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1317 JÉSUS-CHRIST ET LA THÉOLOGIE. PUISSANCE Dl CHRIST L318

De Verbo incarnate th. xxii, s J : Salmanticenses, disp. XX 111. (luh. vu.

$) Puissance instrumentale du Christ relative à la production de la aràce. - Ce nouvel objet de la puissance instrumentale conféré à rame du Christ ne saurait être mis en doide. Noir plus haut. Il suffit, ici encore, d’en déterminer l’extension. Or, il est de foi, que les hommes, même depuis le commencement du monde, n’ont pu être sauvés que par la grâce de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Et ce n’est pas assez dire que le Sauveur a été cause de la grâce qui nous sauva, parce qu’il l’a méritée pour nous, parce qu’il s’est olïert en sacrifice expiatoire de nos fautes, en un mot, parce qu’ils nous a rachetés, il est également nécessaire d’affirmer qu’il est la cause de notre grâce, parce qu’il l’a produite effectivement en notre âme, non certes comme cause eiliciente principale, mais comme cause efficiente instrumentale. Toutefois, il est nécessaire d’introduire ici une distinction entre les hommes qui ont vécu avant et ceux qui ont vécu après la venue du Sauveur. L’humanité de Jésus-Christ, à l’égard de la grâce conférée aux premiers en vue des mérites du Sauveur à venir, n’a pu agir que par mode de mérite, c’est-à-dire moralement. C’est uniquement à l’égard de la grâce conférée aux seconds qu’elle a pu agir comme cause efficiente instrumentale. Il serait difficile, sur ce point, de soutenir l’opinion singulière que 15. Médina, sans oser la proposer absolument, déclare cependant non dénuée de probabilité, et qui attribue à l’humanité du Christ, à l’égard des effets surnaturels qui ont précédé, dans le monde, la venue du Sauveur, une véritable causalité eiliciente. Cf. Médina, In III xiii p. Sum. S. Thomæ q, xiii, a. 1. Elle se heurte, en effet, à l’évidence du principe formulé par saint Thomas : Causa e/ficiens non potest esse poslerior in esse ordine durationis, sicut causa finalis. Sum. theol., III’, q lxii, a. G. Xous affirmons donc simplement que toute justification de l’âme, se produisant ex opère operato ou ex opère operantis, non seulement au temps où vivait Xotre-Seigneur, mais encore postérieurement et jusqu’à la fin du monde, a pour cause efficiente instrumentale l’humanité de Jésus. Et, en dehors de toute controverse d’école, un argument d’ordre dogmatique suffit à démontrer la vérité de cette assertion : « La grâce de la justification ne nous arrive que par les sacrements reçus en réalité ou en désir… Par là, il est clair que la grâce nous est conférée non seulement en vue des mérites du Christ (comme elle l’était aux justes de l’Ancien Testament), mais encore par le Christ lui-même souffrant pour nous, c’est-à-dire par ses ministres et par les moyens institués par lui pour nous appliquer les fruits de la rédemption. Et cette ellicacité de la passion du Christ est bien marquée par le sang et l’eau qui s’échappèrent de son côté entr’ouvert. » Billot, De Verbo incarnalo, th. l. Sans doute, eu égard à la puissance absolue de Dieu, il aurait pu se faire que le Christ comme homme nous eût simplement mérité la grâce, Dieu se réscivant de nous la communiquer par lui-même, en dehors de tout ministère de l’humanité prise par le Verbe. Mais une telle disposition eût été contraire au bon ordre : car l’humanité, devenue l’organe de la divinité, doit participer à la distribution des biens spirituels qu’elles nous a mérités. De même que dans le Christ souffrant nous trouvons la source du mérite, de même de lui doit découler toute dispensation, toute production des grâces qu’il nous a méritées en souffrant poui nous. En résumé, l’humanité du Christ est cause méritoire et satisfactoire principale de la grâce, soit dans l’Ancien, soit dans le Nouveau Testament ; mais à l’égard de ceux qui sont venus après l’incarnation, elle est, en plus, cause efficiente instrumentale de cette

même grâce. Cf. s. Thomas, III q. ci. iii, a. 6, ad 3um.

e. Nature de la puissance instrumentale de l’humanité du Christ. tous les théologiens s’accoident sur

l’existence et l’objet de la puissance Instrumentale de l’humanité du Christ : les divergences s’affirment relativement à la nature de cette puissance instrumentale. Xous noierons brièvement et par ordre les différentes opinions, le problème devant être repris sous une autre forme et plus complètement à propos de la causalité des sacrements.

Tout le monde est d’accord pour al trlbuer à l’humanité du Christ une causalité morale de m élite par rapport aux miracles et à la grâce. Et l’on peut affirmer que cette causalité est une causalité principale. La controverse concerne la causalité eiliciente instrumentale.

a) Causalité morale. « La causalité efficiente morale réside en ce que, posée une certaine chose, une volonté différente (soit formellement soit virtuellement ) est mue pour produire un certain effet. L’humanité du Christ opérait donc moralement les miracles, si à cause des contacts, des paroles, de la simple volonté humaine du Christ, la puissance divine se manifestait infailliblement pour produire ce que le Christ, comme homme, avait décidé. » Pesch, De Verbo incarnato, n. 348. C’est la théorie de la causalité morale des sacrements appliquée à l’humanité de Jésus-Christ. En faveur de cette opinion, on cite parmi les anciens théologiens Albert le Grand, Alexandre de Halès, Summa, III a, q. iii, memb. 3, a. 3 ; saint Bonaventure (au moins pour la grâce), In IV Sent., t. III, dist. XIII, a. 2, q. m ; Duns Scot, In IV Sent., t. IV, dist. I, q. i et iv ; Durand de Saint-Pouiçain, In IV sent., I. III, dist. XIV, q. v, a. 2 ; parmi les auteurs plus récents, Vasquez, In 1 1 I xiii p. sum. S. Thomas, disp. LI, c. v ; in D m p. disp. CLXXVI, c. m ; Becanus, De incarnalione, c. x, q. îx, et bon nombre de théologiens de la Compagnie de Jésus : recenliores communissime, écrit avec quelque exagération Platel, De incarnalione, n. 259. On trouvera un bon exposé de l’opinion dans Pesch, De Verbo incarnato, n. 148, qui l’adopte, et dans Stentiup, th. lxxxv, qui la considère, au point de vue philosophique, comme plus probable. Les partisans de cette opinion s’appuient : sur l’Écriture qui représente Notre-Seigneur, au moment d’opérer un miracle, comme demandant à son Père d’exaucer sa prière, Joa., xi, 41-42 ; — sur les Pères qui n’attribuent à l’humanité de Jésus qu’une puissance morale relativement aux miracles ; cf.S.Athanase, Oral. III contra arianos, n. 32, P. G., t. xxxvi, col. 391 ; S. Augustin, In Joannis evang., tiact. viii, n. 9, P. L., t. xxxv, col. 1455 ; S. Jean Damascène, De fide orlh., t. III, c. xv, P. G., t. xciv, col. 1046 sq. ; S. Sophrone, Epist. si/nod., P. G., t. lxxxvii, 3, col. 3175 : — sur l’autorité de l’Église, notamment du tome de saint Léon : unum horum coruscat miraculis ; aliud succumbit injuriis, I enzinger-Bannwart, n. 144 ; et surtout du concile de Trente, énumérant les causes de notre justification, sess. vi. De justificatione, c. vu : hujus justificadonis causa sunt, finalis guident gloria Dei et Christi ac vita alterna ; BFFICIBSB uero miscricors Deus.. ; UBRi toria autem dileclissimus unigenilus sans I)..V..I. (.’…, TNSTRUMENTALis sacramentum baptismi, etc. Demum unira fut mal is causa fusil tia Dei… Denzinger-Bannwart, n. 799.— -Sur les raisons qu’on a coutume de développer à l’occasion de la causalité morale des sacrements, voir ce mol On a prétendu abriter cet te opinion soule patronage de saint Thomas. Il dil, en effet In IV Sent., I. III. dist. XVI, q. I, i..’!, que li-s miracles du Christ ont été accomplis par lui per modum orationi » et intercesslonis. Sur le sens de ce texte, expliqué différemment par les thomistes, voir Gonet, dis]). XIX, a. 2. s 2, n. 26-29.