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JUDAÏSME, IDÉES RELIGIEUSES


nières de l’homme. Aucun n’a plus d’importance pour l’intelligence du Nouveau Testament. Nous allons le suivre dans la littérature apocryphe et dans la littérature rabbinique.

a) Littérature apocryphe. - - Tous les apocryphes annoncent pour la fin des temps l’établissement du royaume de Dieu. En attendant, le Très-Haut est méconnu et méprisé non seulement par les païens, mais aussi par beaucoup de Juifs.

D’après Hénoeh éth., i-xxxvi, lxxii-cv, Hénoch slave, Ascension de Moïse, c’est Dieu lui-même qui rétablira par un jugement universel l’ordre violé. Selon Hénoch éth., xxxvii-lxxi, /// Sibyl., Ps. SaL, IV Esdr., Apoc. Bar., il en chargera le Messie.

Le Testament des Douze Patriarches et le Livre des Jubilés ne prévoient ni un jugement soudain de Dieu, ni une intervention du Messie ; ils supposent une réalisation progressive de l’ère messianique à travers l’histoire.

a. Le Messie est présenté sous les aspects les plus différents. Tantôt c’est seulement un homme descendant de la famille de David, /// Sibyl., 652-G97, Ps. Sal., xvii, xviii, tantôt un être céleste, qui existe dès l’éternité et descend sur terre au moment fixé par Dieu, Hén. éth., xlv, 1-6, xlvhi, 6 ; i.xx. 1 sq. ; IV Esdr., xii, 32 ; Apoc. Bar., xl, 1 ; lxxii-lxxiv.

Son rôle est très effacé dans Hén. élh., lxxxv-xc : il naît après le grand jugement de Dieu et n’exerce aucune activité, xc, 37 ; d’après /// Sibyl., 652-655, il vient seulement inaugurer l’ère messianique pour disparaître tout de suite après et abandonner aux Juifs la réalisation du bonheur. D’ordinaire il est décrit comme réalisant le salut avec une force irrésistible. Ps. Sal., xvii, 21-25 ; Hén. éth., xlvi, 4 sq. On trouve même qu’il anéantit ses ennemis par le simple souille de sa bouche. IV Esdr., xiii, 27-38.

b. L’ère messianique est toujours décrite comme imminente. Ceux qui voient en elle l’état définitif de l’humanité la présentent comme éternelle. La terre, surtout la Palestine, sera transformée en paradis. Tandis que le Livre des Jubilés, le Testament des Douze Patriarches, l’Ascension de Moïse, le IVe livre d’Esdras en restreignent la participation aux Israélites, Hénoch, les Psaumes de Salomon, l’Apocalypse de Baruch y font prendre part tous les peuples, au moins ceux qui se convertiront. La plupart des apocryphes soulignent comme condition de l’entrée au royaume messianique la perfection morale. Tous les pécheurs en seront exclus.

c. Outre les vivants, les défunts aussi prendront part au bonheur final. Il n’y a que III Sibyl., Jub. et Ascensc. Moïse, qui font abstraction des morts. Pour les autres, ils ne mettent pas seulement leur sort en connexion avec l’ère messianique, mais ils présentent aussi une eschatologie transcendante. Déjà Hén. éth., i-xxxvi enseigne une rétribution individuelle pour le temps qui suit immédiatement la mort, en distinguant deux classes de méchants et deux classes de justes dans le Schéol. Hén. éth., xcr-cv, énonce sur le sort de l’homme après sa mort et après le jugement universel les mêmes idées que la Sagesse. Les Psaumes de Salomon réunissent d’une façon habile l’eschatologie au messianisme, en disant que les justes seuls ressusciteront pour prendre part au bonheur messianique, les méchants au contraire seront damnés immédiatement après leur décès et ne quitteront jamais le lieu de leur supplice. Les deux dernières apocalypses, le IVe livre d’Esdras et l’Apocalypse de Baruch ont amalgamé les idées messianiques et eschatologiques, en faisant du règne messianique un règne intermédiaire auquel les Juifs surtout prendront part et après lequel, par la résurrection générale et le jugement universel, l’état définitif commencera pour

tous les hommes, état qui fut déjà préalablement fixé pour chaque individu après sa mort.

Si nous comparons ces idées avec celles des livres canoniques, nous ne rencontrons aucun élément vraiment nouveau. Tout au plus l’un ou l’autre y est-il plus développé, surtout la préexistence du Messie et la rétribution individuelle ainsi que la conception de l’au-delà. Mais le développement que les apocalypses ont donné aux idées bibliques est plutôt un agrandissement extérieur qu’un véritable approfondissement intérieur. Voir Lagrange, op. cit., p. 132-135.

b) Littérature rabbinique. — a. Au sujet des temps messianiques, les rabbins s’occupèrent surtout du bonheur et de la gloire qui y régneront. Leurs conceptions à cet égard sont des plus matérielles, ils aiment décrire sous les formes les plus plantureuses, la fertilité prodigieuse du sol, Barailha anonyme du Talmud Bah., Kethuboth, 1Il b, le retour des Israélites et la reconstruction de Jérusalem, Baraitha anonyme du Talmud Bab., Baba bathra 122 a ; Midrasch Sifre sur Deut., n. 43.

On cherchait ensuite à calculer la date du règne messianique ; Rabbi Chanina p. ex. assure qu’il viendra quatre siècles après la destruction du temple, Talmud Bab., Aboda 96. On fixait les préambules qui l’annonceront ; il y aura surtout une grande misère. Les « douleurs messianiques » consisteront en désastres formidables, accompagnés de la violation la plus criminelle des lois divines. Mischna, Sota, ix, 15.

On ne spéculait pas moins sur la durée du règne messianique. La plus courte période qu’on supposait est celle de quarante ans, d’ordinaire on donnait des chiffres beaucoup plus élevés : 400, 1000, 2000.

b. Par rapport à la personne du Messie, les maîtres en Israël enseignaient qu’il sera un homme ordinaire. Ils ne voulaient rien savoir d’une origine céleste. Dans ce but ils mutipliaient les explications les plus artificielles pour échapper au texte de Dan., vii, 13, Talmud Bab., Sanhédrin, 38 b (d’après Lagrange, op. cit., p. 225).

L’avènement du royaume céleste une fois préparé par Élie, le Messie aura pour rôle de le fonder. Il est toujours dépeint comme roi idéal, juste et saint. Le rabbinisme n’a pas connu un Messie souffrant. L’idée d’une passion douloureuse lui semblait incompatible avec le rôle glorieux du Roi-Messie. Par de véritables tours de force exégétiques on s’ingénia à donner un autre sens aux textes si clairs d’Isaïe un. Voir Lagrange, op. cit.. p. 236-251.

c. Les réponses que les rabbins donnèrent aux problèmes de la rétribution individuelle sont celles des apocalypses d’Esdras et de Baruch. Ils enseignèrent tous sans exception que ce n’est pas ici-bas que la destinée de l’homme s’achève, mais dans l’au-delà. Ils ont créé un terme spécial pour désigner l’autre monde : ha-olam ha ba, « le monde qui vient ». Tous ceux qui le méritent rentreront dans le bonheur de l’autre monde, en premier lieu les Israélites parce qu’ils sont les justes par excellence. En voulant spécifier ceux qui y seront reçus, les docteurs discutèrent l’admission des mauvais Israélites, des enfants des païens et des païens eux-mêmes. L’état des morts ne sera complet et définitif que par la résurrection. Nous savons par Josèphe que les rabbins pharisiens pensaient que seuls les justes ressusciteraient, tandis que les âmes des méchants demeureraient toujours enfermées dans le lieu des châtiments. Ant. XVIII, 1, 3. Ils ne furent pas aussi unanimes sur la date de la résurrection. La plupart semblent comme IV Esdr. l’avoir placée après l’ère messianique et l’avoir regardé comme l’ouverture de l’autre monde. D’autres cependant, à la façon des Psaumes de Salomon, espéraient déjà ressusciter pour le règne messianique et