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JÉSUS-CHRIST ET I. THÉOLOGIE VERTUS DU CHRIST

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dant s’il mconviendrait pas d’abandonner une thèse communément reçue dans l’école thomiste, insinue une explication nouvelle, fort intéressante, de l’infinité de la grâce du Christ. De Verbo incarnato, th. xvii, § 2. On n’avait guère mis en discussion, jusqu’ici, l’identité spécifique de la grâce habituelle concédée au Christ et de la grâce habituelle donnée aux hommes ou aux anges. Cf. Salmanticenses, disp. XIII, dub. I, § 3 ; Suarez, disp. XVIII, sect. ii, n. 8 ; Gonet, disp. XII, a. 1, * 3. n. 27. Kl cette position des théologiens était conséquente à leur thèse plus générale allirmant l’impossibilité de distinguer plusieurs espèces’de grâce sanctifiante. Salmanticenses, tr. XI Y, De gratia, disp. IV, dub. vin ; Jean de S.Thomas, De gratia, disp. XXIV, a. 1 ; Suarez, De gratia, t. VIII, c. iii, n. 10 ; cf. Gonet, De gratia, disp. II, a. 4, §3, coroll. 3 ; Hugon, De Angelis et de gratia, Paris, 1920, p. 327. Cette thèse générale, communément admise, a été cependant révoquée en doute par Granados, S. J., In ///"" p. Sum. S. Thomse, controv. VIII, tr. IV, disp. IV ; Kipalda, De ente supernaturali, t. I, disp. XXIII, sect. xiv. Dans les éditions plus’récentes de son De Verbo incarnato, le cardinal Billot pose la question de la diversité spécifique de la grâce habituelle du Christ, en vue d’expliquer plus pleinement l’infinité de cette grâce, par rapport à celle des hommes et des anges. Si en effet il n’y a qu’une différence’de degré entre la grâce du Christ et la grâce des anges el des hommes, même prise cumulativement, la grâce du Christ n’aura pas, par nature et en droit, la plénitude parfaite qui lui convient ; elle ne la possédera qu’en )ait et pour ainsi dire accidentellement, en suite des décrets de la divine Providence limitant à tel degré déterminé, dans l’ordre actuel des choses, les grâces des hommes et des anges. Supposons, au contraire, que la grâce du Christ soit d’une nature suréminente, elle dominera essentiellement et en droit, la grâce des hommes et des anges. Et le savant théologien en appelle à l’autorité de saint Thomas, Sum. theol., IIP, q. vii, a. 11, ad 3um et De veritale, q. xxix, a. 3, ad 5um. Sur la plénitude de la grâce du Christ par rapport à la grâce des anges et des hommes pris collectivement, voir Gonet, De incarnatione. disp. XIII, a. 2.

ç) Deux corollaires. — a. La grâce habituelle a clé in/usée au Christ dès le premier instant de sa conception, et elle est inamissible. — Cette vérité est supposée dans Luc., i, 35 (quod nascetur ex te sanctum). Puisque l’union hypostalique exige moralement comme conquence la présence de la grâce sanctifiante dans l’âme du Christ, cette grâce existera en Jésus-Christ comme la grâce d’union, c’est-à-dire, dès le premier instant de sa conception, et partagera la condition d’inamissibilité propre â l’union hypostalique. Voir t. vii, coi. 534, 536. Cette vérité est admise communément ; voir S. Thomas, Sum. theol, III 1, q. vii, a. 1 el 13 ; q. xxxiv. a. 1 et 1 ; In I Y Sent.t. III, disl. xiii, q. i. a. 2 ; soi. 3 ; De veritale, q. xxi. a. 8, el les commentateurs : Salmanticenses, disp. XIII. dub. r, § 4 ; Gonet, disp. XII. a. 1, § :  !, n. 20-22 : Suarez. disp. XVIII. sect. in. n. I 2. el les manuels i écents déjà cités.

Sur cette question fondamentale, quelques théologiens

41 client un problème accessoire
dès le premier Instant

de sa conception, le Christ, s’esi-il disposé par un acte libre de sa volonté à l’infusion de la grâce ? On sail que ce mouvement de la volonté est requis chez les adultes a qui la grâce sanctifiante esi Infusée et ne se distingue de l’infusion même de la grâce que d’une priorité logique ; bien plus il est produit par la grâce sanctifiante elle-même, considérée comme grâce rnic. Voir Grâce, t. vx, col. 1631-1633. On sait que les anges ont été sanctifiés de celle manière dans

le premier In8tant de leur voie. Pourquoi n’accepterait -on pas la même psychologie surnaturelle dans l’âme

du Christ ? Saint Thomas l’accepte explicitement, IIP, q. xxxiv. a. : > et les meilleurs commentateurs se rallient à cette opinion : Gonet, disp. XII, a. 1, n. 26 ; Salmanticenses, disp. XIII, n. 43. L’opinion contraire est cependant défendue par Bafiez, In I "" /). Sum. S : Thom.. q. i.u, a. 3. dub. ii, ad 4, et quelques auli es.

P La grâce habituelle du Christ n’est pas susceptible d’accroissement. — La question ne se pose pas pour la grâce d’union, qui est immuable comme la divinité. Il ne s’agit ici que de la réalité de la grâce créée. Nous avons fait observer plus haut, voir col, 1281, que la plénitude de la grâce du Christ s’entendait dans Yordrc actuel de la divine Providence. Il est donc facile de comprendre le sens de notre affirmation. Ajoutons que, dès le premier instant de sa conception, le Christ fut, dans son âme, « compréhenseur » parfait. Or, l’âme ainsi parvenue à son terme par la vision intuitive n’est plus susceptible de progrès et de perfectionnement dans la grâce qu’elle possède et les opérations qui en dérivent. Voir Intuitive (Vision), t. vii, col. 2389-2391 et Gloire t. vi, col. 1415. Cf. S. Thomas, IIP, q. vii, a. 12. Cette conclusion, ainsi formulée, est théologiquement certaine

Sur cette conclusion ferme se greffe une controverse d’école. Dans une hypothèse différente de l’ordre actuel, mais que Dieu pourrait réaliser, s’il voulait faire appel à sa puissance absolue, une grâce supérieure à celle qu’a possédée le Christ serait-elle possible’? Non, répondent de grands théologiens, tels que Richard de Saint-Victor, saint Bonaventure, Duns Scot, Durand de Saint-Pourcain et quelques thomistes, dont le plus connu est Cajétan. Mais la plupart des théologiens de l’école de saint Thomas et de la Compagnie de Jésus affirment que si une grâce habituelle plus parfaite que celle du Christ est impossible dans l’ordre actuel, c’est-à-dire de potentia Dei ordinala, elle reste absolument et métaphysiquement possible de potentia absoluta. Voir dans les Salmanticenses, disp. XV. dub. unie, § 3, n. 11, les références, et pour l’exposé de la controverse, Schwalm, Le Christ d’après saint Thomas d’Aquin, p. 90-98.

La position adoptée par les scolastiques les oblige à expliquer, en conformité avec leurs principes, le texte de Luc, ii, 51 : Et Jésus profîciebat supientia et œlale et OliATiA apud Deum et homincs. Les théologiens du moyen âge et des siècles postérieurs expliquent qu’il ne peut s’agir d’un progrès réel dans la sagesse ci dans la grâce, mais d’un simple progrès dans leur manifestation extérieure. Cf. Hugues de Saint-Victor, De sacramentis, t. II, part. I. c. vi, P. L. t. clxxvi, col. 384 ; cf. Summa Sententiarum, tract. I, c. xvi, col. 73 ; Pierre Lombard, /// Sententiarum, disl. XIII ; S.Thomas Sum. theol., III », q. vii, a. 12 : Suarez, In /// » m p. Sum. S. Thomæ, q. xii, a. 12, n. I. b. Les vertus surnaturelles dans l’âme du Christ. a ) Doctrine générale. — La grâce est inséparable des vertus et des dons du Saint-Esprit cpii en sont le ccrlège nécessaire. Le Christ a donc tout naturellement possédé les vertus et il les a possédé S dans Un degré héroïque. Cf. S. Thomas, Sum. theol., III", q. vu. a. 2 et ad 2°"i ; cf. a. 3 et 1. L’évangile l’atteste cxplicitement. Voir ci-dessus, col. 1158. Aupoint de vue strictement théologique, la doctrine générale touchant les vertus du Christ, peut se résumei en trois affirmations. — a. Le Christ a certainement possédé, des l’instant de sa conception, et dans un degré éminent, les vertus surnaturelles infuses. Leur héroiclté toutefols s’est manifestée spécialement ♦ dans les actes suprêmes de la passion rédemptrice, qui comblèrent la mesure des mérites et des satisfactions. » llugpn, op. cit., p. 231. Cf. Gonet, disp. XII, a. 3, § 1 ; Salmanticenses, disp. XIV, dub. n. — p. Le Christ a possédé