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JÉSUS-CHHRIST ET LA CRITIQUE LIBÉRALE

° Le protestantisme libéral. - Nous avons indiqué le sens général de la thèse libérale chez les protestants : .lésu-- n’est qu’un homme, et cependant dans sa conscience personnelle, il y a quelque chose de surhumain ; dam ses prétentions, quelque chose d’extraordinaire.

1. Cette thèse perce déjà dans les faibles ripostes adressées aux négations absolues de Reimarus par .’.-J. Hess. Geschichte eter elrei lelzten Lebensjahre Jesu, 3 vol., Leipzig, 7° édit., 1822 ; par Franz Volkmar 1 teinhaid, Versæh ùber den Plan welchen der Slifter eler Christlichen Religion zum Btsttn der Menschen entwarf, V édit., Dresde 1830 ; par J.-A. Jakobi, Dit Geschichte Jesu fur denkende und gemùlhvolle léser, 1806 ; et surtout J.-G. Herder, dans ses deux descriptions du Christ si dissemblables l’une de l’autre, la premièie élaborée d’après les synoptiques, <>m Erlôser der Menschen nach unsertr drei erslen Evangelien, Riga, 1796 ; la seconde, d’après saint Jean, om Gotles Snlui. der Weli Deiland, nach Joannes Evangtlium, Riga, 1797. A mesure que le rationalisme s’affirme dans l’exégèse et la théologie d’outre-Rhin, le libéralisme se fpit de plus en plus éclectique et devient de moins en moins croyant. Parfois on le peut à peine distinguer du pur rationalisme. Cependant la thèse fondamentale de la transcendance de Jésus subsiste, encore qu’on l’enveloppe de formules naturalistes. Dans la longue théorie des auteurs présentés par M. Fillion, dans Les étapes du rationalisme, nous détacherons quelques figures, plus représentatives de ce mouvement d’abandon croissant des positions traditionnelles. — Karl Hase adopte souvent la thèse nettement rationaliste, et cependant il veut faire un choix. Ln ce qui concerne le Messie, sa doctrine est, par rapport aux prédécesseurs, assez nouvelle : de l’ignorance et des préjugés qu’il partagea d’abord avec ses concitoyens sur le rôle du Messie, Jésus passa progressivement à la conscience de sa mission toute spirituelle. Saint Jean, seul parmi les disciples, a bien saisi l’enseignement du Maître dans la dernière péi iode de sa vie ; les préoccupations eschatologiques qui transparaissent dans les synoptiques, sont totalemenl absent., s de son évangile. Das I.eben Jesu. tunâchsl lui akademische Studien, 5e édit., Leipzig, 1865, devenue Geschichte Jesu nach akademischen Vorlesungtn, Leipzig, 1891. L’idée dv ce piogrès dans la conscience messianique du Christ sera reprise par J. H. Holtzmann et’1 h. Keim. Voir plus loin. - Avec Schleiermacher, nous trouvons, appliquée à Jésus. la théologie du sentiment : cet auteur se l’orme un Christ idéal et pour le retrouver dans l’Évangile, il ne relient des textes que ceux qui cadrent avec son idée préconçue. D’ailleurs, son Christ n’est pas Dieu ; il a été simplement uni à Dieu d’une manière extraordinaire, cette union ne différant que par le degré de l’union que l’Esprit Saint produit chez les autres fidèles. « Le problème [du Christ) n’a pas été résolu et la solution |en] est seulement approximative », écrit-il. J)eis I.eben Jesu, X’orlesunycn (publiées par Rtlterlck), Berlin, 1864. — Parmi les réfutations de la Vit de Jésus de Strauss, imbues de l’esprit libéral, il faut citer la vie de Jésus composée par A.-’W. Néander, Das Lebtn Jesu, 7e édit., Hambourg, 1873 ; ti. fr. Paris, 1852. Jésus est encore appelé le fils de Dieu, mais o en ce sens que l’humanité s’est parfaitement i éalisée en lui ». — Avec Henri Auguste Ewald apparaît, dans la théologie libérale protestante, érigé en principe, l’éclectisme auquel elle étail fatalement vouée par ses concessions au rationalisme Pour Ewald, « jamais Jésus ne s’est égalé léméi ahcinent au Lue, de soi te que le traiter comme Dieu, c’est faire de lui une idole, c’est consentir à perdre ce qu’il y a di meilleur et de plus histoi Iqne dans sa vie ; d’autre i ii. Jésus est i une apparition unique en son genre

et incommensiuablement sublime ». Dit Geschichte Christus und seiner Zeil, Gœttingue, 2e édit., 1868, t. i, p. xji, 129. Cf. Die drei erslen Evangelien ùbersetzl und erklàrt, Gœttingue, 1850 : Des Aposlels Johannes Evangtlium und drei Sendschreiben, Gœttingue, 1861.

Lorsque la Vie de Jésus de Renan parut, elle suscita, même parmi les protestants, des répliques. Le Jésus-Christ, son temps, sa vie, son œuvre de M. de Pressensé, Paris, 1865, est à la Vie de Jésus de Renan, ce nue la Vit de Jésus-Christ de Xéander est à la Vil ele Jésus de Stiauss. Le Christ de Piessensé, dit Hase, plane entre teirc et ciel. Surnaturel quant à son origine, humain dans son développement, c’est un Dieu qui s’est décidé à lutter, à éprouver, des besoins, a souffrir pendant trente-trois ans, pour ressusciter comme Dieu après sa mort, dans un corps humain. Geschichte Jesu, 2e édit., p. 200. — C’est à peine si l’on peut ranger parmi les libéraux, accordant quelque transcendance au Chiist. Schenkel, qui n’admet la divinité du Chiist que parce qu’il n’en parle pas. Das Charakterbild Jesu, ein biblischer Versuch, Wiesbaden. 1’édit., 1873 ; cf. Zur Orientirung ùber meine Schrift…, Ileidelberg, 1861 et Die protestant ische Freiheit, Heidelberg, 1865 ; Das Christusbild der Aposlel und apostolischen Zeil. aus den Quellen dargestellt, Leipzig, 1879 ; ou encore Seeley, qui affecte de ne parler que du Christ -homme, Ecce homo, a Surveu of the Lift and Work of Jésus Christ, Londres, 1866.

Th. Keim est encore un parlait spécimen de l’éclectisme libéral, mais avec une tendance très nette vers le rationalisme : d’un côté il ne veut pas dépasser les limites de la nature ; d’un autre, il est obligé de reconnaître que son héros, Jésus, va bien au delà de ces limites. 11 s’attache surtout à décrire le développement intérieur de Jésus, sa conscience messianique grandissant sous l’impression du succès comme sous celle de l’épi cuve cl de la contradiction. Voir surtout Geschichte Jesu van Nazara, 3 vol., Zurich. 1867-1872. — Beyschlag se) attache tant soit peu à l’école de Schleiermacher. Dans soii opuscule Ueber das Leben Jesu non Renan, Berlin, 1864, il paraît nettement rationaliste, mais sa pensée se modifie dans sa Christologie des Xcuen Testaments, Beilin, 1866, et surtout dans les deux volumes : Bas Leben Jesu, 4e édit.. Berlin, 1901. Beyschlag nie la préexistence éternelle du Logos ; le Sauveur est subordonné à Lieu le Père et cependant il faut reconnaître qu’aucun des écrivains du Nouveau Testament n’assimile Jésus aux créatures. — M. B. WeiSS a des prétentions a l’orthodoxie ; mais il ne croit pas strictement à la divinité du Christ : « les tentatives pour introduire dans le titre de Fils de Dieu… l’idée dogmatique d’une génération divine… sont simplement non fondées en histoire. » Lchrbuch dei biblisehtn Thtologit des y. T.. 7° édit., Leipzig, 1907, p. 61. Toutefois « la disposition moi aie de la filialité divine en Jésus doit avoir son fondement premier dans une relation oiiginelle que ci ée l’amour du Dieu Père à son égard. Id.. p. 61, note 3. M. Fairbairn, dans son étude érudite sur 771c Place of Christ in modtrn Thtology, 10e édit.. Londres, 1902. déclare de MM. Beyschlag et Bernhard Weiss que > tout en prenant des libertés a l’égard de la littérature (évangélique), ils regardent néanmoins Jésus comme appartenant, par le choit imprescriptible de son être Intérieur ou de son caractère, a un ordre qui dépasse celui de la nature », p. 285. Mais ils nient sa divinité !

On trouve encore des affirmations analogues chez M. Ilawiack pour qui Jésus est convaincu et conscient de sa haute mission, connaissant sa vocal ion, se sachant l’Élu de Dieu, le juge des hommes, le chemin qui conduit au Père : Qui accepte l’Évangile et s’efforce de connaître Celui qui l’a apporté, témoignera qu’ici le Divin est apparu, aussi pur qu’il peut apparaître