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1273 JÉSUS-CHRIST ET LA THÉOLOGIE. SAINTETÉ Dl CHRIST 1274

L’Ame du Christ.

Les théologiens n’ont rien pu

ajouter aux données de l’évangile relativement aux perfections naturelles de l’ftme du Christ. Noir col. 1156 sq. Ils se sont elTorcés de synthétiser la doctrine catholique relativement à la science et à la sainteté de Jésus-Christ.

1. Science humaine de Jésus-Christ.

La question de la Science du Christ devant être traitée dans un article spécial, nous n’en rappellerons ici que les conclusions admises par les théologiens et nécessaires à l’intelligence des termes du problème relatif a la sainteté et à l’obéissance du Christ. La question de la science du Christ avait été agitée par les Pères, contre les ariens, à partir du ive siècle, à cause de Marc, xiii, 32 et de Luc, ii, 52. Voir col. 1259 sq.. Les principes de solution avaient été formulés par saint Jean Chrysostome, saint Augustin et plus tard Euloge, explicitement approuvé par saint Grégoire le Grand. Les scolastiques s’emparent de ces données traditionnelles et les systématisent. Le Verbe de Dieu a dû prendre, en s’incarnant, une humanité qui possédât toutes les perfections convenant à l’humanité, excepté celles qui seraient contraires à la fin de l’incarnation, par exemple la personnalité humaine, l’exemption de la souffrance et de la mort. Cf. S. Thomas, Sum. theol., IIP, q. v, a. 1-4. Il faut donc, en conséquence, distinguer en Jésus-Christ deux sciences, l’une qu’il possède comme Dieu et qui est infinie ; l’autre qu’il possède comme homme et qui n’est que la perfection due à son intelligence humaine, q. ix, a. 1. Quelle est donc la perfection due à l’intelligence humaine du Christ ?

a) Le Christ homme est à la fois au terme et dans la voie, q. xv, a. 10. Comme compréhenseur, il doit posséder la connaissance de vision intuitive. Il reçut donc la vision béatifique d’une façon plus parfaite que n’importe quelle créature, parce qu’uni plus intimement au Verbe lui-même, q. x, a. 4, et il la reçut dès sa conception, q. xxxiv, a. 4. Cf. Suarez, De incarnatione, disp. XXV, sect i, n. 4. L’objet de la science que le Christ a ainsi possédée en raison de la vision intuitive n’est pas infini : l’intelligence humaine du Christ ne peut « comprendre » Dieu, qui est infini, parce qu’elle-même, étant une créature, est nécessairement finie. S. Thomas, Sum. theol., III 1, q. x, a. 1 ; Suarez, op. cit., disp. XXVI. Le concile de Bâle (1435) a d’ailleurs censuré, dans un livre d’Augustin de Rome, la proposition suivante : Anima Christi videt Deum tam clare et intense quantum clare et intense Deus videt seipsum. Cf. Intuitive (Vision), t. vii, col. 2381. Mais la science de Jésus s’étend très certainement, quant à son objet secondaire, voir Intuitive (Vision), col. 2386, à tout ce qui intéresse l’incarnation. Or le Verbe incarné est le chef de tous les hommes et même des anges ; il doit être le juge souverain de toutes les créatures responsables : il faut donc que la science bienheureuse qu’il possède en vertu de la vision intuitive s’étende à tout ce qui est, a été ou sera fait, dit ou même pensé par les créatures raisonnables et dans tous les temps. S. Thomas, Sum. theol., III q. x, a. 2. D’un mot, les théologiens résument l’étendue de cet objet en disant que, par sa science bienheureuse, le Christ connaît tout ce que Dieu lui-même connaît par sa science de vision. Suarez. loc. cit., sect. iv. Sur la science divine de vision, voir Science de Dieu. Ces conclusions, au moins théologiquement certaines, et quant à l’existence et quant à l’étendue de la science bienheureuse de l’âme du Christ, cf. Suarez, De incarnalione, disp. XXIV. ^ect. i, ont été confirmées par le décret du Saint-Office du 7 juin 1018 Cavallera, Thesaur. , n. 778 ; Hugon, Le décret du Saint-Office louchant la science de l’âme du Christ, dans la Revue thomiste, avril-juin 1018, p. 105-110. b) Ln dehors de cette science bienheureuse, en tous points surnaturelle, on

doit accorder à l’âme du Christ, parce que cette âme est parvenue à l’état du tenue, même dès le premier Instant tic son existence, la science propre aux âmes arrivées à ce terme. Cette science est la science essentiellement infuse, per se infusa, c’est-à-dire infuse en raison même de l’étal de terme et du mode de connaissance qu’implique cet état. Sur ce mode de connaissance, qui se fait par conversion de l’intelligence aux espèces infuses, voir Anqélolooie d’après les Scolastiques, t. i, col. 1232-1235 et Hugon. l’Etat des âmes séparées, c m-iv, dans Réponses théologiques à quelques questions d’actualité, Paris, 1908, p. 230-253. La plupart des théologiens accordent au Christ cette science infuse per se. S. Thomas, Sum. theol., III 1, q. xi, et ses commentateurs. Il n’est pas même vraisemblable que les rares théologiens Scot, saint Bonaventure, quelques nominalistes, qu’on a coutume d’inscrire en faux contre l’opinion thomiste, aient en realité accusé une vraie divergence avec saint Thomas, quant à la question de l’existence de la science infuse. Voir Ch. Pesch, op. cit., n. 263. Les divergences portent plutôt sur l’objet de cette science et son étendue. Id. n. 265. On trouvera dans Suarez, op. cit., disp. XXVII-XXVIII, un bon exposé de la question. Faut-il aussi accorder au Christ une science infuse accidentellement, per accidens infusa, c’est-à-dire, immédiatement reçue de Dieu, mais se substituant purement et simplement à la science acquise encore inexistante et dont elle emprunte le mode de connaissance ? Saint Thomas ne l’accepte point, Sum. theol, . IIP, q. ix, a. 4, ni les commentateurs thomistes. Voir aussi Vasquez, De incarnalione, disp. XLV, c. n. Suarez estime cette opinion probable, car le Christ n’a pu être inférieur à Adam, op. cit., disp. XXX, sect. ii, n. 1, 2 sq.De Lugo estime que cette connaissance accidentellement infuse a été confiée au Christ non dès le principe.puisqu’elle lui aurait été alors inutile, mais successivement au fur et à mesure des circonstances. De incarnalione, disp. XXI, sect. i. En tout cela, il n’y a rien que des conjectures plus ou moins probables, et l’existence même d’une science infuse dans l’âme de Jésus-Christ, considérée indépendamment de toutes les modalités théologiques, ne peut se déduire avec certitude du dogme de l’union hypostatique. Cf. Suarez, disp. XXV. sect. iii, n. 3. — c) Enfin, le Christ, comme nous, a possédé la science expérimentale ou acquise, susceptible de vrai progrès, et par laquelle le Christ élaborait, selon les lois de l’intelligence humaine à l’état de voie, des données sensibles acquises par l’expérience, les idées représentatives du monde matériel. S. Thomas, Sum. theol., IIP, q. ix, a. 4. Ainsi le Sauveur acquit la connaissance de tout ce qu’un homme de son époque pouvait expérimentalement apprendre, q. xii. a. 1 ; il l’acquit par ses propres efforts, sans le secours des hommes, id., a. 3, ou des anges et très facilement. id., a. 4. Saint Thomas avait nié la nécessité, dans l’âme du Christ, des espèces impresses formées au cours de l’expérience sensible par l’intellect agent, In I’Sent., t. III, dist. XIV, q. i, a. 3, q. v, ad 3 ; il l’admet pleinement dans la Somme théologique, loc. cit., a. 2. D’ailleurs, la science acquise du Christ a toujours été conforme à ce que, vu les circonstances, il était convenable qu’il sût ; nonobstant son développement progressif et continu, elle a donc toujours été. relative ment à cette convenance, parfaite. L’existence de la science expérimentale dans le Christ est tnéologtqac ment certaine.

2. La sainteté du Christ.

Ce couii aperçu sur la théologie de la science de l’âme du Christ sera déve loppé a Science do Christ ; mais il (’tait nécessaire de le produire ici afin de nous permettre de mieux comprendre ce que fui la sainteté de lame du Christ avons déjà vu que cette sainteté est attestée |’"