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JÉS1 S-CHRIST ET LA THÉOLOGIE. PASSIH1LITÉ Dl CHRIST 1328

infuse, et rapportent la liberté, nécessaire au mérite, à cette deuxième charité. C’est l’opinion de D. Soto, De natura et gratia, t. III, c. vii, de Suarez, De incarnatione, disp. XXXIX, sect. m. et on peut en rapprocher l’opinion de Tolet qui dans son commentaire ht Sum. S. Thomæ, III 3, q. xix, a. 3, concl. 3, admet que le Christ a mérité par la charité de l’état de voie et non par celle de l’étal de terme. D’autres, ne reconnaissant en Jésus qu’une charité, distinguent deux actes réglés l’un et l’autre par la vision Intuitive, mais le premier est nécessaire, parce qu’il se rapporte aux biens intrinsèques à la divinité, le second reste libre, parce qu’il se rapporte aux biens extrinsèques que procurent les créatures à Dieu, gloire, honneur, louange, obéissance, etc. On trouve cette explication chez Grégoire de Valencia, In IID™ p. Sum. S. Thoma-, q. xix, punct.2 et chezde Lugo, De incarnalione, disp. XXVII, sect. i, n. 4. La plupart des thomistes adoptent soit l’une soit l’autre des explications données plus haut à la liberté du Christ en face du précepte de mourir. Xombre de molinisles sont également, sur ce point, fidèles à la logique des principes posés par eux à cette occasion.

II. LES DÉFAUTS ET FAIBLESSES DE LA SATURE HUAI AI. E COMPATIBLES AVEC L’UNION HY POSTA-TIQUE. — 1° Principe théologique dominant le problème. — L’union hypostatique apporte nécessairement à l’humanité du Christ une incomparable perfection de science et de sainteté. Un en conclut que l’humanité de Jésus ne pourra revêtir les défauts et les faiblesses qui seraient incompatibles avec cette plénitude de science et de sainteté. C’est à la lumière de ce principe que nous devons analyser la compatibilité ou l’incompatibilité des dits défauts. Or, on peut ramener les défauts de la nature humaine à trois catégories.

1. Certains défauts n’appartiennent pas nécessairement à la nature humaine comme telle, mais ils surviennent accidentellement à tel ou tel individu, en raison d’une cause particulière à cet individu, faute personnelle, hérédité, maladie, vice de conformation congénital, etc. Le Christ, à coup sûr, n’a pu être assujetti à des défauts de ce genre qui impliqueraient une certaine infériorité personnelle, incompatible avec la dignité du.Messie. On ne voit pas d’ailleurs pour quel motif le Christ y eût été assujetti.

2. Certains défauts appartiennent à la nature humaine comme telle et lui sont, après la chute d’Adam, pour ainsi dire inhérents. En principe, Noire-Seigneur qui est venu sauver, sans acception de personne, tous ceux qui possèdent la nature humaine, devait se soumettre à ces défauts. Toutefois, il n’a pu s’assujettir à ceux qui répugnent à la science et à la sainteté parfaite : il n’a donc pu ni être sujet à l’ignorance, ni éprouver la difficulté à faire le bien, ni ressentir les atteintes de la concupiscence.

3. Restent donc, parmi les défauts inhérents à la natuie humaine, ceux qui se rapportent à la possibilité de souffrir et de mourir : la faim, la soif, la fatigue la douleur, la tristesse, l’angoisse, la crainte, etc. Nous avons vu que l’évangile attribue à Jésus-Christ tous ces sentiments, toutes ces liassions. Voir col. Il 16. Ce sont, dit saini Jean Damascène « toutes les passions naturelles à l’homme et nullement répréhensibles i, qu’il fuit attribuer au Christ, rcàvra -i cpuaixà y.’/X àoVapXy ; t « 7r<£8ï] tou 7.v<) : (’, >-’, -.. De /i<le orthod., t. III, c. xx, P.’L, t. m iv, col. 1071. Saint Thomas, résumant la penser des pries indique trois raisons de convenance en faveur de l’existence de ces défauts naturels en Jésus-Christ : il fallait que Jésus pût satisfaire (en souffrant) pour le genre humain : qu’il manifestât plus parfaitement la vérité de l’incarnation ; qu’il fût enfin pour nous un modèle dans la façon de les

supporter. Sumtheol., III’. q. xiv, a. l, cf. In IV Sent., t. III, dist. V, q. i, a. 1 ; dist. XXII, q. ii, a. l, qu. 1 ; C. Génies, 1. 1V, c.lv ; Compendium theologia-, c. ccxxvi. On peut encore ajouter une quatrième raison, indiquée par Heb., ii, 17 : clebuit per onviia /ratribus assimilari, ut misericors fieret et fidelis pontifex ; connaissant mieux nos infirmités, Jésus y pouvait compatir plus miséricordieusement. Et, par là, nous retombons dans l’argument général des convenances de l’incarnation. Voir Incarnation, t. vu. col. 1469-1470. Bien plus, le Sauveur a dû prendre ces défauts naturels nécessairement, c’est-à-dire non par suite d’une contrainte extérieure, mais parce que ces défauts étant inhérents à la nature humaine comme telle, il était nécessaire, d’une nécessité de nature, que le Christ les prît en prenant la nature elle-même. Cf. Sum. theol., III a, q. xiv, a. 2. En fait, le Christ a subi des contraintes extérieures, mais il les a subies parce qu’il le voulait délibérément et de sa volonté divine et de sa volonté humaine, éclairée par la raison et la science surnaturelle des desseins de Dieu. Id., ibid. Toutefois, il faut encore affirmer que le Christ a pris ces défauts sans, à proprement parler, les contracter. Il les eût contractés, s’il avait été pécheur comme les autres hommes, lesquels sont soumis à ces faiblesses physiques, à raison du péché. De Jésus-Christ, on ne peut affirmer qu’il ait « contracté » les suites du péché : prenant la nature humaine sans le péché, il aurait pu la prendre dans la pureté même qu’elle avait dans l’état d’innocence, il aurait pu la prendre sans les défauts, que corrigeait précisément l’état de justice originelle. Si ces défauts se trouvent en lui, c’est qu’il les a, non contractés, mais « volontairement pris ». Ibid., a. 3. C’est ce que les théologiens expriment en disant de ces défauts qu’ils étaient, en Jésus-Christ, à la fois nécessaires et volontaires. Suarez, De incarnatione, disp. XXXII, sect. m.

2° Première conclusion relative au corps « passible » du Christ. — Le corps de Jésus a souffert, non parce que Jésus, par un miracle, a voulu que son corps, incorruptible par nature, subît néanmoins en fait la souffrance et la mort, mais parce que ce corps est naturellement passible. Voir Gaianite (Controverse), t. vi, col. 1102 sq. et, au sujet des aphtartodocètes, .Monophysites. Sur la controverse soulevée au xiie siècle, entre Philippe de Harveng et le moine Jean, voir aussi Hulaire (saint), t. vi. col. 2139 sq. La i passibilité t du corps du Christ, est un dogme défini, voir col. 1263 sq. I.a théologie se contente ici de démontrer qu’il n’y a pas contradiction à ce qu’une âme glorifiée soit unie substantiellement à un corps passible. C’est le cas de NotreSeigneur qui ne fut « compréhenseur » que quant à une partie de son âme, voir col. 1273 sq. Ce n’est pas, en effet, en tant que forme du corps que l’âme est glorifiée. Et c’est pourquoi, lorsqu’on affirme qu’il y aura, chez les élus après le résurrection, rejaillissement (redundantià) de la gloire de l’âme sur le corps, on ne saurait concevoir ce rejaillissement comme le résultai d’une loi physique et nécessaire de la nature humaine. I.a grâce sanctifiante qui, dès celle vie, existe en l’âme comme principe de la gloire future et est inhérenfe à son essence, n’a aucun rejaillissement sur le corps et ne l’affecte en rien physiquement. Donc, la gloire elle-même de l’âme ne rejaillit sur le corps de l’élu ressuscité en vertu d’aucune loi physique et nécessaire, mais simplement parce qu’il est foui à lait convenable et conforme à l’étal de béatitude que la condition du corps suive celui de l’âme ef y participe. C’est une nécessité » connaturelle ».

Donc, qu’une.’une glorifiée ail élé. en Jésus, unie à un corps naturellement passible cela ne constitue pas en soi. et à proprement parler, un étal strictement