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JUDAÏSME, pratiques heligieuses


pour se conformer à la Thora ne s’expliquent cpie par une conviction religieuse très vive.Les martyrs et les héros du temps des Macchabées, les missionnaires du prosélytisme dans tout le monde antique montrent à quel point la foi juive était ardente.

II va tellement de soi que la foi forme la base de toute la vie religieuse que nos sources la relèvent à peine expressément. Nous lisons cependant, Judith, xiv. 0, que l’Ammonite Achior, voyant ce que le Dieu d’Israël avait lait, « crut en Dieu », et longtemps avant les épîtres de saint Paul, nous rencontrons Abraham présenté comme modèle de la confiance et de la croyance en Dieu. I Macch.. 11, 52 ; Jub., xvii. 15 ; xix, 9. Philon surtout s’est emparé de la figure de ce premier patriarche pour montrer par son exemple la beauté et l’importance de la foi, « qui est le seul bien sûr et indubitable ». De Abruhamo, § 40. Il développe même une psychologie très fine de la foi et ce qu’il a écrit à ce sujet compte parmi ses plus belles pages. Voir Bousset, op. cit., p. 224.

Très instructif sur le caractère solide de la foi juive est le livre de l’Ecclésiaste. On le cite souvent pour prouver le contraire à savoir que, sous l’influence de l’hellénisme le doute se serait glissé dans les âmes juives. En réalité l’auteur ne fait que relever l’insuffisance de la croyance de l’Ancien Testament, parce que la rétribution dans l’autre monde lui est encore inconnue. Constatant en outre l’absence de la rétribution terrestre, il est pessimiste et sceptique au sujet de la valeur de la vie humaine. Cependant la triste réalité ne lui arrache aucun murmure contre Dieu. Il reste tout à fait croyant et le principe directeur de la vie est selon lui de jouir dans la crainte de Dieu des biens de cette terre.

D’autre part le même livre nous apprend que « si le respect de la foi était grand chez les Juifs, le travail, même hardi, de l’intelligence n’était pas interdit, et qu’une forme de la pensée religieuse a existé, celle des sages, qui, pour n’être pas toujours populaire, ni précisément chaude, expansive et conquérante, parut néanmoins nécessaire, obtint la reconnaissance officielle et fut favorisée de l’inspiration divine. » E. Podechard, L’Ecclésiaste, Paris, 1912, p. 197. Ce sont justement ces spéculations auxquelles on s’adonnait avec une grande prédilection, qui sont caractéristiques du judaïsme tardif. Nous les avons déjà relevées en parlant de l’œuvre des scribes et nous les avons surtout constatées dans les idées messianiques et eschatologiques.

Les conceptions sur les mêmes sujets étaient si multiples et évoluaient à un tel degré qu’on se demande quels furent les véritables dogmes inaltérables du judaïsme. Avec quelque apparence de raison, on dit parfois que le peuple d’Israël avant et après l’exil n’a connu qu’un seul dogme, celui du monothéisme. Cependant on doit y ajouter l’espérance messianique au moins pour son fond. Le judaïsme tardif a regardé aussi comme un dogme la rétribution dans l’autre monde. Dans la Sagesse, i-v, la croyance à un jugement après la mort par lequel chacun sera récompensé selon ses œuvres est signalée comme le caractère qui dislingue les justes des pécheurs, .losèphe relève celle croyance comme le dogme principal des pharisiens, donc du judaïsme orthodoxe, Bell. Jud., I f.n.vil I ;.InL, XVIII, I, 3, et considère les sadducéens comme incrédules parce qu’ils le nient. Bell. Jud., Il, viii, 14. La littérature apocryphe et rabbinique prouve que. <u temps de Jésus-Christ, la vie religieuse du judaïsme fut entièrement dominée par la pensée de la rétribution dans l’au-delà. Rabbi Akabja qui a vécu encore avant la destruction du temple, disait : Réfléchis à trois choses, et lu ne commettras pas de péché : sache d’OÙ lu es venu… ou tu vas et devant qui lu

dois rendre compte. » Mischna, Pirke Aboth, iii, 1.

Tels sont les trois dogmes principaux qui ont été les étoiles conductrices des Juifs à travers leur vie. La croyance en Dieu qui les a préférés à tous les autres peuples les remplit vis-à-vis du paganisme d’une orgueilleuse satisfaction. L’espérance en l’avenir glorieux de leur race leur donna d’ordinaire une résignation calme pendant la longue domination étrangère, parfois et surtout dans certains milieux un courage qui les poussa aux luttes les plus héroïques. La conviction que la vie d’outre-tombe dépend absolument de la manière dont on a observé les prescriptions divines, a influé sur toute leur existence quotidienne.

La Morale.

Dès lors nous ne devons pas nous

étonner de trouver dans le judaïsme une morale très développée. Les sources qui nous renseignent à son sujet sont assez abondantes : parmi les livres canoniques il faut citer surtout l’Ecclésiaste, l’Ecclésiastique, la Sagesse et le livre de Tobie ; parmi les apocryphes, en premier lieu les Testaments des Douze Patriarches avec leurs longues exhortations, en outre Hénoch slave, IV Macch. et la lettre d’Aristée, parmi la littérature rabbinique, le traité Pirke Aboth de la Mischna. I.a littérature hellénique fournit aussi une riche contribution : l’explication du décalogue par Philon, surtout les fragments des Hypothetica (Eusèbe, Prsep. ey., viii, 6-7), l’exposé de la morale juive et de la Loi par Josèphe, Cont. Apion., ii, 22 ; Ant., IV.vnr, 4 sq., le poème de pscudo-Phocylide et de pseudo-Ménandi e.

1. L’Ecclésiastique montre que le motif fondamental de toutes les actions morales est la crainte de Dieu. Tout cet écrit avec ses multiples prescriptions et conseils est animé par un souille très fort de piété. 11 se distingue même assez sous ce rapport du livre des Proverbes où la note religieuse est moins accentuée. Toujours il est dit que la moralité dépend de l’attitude qu’on observe envers Dieu, i. 20. 25-30 ; ii, 12 sq. ; xxxii, 14, etc. ; que Dieu voit le cœur et exige une intention pure, vii, 9 ; xxxv, 1 sq. Cette conception se retrouve aussi sans cesse dans la littérature extracanonique : « Les justes pensent toujours à Dieu », Ps. Sal., iii, 3 : « en tout ce que le juste fait ou dit ou regarde, il sait que le Seigneur contemple son âme. Test. Pair., Benj., vi ; Mischna, Pirke Aboth, i, 3 ; Ps. Sal., iv, 21-23 ; xiv, 2 : Hénoch slave, lxvi, 3 sq.

A côté de ce motif suprême de la conduite, nous en trouvons d’autres moins élevés : d’abord l’espérance de la rétribution d’outre-tombe, ensuite celle de la rétribution terrestre. Cette dernière, qui est constamment exprimée dans les psaumes, s’est maintenue à travers tout le judaïsme, même après que la croyance en l’autre vie eut surgi et lut devenue dominante. On continuait à être convaincu que chaque péché est puni sur terre et reçoit même une punition qui correspond au délit. II Macch., V, 9 ; vii, 37 ; Sa])., xi, 0-8 ; xvii, 2xviii, 1 ; Test. Patr., Joseph, v ; Zabulon, x ; Siméon, i. Le sage I lillel vit un jour un crâne nager sur l’eau et il dit : parce que tu as noyé, on t’a noyé et ceux qui t’ont noyé seront aussi noyés. Mischna. Pirke Aboth. n, 0. Plusieurs fois Jésus fut obligé de combattre cette conception populaire. Luc, xiii, 1-5 ; Joa., ix, 1-3.

Un autre principe, tout en étant subordonné à ces données religieuses a joué un assez grand rôle dans la morale juive, celui de l’utilitarisme. Autant le Siracide recommande la crainte de Dieu. autant il attire l’attention sur le profit qui en résulte. Celui qui observe les commandements, est sage parce qu’il se rend heureux et évite bien des ennuis. Eccli., ix. 0 : xviii, 22 ; i. 3 ; wwii. 30-31… Dans le même sens, les sentences morales des rabbins (Pirke Aboth) et des poètes hellénistes pseudo-Phocylide et pseudo-Ménandre sont souvent des conseils de prudence. Il ne faut pas trop eu vouloir aux sa^es juifs et déprécier leur morale. La