la Diaspora pour l’observation des fêtes d’après le calendrier, émis chaque année à Jérusalem. Mais surtout on allait de temps à autre visiter la ville sainte à l’occasion des grandes fêtes.

Le temple d’Éléphant inc représente une infraction à cette liaison de la Diaspora avec Jérusalem et plus encore celui de Léontopolis. Les rabbins palestiniens n’ont jamais regardé le culte égyptien comme légitime et n’ont reconnu ses sacrilices qu’en partie. Mischna, Menachoth., xiii, 13. Aussi les Juifs égyptiens allaient-ils comme les autres en pèlerinage à Jérusalem. Philon, De providentiel, dans Eusèbe, Pr.vp. evany., viii, édit. Mangey, t. ii, p. 616.

Le zèle religieux des dispersés qui les a empêchés de s’amalgamer avec leurs concitoyens et qui a partout fait d’eux une caste, où se maintenait un haut esprit de solidarité, a trouvé une singulière répercussion dans les jugements que les auteurs grecs et romains émirent sur le judaïsme. Ils attestent d’un côté la pratique assidue du culte mosaïque qui caractérisait les Juifs, de l’autre le mépris et la haine qu’ils récoltaient par là chez leurs contemporains. Ces tendances anti-sémites se révèlent pour la première fois, chez le stoïcien Posidonius d’Apamée (85 avant J.-C.) et le rhéteur Apollonius Molon. Le disciple de ce dernier, Cicéron, en est fortement imbu ; non moins anti-sémites furent Sénèque, Juvénal et surtout Tacite ; cependant les ennemis les plus enragés des Juifs se trouvaient au centre principal de la dispersion, à Alexandrie, entre autres le célèbre grammairien Apion. Voir F. Stâhelin, Der Antisemitismus des Altertums, Baie, 1905 ; Bousset, op. cit., p. 87 sq.

Pour la plupart des lettrés la religion juive était une barbara superstitio. Cicéron, Pro Flacco, 28. Des historiens égyptiens, surtout Manéthon et Apion inventaient les fables les plus stupides que Tacite devait plus tard recueillir, sur leur origine et sur l’origine de leurs institutions. Josèphe, Contra Apion., i, 26-27, ii, 1-2. Ils racontaient même que Moïse avait introduit l’adoration d’une tête d’Ane. Contra Apion., ii, 7 ; Tacite, Jlist., v, 3-5. Quatre points excitaient surtout les railleries : la défense de manger du porc, Juvénal, Sat., ii, 160, xiv, 98, le repos du sabbat, Sénèque,