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JUDAÏSME, IDEES RELIGIEUSES


Martyre d’is., v, 14, contiendraient une troisième personnification, celle de l’Esprit de Dieu. Rien ne prouve cependant qu’à ces endroits il s’agisse d’une hypostase formelle ; l’Esprit de Dieu y est synonyme de Dieu ou de la Sagesse divine.

Il faut sans doute en dire autant des textes rabbiniques, où la gloire de Dieu, la Schechina, est mise en scène p. ex. Mischna, Pirke Aboth., iii, 2 ; Onkelos, Ex., xxxiii, 14 ; voir Lebreton, op. cit., p. 153-156.

Toute cette théologie des hypostases est extrêmement importante ; elle prépare la révélation plus complète de la Trinité, qui se fera dans le Nouveau Testament.

Angélologie.

Un élément saillant de la théologie

du judaïsme est la doctrine sur les esprits. Comparée avec les livres préexiliens, la littérature judaïque mentionne bien plus souvent les bons et les mauvais anges et développe les quelques idées, éparses à leur sujet dans les écrits anciens. Parmi les écrits canoniques, c’est surtout Daniel, Tobie et le deuxième livre des Macchabées, qui s’étendent sur ce point et il n’est presque pas de thème qui soit plus fécond dans la littérature extra-canonique. Seulement, tandis que dans la Bible, sous l’influence de l’inspiration, l’évolution des doctrines sur les esprits est normale et exempte d’exagération déréglée, elle est marquée dans les autres livres par la fantaisie la plus exubérante.

1. Les bons anges.

a) Comme avant l’exil, leur nom principal est celui de messagers, àyysXot, mel’ahim. Moins fréquemment ils sont nommés esprits. II Macch., iii, 24 ; Jubilés, ii, 2, Hénoch éth., xxxviilxxi, passim. Ils sont toujours envisagés comme des êtres incorporels, qui n’ont pas besoin de nourriture. Tob., xii, 19. Aux anges déchus Dieu dit dans Hénoch éth., xv, 6 sq. : « Vous étiez auparavant des esprits éternels… je n’ai pas créé de femmes pour vous. » Par leur intelligence les anges dépassent de beaucoup les hommes ; ils expliquent aux prophètes les choses mystérieuses et célestes, Zach., i. 9 : ii, 3… ; Dan., viii, 15 sq ; ix, 21… ; Hén. éth., xix, 1 sq. ; xxvii, 2sq… ; Jub., i, 27 ; il, 1 sq…. ; IV Esdr.. iv, 1 sq. ; v, 31 sq… N’ayant pas de corps, ils sont invisibles. Tob., xii, 12-19 ; Quand ils apparaissent, ils prennent un corps d’emprunt. Tob., v, 5 ; II Macch.. iii, 25 : xi, 8 ; IV Macch., iv, 10.

Les anges sont créés par Dieu comme les hommes. Les livres canoniques ne le disent pas expressément. D’après Job, xxxviii, 7, les fils de Dieu = les anges ont regardé avec admiration, comment Dieu fixa les frontières entre la terre solide et la mer, ils ont donc existé avant la formation de la terre. D’après Jub., ii, 2, ils furent appelés à l’existence le premier jour de la création. Les rabbins les supposent créés le second jour. Targum de Jérusal., Gen., i, 26, Midrasch, Bereschit Rabba, n sq.

Les anges forment « l’armée » de Dieu, Zach., i, 3 sq. ; Mal., i, 4 sq. ; ils sont innombrables, Hénoch éth., xl, 1 ; lxxi, 9 ; IV Esdr., vi, 3 ; Apoc. Bar., xxi, 16 ; xlviii, 10 ; « des milliers de milliers le servent et dix milliers de centaines de milliers assistent devant lui. > Dan., vii, 10.

L’armée des anges est divisée en plusieurs ordres. Les premiers de cette hiérarchie sont sept archanges « qui se trouvent devant le Seigneur. » Tob., xii, 12-15 ; Hénoch éth., xx, 1 sq. ; lxxxi, 5 ; xc, 21 sq. Les livres canoniques en nomment trois par leur nom : Michel, « un des premiers princes, a qui est l’ange gardien du peuple juif, Dan., x. 13, 21 ; xii, 1, Raphaël, l’ange de la guérison, Tob., xii, 15, Gabriel qui est déjà dans le livre de Daniel, viii, 16 ; ix, 21, celui qui apporte de bonnes nouvelles et qui explique les révélations divines. Outre les sept archanges, les mêmes livres distinguent encore deux autres groupes : les séraphins, mentionnés

seulement dans la vision d’Isaïe, vi, 5 sq., comme gardiens du trône de Jahvé, les chérubins que la Genèse, ni, 24 aomme comme serviteurs de Dieu et qu’Ézéchiel, i, x, aperçoit au nombre de quatre aux quatre roues du char de Jahvé.

Ces quelques données bibliques sur le nombre et les ordres des anges sont richement développés dan la littérature apocryphe et rabbinique. On y trouve p. ex. le nom d’autres archanges : Uriel surtout, Hénoch éth., xx, 2 ; xxxiii, 3 ; lxxii, 1 ; IV Esdr., iv, 1 ; v, 20 ; x, 28, auquel Phanuel, cité dans Hénoch éth., xxxvii-lxxi, p. ex., xl, 9, semble être identique. A côté des séraphins et chérubins, le livre d’Hénoch mentionne encore trois autres classes, les ophanim, les anges de la puissance et les dominations, Hénoch éth., lxi, 10, dont les deux dernières rappellent les classes d’anges, énumérées par saint Paul : principautés, vertus, puissances et dominations, Eph., i, 21 ; Col., i, 16. Le livre slave d’Hénoch, xx, nomme dix ordres d’anges et en énumère neuf : archanges, vertus dominations, principautés, puissances, chérubins, séraphins, trônes et ophanim. Le Talmud distingue également dix ordres. Voir Weber, op. cit., p. 168.

Le rôle des anges est double. D’abord ils sont les serviteurs de Dieu. Ils forment la cour royale eu Très-Haut, l’adorent, le louent et accomplissent ses ordres. Dan., iii, 58 ; vii, 10 ; Hénoch éth., xxxix, 12 ; Jub., ii, 3 ; xxxi, 14. Mais ils sont aussi les bienfaiteurs des hommes. Ils prient pour eux, Zach., i, 12 ; Hénoch éth., xxxix, 5, et offrent à Dieu les prières de leurs protégés. Tob., xii, 12. Ils sont envoyés du ciel pour aider les hommes, Tobie, v sq. ; II Macch., xi, 6 ; xv, 23, et pour se tenir comme gardiens à leur côté. Ps., xc, 11 ; Judith, xiii, 20, Tobie. Dans les apocryphes, la doctrine des anges gardiens est très développée. Le livre des Jubilés, xxxv, 17, en suppose un pour Jacob et Esaû ; Hénoch éth., c, 5, les accorde à tous les justes. D’après Dan., x, 13, 20, 21 ; xii, 1, les nations et les pays ont aussi leur ange spécial. Les apocryphes ont même préposé des anges aux diverses parties et forces de la nature, à la mer, à la neige, aux quatre saisons, Hénoch éth., i.x, 16 sq. ; lxxxii, au feu, aux vents, Jub., ii, 2 ; ce sont des anges qui mettent les astres en mouvement, Hénoch éth., lxxx, 1 : voir Hackspill, L’angélologie juive à l’époque néotestamentaire, dans Revue biblique, 1902, p. 527-550 ; Felten, op. cit.. t. ii, p. 70-91.

2. Les mauvais anges.

En opposition avec le anges célestes se trouvent les démons. Leur existence déjà attestée pour l’époque préexilienne d’abord par le récit de la chute de l’homme, car le serpent qui séduit l’homme « n’est qu’un prête-nom ou un porteparole, il s’agit d’un être très habile, ennemi du bonheur de l’homme, » Lagrange, L’innocence et te péché, dans Revue biblique, 1897, p. 341-379 ; p. 350. Elle est ensuite enseignée par le livre de Job, i, où le Satan apparaît comme l’adversaire de Dieu et l’ennemi des hommes. Les livres canoniques du judaïsme complètent ces anciennes données. Le prophète Zacharie, m, 1-2, met le diable en scène comme ennemi et accusateur du grand prêtre Josué. Le Chroniqueur,

I Par., xxi, 1, attribue à Satan le rôle de conseiller mauvais à l’égard de David « Satan, dit-il, se leva contre Israël, et poussa David, » tandis que d’après

II Reg., xxiv, 1 « la fureur de Jahvé poussa David à compter le peuple. » Dans Sap., ii, 24, il est dit expressément que c’est le diable qui a séduit le premier homme ; car c’est par sa jalousie que la mort est entrée dans le monde.

De même que le livre de Tobie présente l’archange Raphaël, il fait aussi paraître un démon impur, Asmodée, qui, épris de Sara, a tué les sept maris jusqu’à ce qu’il soit dompté par l’intervention de