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JÉSUS-CHRIST ET I.A THÉOLOGIE. IMl’ECCABILITÉ DU CHRIST 1292

est considérée, dans l’enseignement catholique, comme une vérité théologiquement certaine Toutefois cette impeccabilité du Sauveur n’esl affirmée comme une thèse certaine que par rapporl à l’ordre présent, de potentia ordinàta Dei : « la controverse théologique reprend ses droits lorsqu’il s’agit de résoudre le problème purement scolastique si. de puissance absolue de Dieu, le Christ aurait pu pécher. » — a) Conclusion théologiquement certaine : le Christ, dans l’ordre présent, possède l’impeccabililé. — Sur l’impeccabilité, voir ce nmt. t. vii, col. 1265 sq. — y.. Une première explication de l’impeccance du Christ, renouvelée d’anciennes erreurs, refuse d’en chercher la cause plus liant que dans la liberté du Christ se déterminant, chaque fois qu’il l’a fallu, dans le sens du bien moral. C’est la thèse de Gùnther, Vorschule : ur spcculativen Théologie des positiven Christenlhums, Vienne, 1829, t. ii, p. 441 sq. ; de Farrar, The Life of Christ, Londres, 1874. c. ix, et de quelques autres. Le Christ a été impeccable en ce sens que Dieu a prévu qu’il ne pécherait point ; mais à cause du libre arbitre, il a fallu que le Christ, comme le premier Adam, fût sujet à la tentation et ait eu la possibilité de commettre le mal, bien qu’il ne l’ait jamais commis. Cette thèse est, à bon droit, réprouvée par l’ensemble des théologiens, comme téméraire et même erronée. En effet, même en apportant à la thèse de Gunther, le secours des explications scolastiques touchant le concours divin et l’efficacité de la grâce, il n’en reste pas moins vrai que le fait de ne pas pécher, la confirmation en grâce, dus à ce concours et à cette grâce efficace (lesquels, on le sait, sauvegardent pleinement la liberté humaine) ne donnent point l’impeccabilité, parce qu’il n’enlèvent pas la puissance radicale de pécher. De là, si en Noire-Seigneur Jésus-Christ nous ne devons trouver, comme raison dernière de son impeccance, que le concours efficace de Dieu agissant sur la volonté libre, le Christ aurait encore possédé la liberté du bien et du mal, quoiqu’il n’en eût jamais usé. Il n’eût pas été impeccable. Or, l’impeccabilité lui est due, car, en vertu de la loi de communication des idiomes, il faudrait dire que Dieu lui-même peut, dans le Christ, commet Ire le péché. De plus combattant l’hérésie d’Arius et d’Apollinaire et, plus tard, celle des nionothélites, les Pères, rejetant les assertions de tous ces hétérodoxes, affirment absolument que l’humanité du Christ, complète et parfaite, est néanmoins, en vertu de son union avec le Verbe, totalement impeccable. C’est donc parce qu’en réalité elle s’oppose à la doctrine commune des Pères que l’opinion deGûnlher et de Farrar est répréhensible. Voir les textes des Pères sur l’impeccabilité de Jésus-Christ dans les Salmanticenscs, disp. XXV. dub. ii, n. 9 12 ; Suarez, disp. XXXIII, sect. ii, n. 4, et surtout Petau, De incarnatione, t. XI, c. x-xi. — p. Tous les catholiques admet Uni donc que non seulement le Christ n’a pas pèche mais qu’il n’a pas pu pécher. Toutefois, de cette affirmation unanimement approuvée, deux explications divergentes sont apportées. — Pour Scot et son école, l’impeccabilité du Christ provient non pas de l’union hypostatique, niais simplement et à l’exclusion de l’union hypostatique, de la vision béatiflque, laquelle, dans le Christ comme dans les élus, iMPKCCAniLn r., col, 1277. exclut la possibilité du péché. Scot. In I Y Seul., I. 111, disp m. q. i, ad 2 ; Mastrlus, De incarnatione, disp. II, q, ii, n. 33 ; Durand de Saint-Pourçain, In IV Sent., t. III, disp. xii, q. i, el, en général, les scotistes et les nominalistes. cf. Gabriel Biel, In IV Sent., t. III, dist. xii, q. i. Cette opinion, examinée sous le pontifical de Paul V, a été dcVlaréc exempte de toute censure théo-Ique, Cf. Vlva, De trtnttate, disp. V, q. vi. n. : i lie conserve. en effet, la doctrine catholique de l’im

peccabilité du Christ et en donne une explication.

de soi. suffisante. Elle admet pleinement que selon les lois ordinaires de la Providence, la plénitude des giâces en Notre-Seigneur exige que soit supprimée en son âme jusqu’à la possibilité du mal. Elle admet que la vision intuitive fixe la volonté dans le bien et supprime la liberté de contrariété : « lorsque l’intelligence est toujours ouverte sur l’infini, la volonté est ravie infailliblement dans un amour béatifique qu’elle ne peut interrompre et elle est rivée pour toujours à Dieu et au bonheur. Puis donc qu’il jouissait sans cesse de la vue de Dieu, le Christ était nécessairement à l’abri de tout péché. » Hugon, Le mystère de V Incarnation. p. 292 ; Billot, De Verbo incarnato, th. xxix. Voir Intuitivk (Vision), t. vii, col. 2291. — Les autres théologiens suivant l’opinion du Maître des Sentences, t. III, dist. XII, admettent que non seulement la plénitude des grâces, qui implique la suppression du f ornes peccati, et la vision béatifique, mais encore et surtout l’union hypostatique expliquent l’impeccabilité du Christ ; bien plus, l’union hypostatique dans le Christ serait, par elle seule, une cause d’impeccabilité absolue. C’est l’opinion de saint Bouaventure, dans son commentaire sur le Maître des Sentences, de sai.it Thomas, Sum. theol., IIP, q. xv, a. 1, de tous les thomistes dont on trouvera les références dans les Salmanticenses, De incarnatione, disp. XXV, dub. ii, § 1, n. 8, de tous les théologiens de la Compagnie de Jésus, et notamment de Suarez, De incarnatione, disp. XXXIII, sect. n ; de Vasquez, Id.. disp. LXI, c. m ; de De Luge, Id., disp, XXVI, sect. i. n. I. ainsi que le signale Pesch, De Vcrbo incarnato, n. 303. Cette impeccabilité absolue, issue de l’union hypostatique, concerne aussi bien le péché véniel que le péché mortel, Salmanticenses, loc. cit., n. 39 et doit s’étendre, par analogie, aux simples imperfections. Voir, sur ce point, la longue dissertation des Salmanticenses, disp. XX V. dub. v, La raison apportée est tirée de l’unité de personne en Jésus-Christ. « C’est un principe métaphysiquement certain que toutes les actions, toutes les puissances, toutes les facultés relèvent de la personne : c’est une vérité de foi qu’il y a une seule personne en Jésus-Christ, celle du Verbe. Dès lors, l’humanité el tout ce qu’elle possède est la propriété du Verbe, tous les mouvements qui jaillissent en elle doivent revenir au Verbe ; et donc, dans l’hypothèse où la nature humaine faillirait, c’est au Verbe qu’il faudrait imputer la faute, au point qu’on pourrait dire : le Verbe a failli, le Verbe a péché ! Cette seule supposition froisse et révolte le sens chrétien, i Hugon, op. cit., p. 293. Cet argument est vivement critiqué par quelques théologiens, même en dehors de l’école scotislc. De LugO, disp. XXVI, sect. i. n. 9 ; Vasquez, disp. LXI, c. vi ; Becanus, De incarnatione. c. xii. q. v ; Bernai, De incarnatione, disp. XI.l 1 1. sect. t, n. 9 ; P. Ilnrlado. De incarnatione, disp. I.1X. sect. v. §50. el quelques autres : car. disent-ils. l’union hypostatique n’influe pas sur les opérations, mais simplement sur l’être de la nature humaine, Mais ces théologiens oublient que l’union hypostatique ne saurait être considérée comme la cause physique et immédiate de l’impeccabilité. l.’union hypostatique pose dans la

personne du Christ une exigence morale de l’impeccabilité : même si le Christ n’avait pas joui de la vision intuitive, il faudrait de (ouïe nécessité et le contraire exprime une répugnance métaphysique que la divinité en Jésus régît l’humanité de telle sorte que la volonté humaine du Christ fût déterminée librement au bien. Dans cette situation le Christ n’eût pas été simplement confirmé en grâce, il eût été réellement Impeccable, parce que, si fions considérons sa personne. la libre détermination de la volonté au bien sous l’influence de la divinité eûl procédé d’un principe intérieur et n’aurait pas pu ne pas exister. Cf. Suarez,