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judaïsme, pratiques religieuses


dienne des Juifs, il faut surtout relever celles qui étaient prévues pour les différents états de vie. Elles nous permettent de jeter un regard sur les coutumes sociales des Juifs.

A leur tête se trouvent celles qui ont trait aux relations entre les parents et les enfants. Dans l’Ecclésiastique, elles sont placées au commencement du livre, m, 1 sq. ; le livre de Tobie les glorifie par les plus beaux exemples. Philon (dans Eusèbe, Pnvp. eu., VIII, vii, 2), Josèphe, Cont. Apion., ii, 200, iv, 262, les recommandent d’une façon toute spéciale.

Les rapports entre époux et épouse étaient moins bien compris ; il semble qu’on regardât toujours la femme comme un être inférieur. L’Ecclésiaste ne dit-il pas : « J’ai trouvé un homme entre mille, mais je n’ai pas trouvé une femme entre elles toutes ? » vii, 29. Le Siracide représente la femme comme dangereuse à cause de la séduction qu’elle exerce. Eccli., vii, 24 ; xxii, 3 ; xlii, 3 sq. ; cf. Eccle., vii, 27. Le Talmud dit même que cent femmes valent seulement deux hommes. Berachoth, 45fc. Comme les enfants et les esclaves, la femme n’avait pas besoin de dire la prière du Schéma. Mischna, Berachoth, iii, 3. Aujourd’hui encore, dans le judaïsme, les hommes récitent la prière suivante qui était déjà en usage au iie siècle après Jésus-Christ : « Je te remercie, ô Dieu, de ce que tu ne m’as pas fait naître, infidèle…, esclave…, femme. » Tosephta, Berachoth, vii, 18.

Cependant le mariage était regardé comme une institution sacrée. En théorie la polygamie n’était pas encore abolie, même au temps de Jésus-Christ ; la Mischna suppose l’existence de femmes secondaires. Edujoth, iv, 8. Mais dans la pratique la monogamie était déjà devenue la règle ; voir Felten, op. cit., t. i, p. 429 sq. Il est d’autant plus surprenant que le divorce fût regardé comme permis pour des causes insignifiantes. Ilillel enseigne que l’homme peut répudier sa femme même si elle a seulement brûlé ou trop salé son repas et Rabbi Akiba admet que si quelqu’un trouve une autre femme plus belle que la sienne, il peut congédier celle-ci. Mischna, Gittin, ix, 10.

Aucun état n’est plus estimé que celui des scribes. L’Ecclésiastique le glorifie déjà comme le meilleur, xxxix, et les Testaments des Patriarches renchérissent encore davantage. Liai, xiii.

Les artisans jouissent aussi d’une haute considération ; la meilleure preuve en est que les scribes exercèrent presque tous un métier manuel pour gagner leur pain. Voir Fr. Delitzseh, Jùdisches Handwerkerleben zur Zeit Jc.su, Erlangen, 1879, p. 77 sq.

L’état des paysans n’est pas moins estimé, Eccli., vu, 15 ; Testam. Issachar, i sq. ; le commerce par contre n’est pas encore trop en honneur : Eccli., xxvii.2 ; Issachar. vi ; l’irke Aboth. ii, 5. Pour la morale juive, voir surtout Bousset, op. cit., p. 154-163, 47$1-$296.

4° La vie sous la Loi, — 1. Le zèle pour la Loi. — Si caractéristiques que soient pour le judaïsme sa foi et sa morale, elles ne sont pourtant pas les traits les plus saillants de sa pratique religieuse. C’est l’observation de la Thora, qui donne à celle-ci l’empreinte la plus forte. Les différents codes du Pentateuque ne contiennent que quelques lois morales ; la plupart de leurs prescriptions se rapportent aux rites religieux et c’est à ces derniers que les Juifs après l’exil ont accordé une particulière attention.

A différentes reprises nous avons déjà relevé que ce n’est pas à une création du Code sacerdotal qu’est due une observation désormais si méticuleuse des disciplines rituelles, mais au changement survenu dans la situation du peuple. Les rapatries tonnaient plutôt une communauté ecclésiastique qu’un État proprement dit. Les prêtres en détenaient le gouvernement. Le vasselage dans lequel se trouvait le peuple par

rapport à ses suzerains, perses et autres, enlevait tout intérêt à la politique et favorisait ainsi les aspirations religieuses.

A ces circonstances extérieures correspondent des changements intérieurs, dus à l’enseignement que les prophètes Jérémie et Ézéchiel avaient donné à leurs compatriotes en face de la catastrophe de 586. Ils leur ont répété sans cesse et leur ont inculqué l’idée que ee désastre est le châtiment de leurs prévarications. Ils leur ont fait prendre conscience « de l’énorme poids d’iniquité qui, s’étant accumulé pendant des siècles » (Touzard), pesait sur le peuple juif. D’où, la résolution prise par les survivants d’observer sérieusement la Thora dans tous ses détails pour expier la faute et davantage encore pour ne plus irriter le Très-Haut. En même temps ces prophètes publient que la partici-, pation au salut ne sera pas un privilège de toute la nation, mais une récompense dont chaque individu devra se rendre digne par sa conduite. « De là cette préoccupation qui, en des temps encore lointains, dégénérera en scrupule, de se conformer au bon plaisir divin. De là cette piété profonde, sincère même en ses déviations, qui s’exprimera surtout en forme d’obéissance par une fidélité chaque jour croissante aux préceptes de la Loi. » Touzard, Bévue biblique, 1918, p. 400-401.

Telles sont les causes qui ont fait du légalisme le caractère principal de la vie religieuse après l’exil.

Cette vie sous la Loi se révèle déjà dans la manière dont fut faite la restauration. La réforme de Néhémie et d’Esdras consista essentiellement dans la mise en vigueur complète de la Loi. Le peuple professa par ses représentants que les désastres nationaux étaient causés par les transgressions continuelles de la Thora, Neh., ix, et promit de l’observer dorénavant dans toute sa rigueur. Une classe nouvelle se forma, celle des scribes, dont l’unique but était d’augmenter le prestige de la Loi. Lorsque, par le despotisme d’Antiochus Épiphane, le conflit entre le judaïsme et le paganisme devint aigu, la révolte nationale fut déchaînée par ce cri de Mathathias : « Que tous ceux qui ont le zèle de la Loi viennent après moi. » I Macch., ii, 27. Cette réaction victorieuse contre l’infiltration de l’hellénisme ne pouvait qu’augmenter énormément la ferveur de l’observance légale. Les plus zélés ne tardèrent pas à s’organiser en parti. A la fin de l’époque macchabéenne commence cette chaîne ininterrompue des célèbres docteurs de la Loi qui guidèrent le peuple et le poussèrent à l’extrême rigorisme. A partir du milieu du premier siècle de l’ère chrétienne, sur l’ordre de Rabbi Josué ben Gamala qui était grand prêtre de 63-65, on institua même, surtout dans les villes, des écoles primaires où les garçons dès l’âge de six ans devaient lire et apprendre par cœur la Thora, Talmud Bab., Baba Bathra, 21 a. Lorsque la catastrophe finale priva le judaïsme de son existence nationale et de son culte, il se cramponna avec une énergie héroïque à la Loi, le seul bien qui lui restât de son antique grandeur.

Les Juifs de la Diaspora observaient la Loi non moins consciencieusement que les Juifs palestiniens. L’intransigeance dont ils témoignèrent à cet égard en dépit de tout le mépris qui les accablait pour ce motif, fit d’eux un élément complètement étranger à leur entourage païen.

A cette pratique zélée de la Loi correspond L’éloge qu’en faisait les écrivains, l.e plus long de tous les psaumes, le psaume CXVtn, la nomme et la célèbre dans chacun de ses cent soixanle-seize versets. Pour le Siracide, elle est la Sagesse divine, descendue sur la terre, xxiv, s, 10, ilillel dit : si tu l’es acquis les

paroles de la Loi, lu t’es acquis la vie de l’autre monde i. Mischna, l’irke Abolit, ii, 7. Philon l’appelle la plus