Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 8.2.djvu/101

Cette page n’a pas encore été corrigée
1611
1612
JUDAÏSME, institutions


et plus tard àTibériade de nouvelles écoles pour l’étude

de la Loi, et a composer plus tard comme fruits de leurs recherches séculaires l’immense littérature rabbi nique.

L’estime dont les scribes jouissaient chez leurs coreligionnaires s’exprimait dans les titres honorifiques qui leur furent donnés. A l’époque de Jésus-Christ et peut-être un peu auparavant, on les appelait rabbi ou rabboni = Monseigneur, mon maître. Matth., xxiii, 7 ; Mare., x. 51. La Mischna prescrivait aux disciples des rabbins de les honorer plus que leurs parents et de les estimer presque comme Dieu. Mischna. Kerithoth, xi, 9, Pirke Aboth, iv, 12.

Les plus célèbres docteurs de la Loi furent Hillel et Schammai, un peu plus âgés que le Christ, Gamaliel, le maître de saint Paul, Rabbi Akiba, Rabbi Meïr et Rabbi Juda ha-Nasi, rédacteurs de la Mischna.

2. Leur œuvre. — a) Pur rapport à la Loi — Toute l’activité des scribes tournait autour de la Thora : la connaître et l’observer, la faire connaître et la faire observer était leur principale préoccupation. Dans ce but ils fournissaient un triple travail.

u. Ils développaient la Loi. — Puisqu’elle se composait de beaucoup de prescriptions générales et présentait en lace des circonstances nouvelles bien des lacunes, il fallait pour en réaliser la stricte observation, la spécialiser et la compléter. C’est pourquoi les docteurs de la Loi élaboraient une casuistique très minutieuse, en l’étendant à tous les points que l’ancienne législation n’avait pas prévus. Ils créèrent ainsi à côté de la Thora un droit coutumier, nommé Halacha. Dans l’intention primitive des scribes, ce droit traditionnel devait former une haie protectrice autour de la Loi, la préserver de toute altération et en garantir la parfaite observation. Mais en réalité il en était la transformation et même en bien des endroits le remaniement arbitraire. Rien qu’en effet le suprême principe des scribes fût de donner à chaque décision une base scripturaire par un passage de la Thora. ils savaient par une exégèse subtile et despotique déduire du texte sacré tout ce qu’ils voulaient. La Halacha fut d’abord regardée comme inférieure à la Thora et longtemps on ne la fixa pas par écrit pour en marquer le caractère secondaire. Mais plus tard on la rai lâcha également à Moïse par une série ininterrompue d’intermédiaires qui auraient gardé les communications orales du premier législateur, de sorte que la Thora orale fut mise sur le même plan que la Thora écrite, Mischna, Pirke Aboth, ni, 11 ; v, 8. Finalement, par un comble d’audace, les rabbins placèrent la Halacha au-dessus de la Thora : on était plus coupable en méprisant les paroles de la Halacha qu’en n’observant pas la Thora, Mischna, Sanhédrin, xi, 3.

2. Ils enseignaient lu Loi.

Les scribes étaient des vop.o818âoxaXoi. Matth., xxii, 35. Ils voulaient répandre le plus possible la connaissance exacte de la Loi ; gagner beaucoup d’élèves » était le mot d’ordre des grands scribes. Mischnu, Pirke Aboth, i, 1 ; ils s’entouraient de nombreux jeunes gens studieux et formaient ainsi de hautes écoles de la Loi. Dans le même but ils dirigeaient l’office synagogal et se firent les conseillers de la foule.

{. Ils jugeaient <m nom de la Loi. — Parce qu’ils

Connaissaient le mieux les lois, les scribes devinrent nécessairement aussi des juges. Dans le judaïsme, quiconque y était appelé par la confiance de ses concitoyens pouvait exercer les fonctions de juge. Mais, puisque cette confiance était d’autant plus grande que hcandidat étail plus versé dans l’élude de la Thora, les scribes furent ainsi tous désignés pour rendre la justice. Ils forent surtout les assesseurs du tribunal suprême, le sanhédrin. Ad., v, 34 sq.

b) Pur rapport ù V exégèse et à la théologie. Les

scribes, tout en étant en premier lieu des juristes, étaient aussi des théologiens et s’intéressaient également au contenu historique et dogmatique du Pentateuque ainsi que des autres livres bibliques. Ils l’ont également soumis à une étude détaillée. Mais si leur exégèse était déjà pour la Loi une amplification autant et plus qu’une explication, elle l’est encore davantage pour les parties dogmatiques et historiques de la Rible. Au sujet des prescriptions mosaïques, ils se croyaient liés à la lettre et s’efforçaient de la garder au moins extérieurement par des ruses et des finesses exégétiques. Par contre, en face de la doctrine et de l’histoire, ils se sentaient tout à fait libres. Les cas sont assez rares où des docteurs déduisaient de nouvelles doctrines au moyen de conclusions logiques. Le plus souvent ils prenaient les récits et les enseignements bibliques uniquement comme un point de départ auquel ils rattachaient les contes les plus fantastiques et les spéculations les plus aventureuses. L’ensemble de ces productions fut appelé Haggadu. La Haggada dans le domaine historique a surtout trait aux patriarches, à Moïse et aux prophètes ; dans le domaine dogmatique, elle porte principalement sur l’avenir messianique et sur l’autre monde.

La Haggada n’est pas seulement conservée comme la Halacha dans la littérature rabbinique proprement dite, mais dans la plupart des apocryphes et même dans les écrits historiques et spéculatifs des Juifs hellénistes. Tandis que la Halacha est exclusivement l’œuvre des scribes palestiniens, la Haggada est autant l’œuvre des docteurs de la Diaspora.

c) Par rapport au texte de la Loi et au canon biblique.

— C’est aux scribes que remontent enfin deux autres entreprises : l’établissement du canon et la fixation du texte massorétique. La seconde œuvre n’appartient plus à notre époque, sauf tout au plus les premiers commencements. La formation du canon par contre est l’œuvre des rabbins du premier siècle de notre ère. Le recueil des livres saints s’était formé successivement à mesure qu’ils furent composés. La Rible des Septante prouve que primitivement les Juifs ont reconnu aussi comme divins les livres que nous appelons deutérocanoniques, car il n’est pas vraisemblable que la pratique des Juifs helléniques ait différé pour une matière aussi importante de celle de leurs frères palestiniens. Plus tard ces derniers ou plutôt leurs scribes ont dressé le canon étroit des vingt-quatre livres que nous rencontrons pour la première fois chez Flavius Josèphe, Contravpion., i, 8, à la fin du premier siècle après J.-C. Ils ont discuté surtout au synode de Jabné (90 après J.-C), la canonicité même de plusieurs livres protocanoniques, savoir les Proverbes, Ézéchiel, le Cantique, l’Ecclésiasle et Bsther, Mischna, Edujoth, v.."> ; Jadajim, iii, 5 ; Talmud Bub.. Met/Mu 7 (I. Ils appliquaient des principes tout à fait étroits : tous les livres devaient être rigoureusement conformes à la Thora, anciens, écrits en Palestine et en langue hébraïque. Ces mêmes principes au nom desquels quelques scribes mettaient en doute le caractère divin de quelques écrits protocanoniques, les ont sans doute conduits à exclure tous les deutérocanoniques. Cette exclusion fut dictée par le même esprit étroit du rabbinisme qui a causé le rejet de la Bible des Septante. Voir l’ôrtner. Die Autoritôt der deuterokanonischen Bûcher nachgewiesen mis den Anschauungen des palàslinensischen und hellenistisehen Judentums, Munster-en-W., 18(t, i : Van Kasteren, Le canon juif vers le commencement de notre ère, dans Revue biblique, 1896, p. 408-415, -17$1-$20 1.

Les vingt-quatre livres que les scribes ont conservés fuient regardés connue tout à fait divins : en premier lieu la Thora qu’on supposai ! dictée par.lahvé à Moïse. Mischnu. Sanhédrin, x. 1. el même remise à Moïse en volume achevé, Talmud. (iittin, (H) a, mais