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    1. JUDAÏSME##


JUDAÏSME, IDEES RELIGIEUjSl îfius

arbitre en face du fatalisme des esséniens, mais que d’autre part, ils ne le regardent pas à la manière des sadducéens comme absolu mais comme limité par l’influence de Dieu. Bell..Intl.. II. viii. 1 1 : AnL, XIII, v. 9 ; XVIII. i. 2sq. Même l’auteur du IVlivre d’Esdras, qui relève plus que tout autre la faiblesse et la inceté de tous les hommes, iii, 35 : vii, 46, 68 ; vm. 35, enseigne que la différence des bons et des méchants dépend de la décision libre de chacun, iii, 36 ; mi. 18-2 1 : viii, 26-30 ; xiv, 22 : cf. Bousset, op. cit.,

p. |i>") sq.

Puisque toute l’humanité est corrompue, la culpabilité en doit remonter à la chute du premier homme. C’esl cette source commune du péché que le judaïsme tardif a également reconnue. Dans les livres inspirés, nous lisons : C’esl par une femme qu’a eu lieu le commencement du péché et c’est par elle que nous mourons tous, > Eccli.. xxv, 24, et « par l’envie du diable, la mort est entrée dans le monde. » Sap., u. 21. Dans ce sens les apocalypses juives du premier siècle chrétien rendent souvent Adam et Eve responsables de toute la perversion et de toute la misère de leurs descendants, IV Esdr., iii, 7 ; iv, 30 ; vii, 11 ; Ap. Bar., xxiii. 1 ; xlviii. 42 ; i.vi. ô-7 : cependant elles supposent le mauvais penchant chez le premier père dès avant la chute. IV Esdr., iii, 21. Par contre les plus anciennes parties d’Hénoch et le livre des Jubilés attribuent aux anges déchus le rôle de corrupteurs de l’humanité. Hénoch éth.. vi-xvi : Jub., iv, v, x. Voir J.-B. Frey, L’état originel et la chute de l’homme d’après les conceptions juives au temps de Jésus-Christ, dans Revue des sciences philosophiques et théologiques. 1911, p. 506545.

5. Mérite, grà’e. — <D Malgré cette conscience profonde de la corruption de l’homme, les Juifs n’ont pas cessé de croire que chacun peut opérer son salut. Us en étaient même encore plus convaincus que les anciens Israélites par suite de l’application croissante du principe de l’individualisme qui les portait à rendre chaque homme davantage responsable de son sort. Dans ce sens, les deux principaux livres sapientiaux de l’époque postexilienne, l’Ecclésiastique et la Sagesse, enseignent a plusieurs reprises que l’homme reçoit de Dieu exactement ce qu’il mérite par ses œuvres. Eccii.. xiv. 1 ! » : xvi, 1-23 ; xvii. 11-23 ; Sap., . 6-11 ; ni. 1-12 ; v, 15-23. Les sentences des rabbins réunies dans les l’irke Aboth, contiennent la même doctrine. Elles prouvent que les scribes ont méticuleusement développé la théorie de la rétribution, mesuré et calculé avec exactitude les mérites et les démérites qui correspondent aux différentes œuvres de l’homme, n. 6 ; iii, 1 ; v, 8 sq. Ils disaient : « Par chaque accomplissement d’un commandement, on se procure un avocat, par chaque transgression un accuateur. » Pirke Aboth, iv, 11.

Dès lors qu’on accentuait ainsi pour l’homme la faculté de mériter son salut, on vivait constamment dans la crainte du jugement sévère de Dieu. Cette crainte se constate dans toute la littérature juive. Il en résultait que la principale préoccupation de chaque Juif pieux était celle de sa justification : il fallait avanl tout se rendre juste aux yeux du Souverain .luge. Le moyen infaillible pour cela était la vie d’après la Loi. Quant au pécheur il lui restai ! le moyen d’une vraie conversion selon la parole célèbre de Joël : i i (échirez vos cœurs et non vos vêtements, ii, 13, et l’expiation des péchés par les bonnes œuvres. Tob., v. Il : Eccli., m. 30 : Dan., iv, 2 1. ainsi que par les acrifle ; s.

in T ail en relevant fortement le mérite par lequel

l’homme opère son salul. le judaïsme n’a pas oublié la

grâce de Dieu. Pénétré < ! < celle idée que l’homme esi uni créature faible et corrompue-, il devait tenir

dans sa sotériologie un large compte du secours divin. Les témoignages en sont aussi fréquents qu’importants.

Il y a d’abord le grand nombre des prières par lesquelles on implorait la miséricorde divine : Ps. cxxix ; Esdr.. ix. 6 sq. ; Dan., ix. 18 ; Tob., iii, 1 sq. : Jub.. xxii, 14 ; Ps. Sal.. v, 13 sq : Manassé. (i ; III Macch.. vi, 2 ; Apoc. Bar., lxxvii, 7. On y accumulait les expressions pour solliciter la bonté de Dieu. La formule de l’Exode, xxxiv, 6 « Dieu miséricordieux et clément, patient, d’une abondante bonté et fidèle » revient sans cesse. Xeh.. ix. 17 ; Joël, il. 13 :.Ion., iv, 2 : Ps. cxliv, 8 : Sap., xv, 1 ; IV Esdr., vii, 132 sq. On cherche en outre à motiver la miséricorde de Dieu : elle correspond d’une part à la toute-puissance et à la sublimité incomparable de l’Être divin, Eccli., ii, 18 ; xvii, 29 sq. ; Sap., xi. 23 : xii, 16-18 ; III Macch.. vi, 9, de l’autre à l’état misérable de l’homme. Ps. cxxix. 3..S’; ' iniquitates observaveris, domine, domine, quis sustinebit ; Eccli., xviii, 11 : Test. Zabulon.is. ; Apoc. Bar., XLvm, 14 ; IV Esdr., vm, 31 sq. ; Ps. Sal., ix, 7 ; Manassé, 8, 13.

Il y avait donc deux courants d’idées dans le judaïsme au sujet de la justification, D’un côté on attribuait à l’homme la possibilité de mériter son salut par ses propres œuvres et on le rendait responsable de son sort devant le juge sévère des cieux ; de l’autre on se défiait de son pouvoir et on espérait en la bonté divine. Les deux courants se complétaient l’un l’autre ; le premier cependant semble avoir prédominé, voir Bousset, op. cit., p. 434, 451, de sorte que le Juif vivait plutôt à l’égard de Dieu, dans un sentiment de crainte que de confiance. La vraie et pleine confiance en Dieu le Père appartient à la révélation de Jésus.

4 J Idées messianiques et eschatologiques. — De toutes les conceptions religieuses du judaïsme, il n’en est point qui mérite davantage l’attention que celles qui ont rapport à l’avenir messianique et aux fins dernières. C’est ici que se montre au mieux l’âme du judaïsme. Elles sont d’ailleurs très abondantes et très variées et ont évolué plus que toutes les autres. Ce sont précisément elles qui forment la transition de la religion de l’Ancien Testament à celle du Nouveau.

Xous entendons par messianisme, au sens large du mot, l’attente du royaume de Dieu qui doit s’établir à la fin des temps et auquel, sous l’hégémonie des Juifs, tous les peuples appartiendront ; au sens strict, l’attente d’un roi idéal, le Messie, qui sera le représentant visible de Dieu et par lequel Dieu réalisera le salut des hommes. Toutes les idées messianiques, parce qu’elles visent la fin de l’ordre actuel ont un caractère eschatologique. Cependant cette eschatologie est d’ordinaire toute terrestre, et ne s’occupe pas de l’au-delà. Mais en union intime avec elle et nourrie par elles surgit aussi dans le judaïsme la conception d’une eschatologie transcendante, se réalisant outre-tombe. L’importance et la complexité du sujet nous obligent à envisager séparément le contenu messianique et eschatologique des livres canoniques et extra-canoniques.

1. Livres canoniques. - Il y a lieu de distinguer entre les livres prophétiques et les sapientiaux.

a) Livres prophétiques. -a.Aggée et Zacharie, I-VUI.

— Comme les Israélites n’ont pas perdu pendant l’exil la croyance en Jahvé, ils n’ont pas davantage abandonné l’espérance en leur avenir glorieux. C’est la ferme conviction que les prophéties messianiques allaient se réaliser bientôt cpii les a surtout engagés à retourner en Palestine. Durant l’exil, cette conviction avait été entretenue plus que jamais parles brillantes promesses de la seconde partie d’Isaïe. VoirTouzard, Influence d’Is., XL-LY sur l’âme des exilés, dans Revue biblique. 1920, p. 6-42.

Déjà les deux premiers prophètes poslexiliens