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judaïsme, idées religieuses


Raphaël qui le saisit pour le bannir dans le désert égyptien Toi)., m. N ; viii. 1-3. Sauf dans ce cas. il n’est jamais question que du diable et non de plusieurs démons. L’origine des démons, c’est-ù-dire la chute d’une partie des bons anges, ne se trouve nulle part explicitement mentionnée dans l’Ancien Testament. Pourtant le texte Is., xxiv, 21 en ce jour-là, Jahvé visitera l’armée d’en-haul là haut, et les rois de la terre sur la terre a semble faire allusion à ces esprits déchus. Dans aucun de ces endroits bibliques le diable n’est conçu comme un principe mauvais, indépendant de Dieu : c’est toujours un esprit méchant, mais subordonné à Dieu. Il n’y a donc aucune trace de dualisme. Ces quelques indications très sobres de l’Ancien Testament sont richement amplifiées dans les écrits extra-canoniques.

D’abord l’auteur du livre primitif d’Hénoch, vixvi, raconte d’une façon détaillée la chute des anges. Il ne s’agit pas de la chute, telle que la conçoit la théologie moderne, mais d’une déchéance, causée par la concupiscence sensuelle. Il était question, Gen., vi, 1-4, d’union charnelle entre les fils de Dieu et les filles des hommes ; s’emparant de ce texte, où elle traduisait par < anges » le mot de /ils de Dieu, la théologie juive enseigna que deux cents anges guidés par un chef qui est nommé, tantôt Azazel, tantôt Semjaza, se sont mêlés aux filles des hommes. Ils sont jugés et attendent en des lieux inférieurs leur punition définitive lors de la fin du monde, mais ils ont, pour progéniture les démons qui circulent dans le monde. Le livre d’Hénoch distingue doue deux sortes de diables, tue distinction analogue se trouve dans le livre des Jubiles, iv, 22 : v, 1 sq : x, 1 sq. Le chef des démons terrestres y est Mastema. Cependant, d’après Hénoch eth., xix, 1 ; liv, 6 ; Jub., x, 11, il semble que le vrai Satan n’appartient pas à ces deux genres de démons, qu’il a existé avant eux et qu’il est au-dessus d’eux. I.e Testament des douze patriarches ne fait pas ces distinctions ; il ne connaît qu’une sorte d’esprits mauvais dont le chef est nommé parfois Satan, Dan., v, mais surtout Beliar = Bélial. Ruben, ii, vi, vi, Siméon, v. A l’époque du Nouveau Testament, les Juifs appelaient le chef des démons Belzebub. Matth., x, 25 ; Mare., iii, 22 ; Luc, xi, 15.

I » après les apocalypses, les démons sont les auteurs de tous les maux terrestres, en particulier des péchés, des maladies, de l’idolâtrie, du maléfice, de l’astrologie païenne. Hénoch éth., vii, 1 : i.xix, 4, G, 8 ; Jub., viii..’S ; x, 12 ; xi, 4 sq. ; xv, 31. LaMischna et lesTalmuds développent les mêmes doctrines, mais d’une façon encore plus superstitieuse. Voir Weber, op. cit., p. 251 sq. et Felten, op. cit., t. ii, p. 91-103.

Anthropologie.

1. Individualisme. — Comme

les idées sur Dieu et les esprits se sont notablement transformées dans le judaïsme, de même encore celles qui sont relatives à l’homme. l’n premier changement consiste en ce que, dans l’appréciation de sa valeur, la considération de l’individu passe au premier plan, tandis qu’auparavant l’homme est surtout considéré dans ses rapports avec le groupe social, dont il partage le bonheur ou le malheur. Dans l’ancienne religion Israélite, il ne s’agissait pas en premier lieu de la relation de l’individu avec Dieu, mais du peuple connue Ici. Jahvé avait élu Israël et conclu au Sinaï uno alliance avec lui dans le dessein de répandre par lui l’honneur de son nom, en le rendant heureux et puissant parmi tous les autres peuples en récompense de son fidèle service. En conséquence, les intérêts personnels de chaque Israélite étaient à l’arrière-plan et se perdaient au milieu des fins générales que Dieu poursuivait dans la nation. Sans doute les intérêts personnels étaient loin d’être exclus. Car, le caractère moral et intérieur de la religion Israélite consistant

dans L’obligation pour chacun d’observer les commandements divins et dans l’assurance que Dieu dans sa justice rend à chacun selon ses œuvres, il s’ensuivait que, dès le principe, l’individu avait une bonne part de responsabilité dans la question de son sort. Cependant, puisque Jahvé avait par l’alliance engagé son honneur à l’existence du peuple et non de l’individu, les anciens Israélites étaient trop souvent enclins à envisager leur salut comme dépendant principalement de celui de la nation et à compter pour la participation aux biens messianiques moins sur la sainteté individuelle que sur leur appartenance au peuple élu. Araos, v, 18.

Les prophètes préexiliens luttèrent contre cette conception que nous pouvons appeler solidariste, mais sans détacher entièrement le sort de l’individu de celui du peuple. Mais plus ils exigeaient de chacun l’union morale avec Dieu par l’observation des lois, plus ils annonçaient la ruine de la nation à cause de sa corruption croissante, plus aussi ils accentuaient la conception individualiste. Pour eux, Dieu n’a pas besoin du peuple entier : il se servira uniquement des bons, du « saint reste », Is., iv, 3 ; x, 20-22, pour réaliser ses projets de salut. A cause de son honneur, il doit même châtier et réprouver la nation comme telle par un jugement sévère. Finalement, en face de la ville détruite et du peuple déporté, Jérémie et Ézéchicl ont expressément et solennellement établi l’individualisme comme principe de la religion. En opposition avec les anciennes menaces, faites par Jahvé au Sinaï, de punir les péchés des pères en leurs fils jusqu’à la quatrième génération, Ex., xx, 5 ; xxxiv. 7 : Num., xiv, 18, ils enseignent que dorénavant les enfants n’expieront plus les crimes de leurs parents (on ne dira plus : « Les pères ont mangé des raisins verts, et les dents des fils ont été agacées » ) ; que chacun sera uniquement jugé pour ses propres fautes. Jer., xxxi, 29-30, Ez., xviii. C’est surtout Ézéchiel qui a inculqué systématiquement et par une casuistique détaillée, c. xviii, la doctrine de la rétribution individuelle comme émanant de la justice stricte de Dieu. Ainsi l’expérience de l’exil et l’enseignement du grand prophète exilien ont-ils donné au judaïsme la conviction que la valeur de l’Israélite ne dépend pas en premier lieu de sa naissance qui l’associe au peuple de Dieu, mais de sa perfection individuelle qu’il obtient par un attachement fidèle à Jahvé. Voir Karl Marti, Geschichte der isrælitischen Religion, Strasbourg, 1907, p. 171 sq., 274 sq. ; Max l.ôhr, Socialismus und Individualismus im Allen Testament, 1906 ; J. M. Powis Smith. The rise of individualisai among the Hebrews, dans The American Journal of theology, 1906, p. 251-266 ; Touzard, Revue biblique, 1918, p. 371 sq.

D’ailleurs cet individualisme n’était encore que relatif ; car, aussi longtemps qu’on croirait qu’au Schéol cessait toute distinction des mortels, que tous, justes et pécheurs, y étaient livrés au même triste sort, la valeur de l’individu serait considérée comme trop passagère pour évincer totalement celle qui découlait du privilège d’appartenir à la race élue. Seul le développement de l’eschatologie individuelle el transcendante mettrait en un plus vif relief la dignité et la responsabilité de chacun. Ne voit-on pas dans les Évangiles, les pharisiens compter encore sur leur qualité d’enfants d’Abraham ? Matth., iii, 9 ; Joa., viii, 33.

2. Universalisme.

L’évolution dont on vient de parler en a presque nécessairement entraîné une autre. De particularistes qu’elles étaient, les idées relatives à la destinée de l’homme ont tendu à revêtir une valeur universaliste. 1 >ès lors qu’un membre de la nation élue devient digne de s’approcher de Jahvé bien plus par