Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 8.1.djvu/603

Cette page n’a pas encore été corrigée

us ;

    1. JÉSUS-CHRIST##


JÉSUS-CHRIST. LE TEMOIGNAGE DES MIRACLES

1188

dis hommes, se consacrer à l'œuvre d’enseignement et de salut que nous savons. Quelle situation extraordinairement complexe et délicate I Pouvait-il raisonnablement découvrir, d’une manière trop explicite, son exacte identité? Pouvait-il déclarer, sans détour et sans voile : Je suis en apparence homme comme les autres hommes ; en réalité, je suis le Fils de Dieu, éternellement engendré de Dieu, je suis le créateur du et de la terre, je suis Dieu ? La situation, peut-on dire, eut été impossible, et, si nous trouvions dans les Évangiles de ces déclarations expresses, nous serions en droit d’en suspecter l’authenticité, tant elles auraient été intempestives et déplacées…. C’est indirectement et progressivement que Jésus a voulu révéler sa dignité messianique ; à plus forte raison a-t-il dû agir de la sorte pour ce qui est de sa divinité. Impossible de procéder avec plus de sagesse et plus d’opportunité. Il a insinué et suggéré cette réalité supérieure par toute sa vie : ses œuvres manifestaient une puissance divine ; ses discours étaient pleins d’allusions à la transcendance de ses privilèges et de ses pouvoirs, au caractère unique de sa qualité de Fils de Dieu. Pour n'être pas exprimée, en une formule dogmatique, à la manière d’une définit ion de foi. la divinité proprement dite de sa personne ne s’en laissait pas moins deviner à travers toutes ses déclarations ; « Ile s’en dégageait comme une conclusion théologique certaine et il devait être impossible à ses disciples, surtout après la résurrection et la Pentecôte, de se méprendre sur le véritable sens de sa manifestation. » Jésus, Messie et Fils de Dieu, Paris, 1910, p. 364-365. Ajoutons, avec le même auteur, que l’enseignement de Jésus touchant sa propre personne, et ses relations avec le Père céleste, sont les déclarations, non du Fils de Dieu uniquement considéré dans sa nature divine, mais du Fils de Dieu incarné. A proprement parler, renseignement de Jésus est l’expression humaine de sa pensée humaine et, à ce titre, il tient compte, même en témoignant de la préexistence éternelle et de la divinité du Fils, des conditions concrètes dans lesquelles ce Fils s’est manifesté aux hommes, homme comme eux, par l’incarnation. Ainsi donc, si l’on se rappelle que le Christ devait avoir en face de lui un peuple charnel et aveugle, que le nom de Messie en llammail, mais trompait, que le nom de Fils de Dieu ne pouvait que scandaliser, on comprendra les précautions, les lenteurs, les réserves de l’enseignement du Christ. Avant de montrer la lumière il doit désiller les yeux : avant d’enseigner, il doit convertir. « La prédication du Christ commencera donc par un enseignement moral : il ne propose pas d’abord les mystères du dogme chrétien, sa propre divinité, son unité substantielle avec le l'ère ; mais il prêche l’idéal de la vie chrétienne : l’humilité, la pauvreté, la douceur, le pardon des injures, la religion intérieure qui prie et agit dans le secret ; il presse ensuite ses disciples de mettre tout cela en pratique pour ne pas bâtir sur le sable et voir tout l'édifice s’effondrer. D’un mot, il faut faire la vérité pour venir a la lumière. ».1. I.ebreton. l.cs origines du dogme de lu Trir.ilc, Paris, 1919, p. 260. En réalité, la manifestation explicite et formelle de Il lonune-Dieu présuppose lé] à les illusions dissipées touchant le royaume de I tien et la personne du Messie. Et c’est seulement

lorsque Jésus aura tait comprendre de quelle nature

est le royaume qu’il vient fonder et quel est le vrai caractère de sa dignité messianique, qu’il pourra sagement se révéler comme le Fils de Dieu. Aussi, soit au désert lors de la tentation, soit dans les débuts de sa vie publique, lors des guérisons de possédés, jamais ne laissera au démon le droit de proclamer sa messianité et sa divinité que cependant l’esprit du mal connaissait ou tout au moins soupçonnait. Marc, i,

32-34. Cf. i. 23-21 ; iii, 11-12 : v. 11 : Matth., iv. 3, G ; vm. 29 ; Luc. iv. 3. 9, 33-34, 41 : vin. 28. Sur la valeur du témoignage des démons, voir S. Thomas, Sum. theol., I q. i.xiv. a. 1, ad 4° » >.

Sans doute, la prédication de.Jésus dans le début de son ministère est semblable à celle de Jean-Baptiste : « Le temps est accompli, et le royaume de Dieu est proche : convertissez-vous et croyez à l'Évangile. » Marc, i, 1."). Mais la conversion des âmes, Jésus la préparera tout d’abord par les bienfaits qu’il se plaira à répandre autour de lui : « il a passe, en faisant le bien, et en guérissant tous ceux qui étaient asservis par le diable. » Act., x, 38. Dès le début du ministère du Sauveur apparaît la vérité de la progression signalée au (. 1 des Actes des Apôtres : lacère et docere, faire le bien, d’abord ; enseigner, ensuite. C’est en guérissant les corps que Jésus atteint les aines et les purifie. Aussi estimons-nous que le théologien, étudiant la manifestation implicite de l’Homme-Dieu dans l'Évangile, doit le chercher tout d’abord dans les miracles du Sauveur, avant de la trouver dans son enseignement général.

Manifestation de V Homme-Dieu par les miracles.


Nous n’avons pas à nous appesantir sur la définition, la transcendance, la valeur démonstrative du miracle en faveur de la vérité révélée. Voir Miracle. Il reste entendu que pour les contemporains de Jésus comme pour les hommes de tous les temps, les miracles ont été « des signes très certains de la révélation, accommodés à l’intelligence de tous. » Conc Vatic, sess. iii, c. 1, Denzinger-Bannwart, n. 1793. Mais la plupart des miracles du Christ furent accomplis, moins pour corroborer une révélation déjà faite que nom préd sposer les esprits à la révélation à venir. Et c’est sous cet aspect que nous trouvons dans les miracles de Jésus une première manifestation, encore implicite, de son rôle messianique et de son origine divine. Aussi bien, en établissant la liste des miracles du Sauveur, on peut constater que si Jésus multiplie ses miracles pendant toutes les périodes de sa vie publique sans exception, ils furent toutefois plus nombreux pendant la première partie de son ministère public. !.. Cl. Fillion, Les miracles de.V.-.S. Jésus-Christ, Paris, s. d. (1909), t. i, p. 27. C’est là une première indication de la vérité de notre thèse, à savoir que les miracles préparèrent d’abord la révélation avant de l’authentiquer. Une autre indication de la même vérité, c’est que les prodiges de Notre-Seigneur ne furent jamais accomplis dans l’unique intention de jeter les hommes dans l’admiration et de faire éclater la puissance divine ; mais tous, à part une ou deux exceptions (la malédiction du figuier stérile, par exemple). Furent des œuvres de miséricorde, manifestations de la bonté et de l’amour du divin Maître, qui voulait, autant qu’il dépendait de lui. alléger les souffrances physiques et morales de l’humanité. I.a pitié est un sentiment habituel du cœur de Jésus ; voir COl. 11(12. Et c’est SOUS l’influence de ce sentiment que beaucoup de miracles furent accomplis. Matth., xiv, 14 ; cf. Marc, vi, 31 ; Matth., xv, 32 : cf. Marc, viii, 2 : Matth., xx, 34 ; Marc I, 41 ; Luc. vu. 13. etc. FI par ces œuvres de miséricorde, .lesus entendait s’attacher les cœurs et

les esprits.

1. Réalité des miracles du Christ. - Jésus devait opérer des miracles. Le Messie attendu des Juifs avec tant d’ardeur, devait être, d’après les prophéties elles-mêmes, un cire surhumain, possédant le pouvoir d’accomplir des merveilles éclatantes. Cf. Is., xxxv, "i il ; xi. m. 8, etc. Aucun juif n’aurait accepté un Messie qui n’eût pas été thaumaturge. Il fallait donc que silice point, Jésus réalisât les prédictions des prophètes et répondit aux légitimes attentes de ses compatriotes. Mais il devait a la vérité messianique de ne point