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JÉSUITES THÉOLOGIE MORALE ; THÈSES ( ARACTÉRISTIQUES

lus’,

1651) pru studiis superioribus, 1651, qui, dans un lot <le propositions à proscrire de l’enseignement, en insère quelques-unes concernant la morale, Instit., t. 11, p. 235 ; l’aduler, t. iii, p. 94, il convient de souligner, par contre, le geste très caractérisé de la Congrégation X (1652), réclamant a l’avance du général qu’elle a mission d’élire, l’efficace répression de la tendance au laxisme : cf. Astrain, t. vi. p. 145. Quelle satisfaction reçut ce vœu, on le voit par deux lettres de Nickel (1652-1664) qui fut élu : l’une adressée au provincial de la province de France le 22 juillet 1656, cf. Réponse au livre intitulé : Extraits des assertions, t. iii, p. 173, l’autre, beaucoup plus importante, écrite le 29 mai 1657 pour toute la Compagnie, Pachtler, t. iii, p. 102. Par allusion se trouve signalé dans cette dernière lettre un troisième document remontant au 4 juillet 1054, et spécialement destiné aux réviseurs. Comme la précédente, la Congrégation XI (1661), dans son décret 22e, se préocupe sérieusement de la question. Instit., 1. 1, p. 642. (Rapprocher le document donné par Pachtler, t. iii, p. 393). Oliva (1664-1681) de son côté y revient à quatre reprises différentes, 2 décembre 1662, 30 avril 1667, 16 janvier 1676, 10 août 1680, cf. Pachtler, t. iii, p. 104, 108, 114, 118,

— cherchant le juste milieu entre un bénignisme exagéré et l’excès inverse du probabiliorisme. Enfin, les Congrégations XII (1682) et XIV (1696), l’une dans son décret 28 6, l’autre au décret 5e, Instit., t. i, p. 655, 670, reprennent à leur compte la fermeté de leurs devancières, satisfaites d’ailleurs, et au delà, par l’attitude de Thyrse Gonzalez (1687-1705). — Après avoir rappelé, dans un de ses écrits, la même série de documents, Gabriel Daniel concluait : « On ne peut mieux connaître l’esprit d’un corps, surtout tel que celui des jésuites, où le gouvernement est monarchique, que par les ordonnances de ceux qui le gouvernent et par les règlements portés par les assemblées générales composées des supérieurs et des membres les plus considérables. » Seconde lettre au P. Serry, dans Recueil, t. ii, p. 389.

V. Thèses caractéristiques.

Il suffit de parcourir la table des Extraits des assertions pour se faire une idée de la morale des jésuites telle que la décrivaient les plumes jansénistes dès le temps d’Arnauld. Tout y est groupé sous les chefs suivants : probabilismc, péché philosophique, ignorance invincible, simonie, blasphème, sacrilège, magie, astrologie, irréligion, idolâtrie, impudicité, parjure, prévarication, vol, compensation occulte, homicide, parricide, suicide, régicide. Moins hardies dans l’invraisemblance, du moins depuis le xix 4 siècle, les publications protestantes ramènent volontiers les choses à trois points de repère : probabilisme, purification de l’intention, restriction mentale. Zôckler, dans RealencyklopOdie, 3° édit., t. vin (1900), p. 761. — De tout cela il n’y a guère à retenir, ainsi qu’on le verra plus loin, que les thèses relatives à l’ignorance invincible et au probabilisme. Touchant le rôle de Vintention dans la moralité, rien ne fonde les insinuations de la Septième Provinciale (Pascal, Œuvres, t. v, p. 85), rien ne dislingue l’en saignement des jésuites de celui des autres moralistes catholiques. Cf. Maynard, t. i, p. 316 ; P. Bernard, Études religieuses, 1901. t. < ;, p. 357 ; Al. Brou, t. i, p. 376. Il en est de même pour ce qui concerne la restriction mentale. ce vieux reproche anglican souvent renouvelé, le P. Daniel a finement répondu par une simple substitution, dans la Neuvième Provinciale, d’auteurs étrangers à la Compagnie aux jésuites cités par Pascal. Seeonde lettre au P. Serrg. dans Recueil, t. ii, p. 385. Et quant au tyranniclde, outre qu’il faudrait n’avoir pas lu Mariana, De rege et régis instituttone, Tolède, 1599, pour ignorer les nuances dont s’entoure sa pensée, faire de lui le porte-parole de

son ordre, ce serait oublier qu’aucun de ses confrères ne l’a suivi dans la partie critiquable de sa doctrine, et que la Compagnie s’en est formellement désolidarisée par le décret du P. Aquaviva, du 1 er août 1614. Pachtler, t. iii, p. 47 ; Instit., . t. ii, p. 5. Voir TYRitANNicinr et ci-dessus col. 1062.

Il y a pourtant dans l’enseignement moral des jésuites quelques thèses caractéristiques : doctrines catholiques (l’une part, défendues avec une fermeté spéciale contre des penseurs hétérodoxes ou suspects ; ou bien opinions libres particulièrement accentuées en raison de controverses d’écoles ; ou encore positions imposées par l’autorité de l’Ordre. Les plus importantes sont relatives aux conditions de la responsabilité et à la formation de la conscience douteuse, deux points touchant au vif la vie morale et la pratique de la confession.

Doctriie sur la responsabilité.

Malgré l’état

d’enfance où se trouve encore l’histoire ancienne de la théologie morale, on peut dire en gros que la s. - olastique avait tâtonné durant des siècles avant de réussir à élaborer une théorie intégrale et cohérente de la responsabilité. Héritière de conceptions morales augustiniennes et aristotéliciennes convergeant vers un amoindrissement des conditions subjectives de la moralité au profit de ses conditions objectives, il était impossible qu’elle ne cherchât pas, consciemment ou non, à s’en dégager. Mais cette lente et obscure épuration encore peu perceptible à l’époque de Gerson et de saint Anlonin. achevait à peine de s’accomplir au milieu dn xvr siècle, grâce surtout à l’influence de la première génération des dominicains de Salamanque et à la nécessité de réagir contre certaines idées de Luther. Survenant à ce noment, libres par conséquent de tout lien d’école qui les enchaînât au passé, très en garde d’ailleurs contre le péril protestant et plus généralement contre l’esprit d archaïsme, les jésuites ne pouvaient que soutenir, sur cette question de la responsabilité, une doctrine opposée à celle des archaïsants. C’est pourquoi ils insistent particulièrement sur la nécessité de l’advertence actuelle, t Pour pécher et se rendre coupable devant Dieu, dit Bauny, il faut savoir que la chose que l’on veut faire ne vaut rien, ou au moins en douter, craindre, ou bien juger que Dieu ne prend plaisir à l’action en laquelle on s’occupe, qu’il la défend, et nonobstant la faire, franchir le saut et passer outre. » Somme des péchés, 4e édit., 1636, p. 906. Aux termes près, — Bauny n’est pas toujours heureux dans ses entassements de synonymes, — tous les jésuites admettent le fond de cette doctrine et exigent pour le péché la plena advertenlia et deliberatio de saint Alphonse, Theol. mor., ., n. 53. On ne commet donc un péché actuel qu’autant qu’on croit pécher, et par conséquent la bonne foi est toujours par elle-même une excuse C’était là ce que niaient ceux qui se disaient augustiniens. Il faut citer ici un curieux document qu’on trouvera en entier dans Dôllinger, t. ii, p. 1 sq. C’est une lettre écrite par le jésuite français La Quintinye à son général, le P. Oliva, pour lui ouvrir les yeux sur les dangers de la morale de la Compagnie, t « Juillet 1666. Il a reconnu, dit-il, à la base de cette morale un faux axiome, auquel se doit imputer qttidquid fere est laxitaiis et corruptela apud aullwrcs… Est axioma de BON A F1DE, quod sic se habet : bona fides operantis aliquid malt semper eum excusât a peccato. C’est là la doctrine généralement admise autour de lui, doctrine dont on ne peut s’écarter sans se voir taxer de jansénisme. En inqutunt, germana Societatis doctrina, … quod nem.pt ibl numquam sit peccatum, ubi non sit actualis et pressens cognitto qua judicet operansse maie operarl. D’où, par conséquent : Tantum peccal quis quantum putat se peccare, et non magis. A force d’entendre de tels propos il s’était résolu à en référer