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JÉSUITES. LA THÉOLOGIE DOGMATIQUE

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question dans l’état où elle se trouvait, les théologiens Jésuites optèrent pour la seconde opinion. Ont-ils eu tort ? D’autres applications seraient possibles. Rien de plus sage que l’avisdeBellanninsurla manière

de suivre saint Thomas : « Est-il croyable que la lumière de la vérité ait toujours brillé pour ce docteur, et qu’elle n’ait jamais brillé pour les autres ? Si donc il est permis d’emprunter à chaque auteur ce qu’il a de meilleur, pourquoi nous priverions-nous de cet avantage ? » Argumentation qui n’est nullement un plaidoyer en faveur de l’éclectisme érigé en système, puisque le vénérable cardinal avait commencé par dire qu’il fallait, à son avis, déclarer saint Thomas l’auteur commun, celui qu’en principe on doit suivre : Ut sanctus Thomas proponatur lanquam communis diiclor, loti societuti sequendus, placet.

D’autres ont estimé qu’en conséquence de la préoccupation apologétique ou polémique, dominant chez eux, les théologiens jésuites étaient arrivés à une théologie plutôt négative que positive, ou bien à une théologie de combat, n’ayant qu’une valeur relative, ad hominem. Il est vrai qu’il y a une mauvaise manière d’entendre la défense de la foi, celle qui consiste à créer des systèmes pour la circonstance, sans se préoccuper de la valeur absolue des principes, ni de leur conformité avec les données de la foi ou de la tradition ; et malheureusement l’écueil n’a pas été parfaitement évité dans plus d’une controverse récente. Mais il y a une autre manière, totalement différente, celle qui consiste, non pas à substituer des principes nouveaux aux anciens, mais à garder l’héritage du passé en y joignant seulement le souci d’une adaptation aux besoins du temps où l’on vit. Cette adaptation revient surtout à la manière de présenter, de prouver, de défendre la doctrine. Elle demande que la théologie scolastique et la théologie positive ne soient pas considérées comme deux théologies totalement distinctes, ce qui serait faux, puisque suivant la juste remarque de Tolet, elles ont le même objet, cum sint de iisdem ; mais qu’en outre on les combine pour qu’en s’entraidant elles aient toute leur efficacité. Si les jésuites, pris dans leur ensemble, ont donné beaucoup à la théologie positive, ce ne fut pas en faisant abstraction des principes que la scolastique leur fournissait, mais au contraire en s’en inspirant et en les faisant valoir. Leur théologie ne fut pas un simple instrument de combat, n’ayant qu’une portée d’ordre relatif ; et, de ce chef, il n’y a pas plus lieu de déprécier ces maîtres qu’il n’y a lieu de méconnaître les mérites qu’ils se sont acquis dans l’Église par un rajeunissement de l’ancienne manière lequel tendait uniquement à donner aux anciens principes plus de vigueur et plus d’efficacité contre des adversaires nouveaux.

D’autres enfin ont tenté de dénigrer les théologiens de la Compagnie de Jésus en relevant les écarts d’un certain nombre qui ont avancé des propositions condamnées par le Saint-Siège ou par des évêques, comme l.i thèse du péché philosophique réprouvée par décret du Saint-Oflice le 24 août 1690, Dcnzinger-Bannwai t, Enchiridion, n. 1290, voir t. i, col. 749 sq. ; opinion du P. Hardouin sur la filiation divine de Jésus-Christ censurée par la plupart des évêques français en 1753, voir t. vii, col. 549 sq., el beaucoup d’autres choses.

Les faits allégués sont réels ; il y a eu condamnation d’assertions théologiques émises par des écrivains ou îles professeurs Jésuites, il y B eu mise à l’index de livres composés par des jésuites, 80 environ, d’après .1. Hilgers, Dit Index (1er perboleiien IIwIht, I-ribourgiii BriSgau, 1904, p. 138 sq. ; mais ce furent là des

écarts individuels, parfois en matière disciplinaire, il combien peu nombreux comparativement à la.somme totale des écrivains Jésuites. D’écarts Individuels, non sanctionnés par l’Ordre, a i onlle droil de conclure

contre l’Ordre lui-même pris dans son ensemble et contre su doctrine propre ? Dans la Compagnie de Jésus, les théologiens qui comptent vraiment sont ceux que l’estime générale et la voix commune ont mis au nombre des probati auctores.

Demandons le dernier mot au pape Léon XIII. Parlant dans le bref Gravissime Nos des grands docteurs de la Compagnie de Jésus, probatos illos et eximios societatis doclores quorum laus in Ecclesia est, il ajoute : <> Xam virtute ut erant atque ingenio eximii, data studiosissime opéra scriptis Angelici, certis locis sententiam ejus copiose luculenterque exposuerunl, doctrinam optima erudilionis supelleclile ornaverunt, mulla inde acule utililerque ad errores refellendos novos concluserunt, iis prælerca adjectis quæcumque ab Ecclesia sunt deinceps in eodem génère vel amplius declarata vel pressius décréta ; quorum sollertiæ (ruclus nemo quidem sine jactura neglexerit. Distingués par le talent comme par la vertu, ils s’appliquèrent de tout leur zèle aux écrits du docteur Angélique. En maint endroit ils exposèrent sa pensée avec ampleur et netteté, en l’accompagnant d’un excellent appareil d’érudition. Ils en tirèrent des conclusions d’un incontestable profit pour la réfutation d’erreurs nouvelles ; d’autant qu’ils y T joignirent tout ce qui, depuis lors, avait été dans l’Église l’objet de déclarations plus explicites ou de décrets plus précis. Labeur industrieux, dont nul ne saurait, sans préjudice, mépriser les fruits. »

1. Sources bibliographiques.

Sommervogel, Bibliothèque de la Compagnie de Jésus, t. x, Paris, col. 138-60, 606 sq., 651-59 ; Ilurter, Somenclator litterarius theologix catvolfcce, 3 a édit., Inspruck, 1907 ; J.Brucker.La Compagnie de Jésus, Paris, 1919, p. 138, 538, 750 ; Wernz et Schmidt, Synopsis historix Societatis Jesu (Pro nostris tantunw, Ratisbonne, 1914, p. 611-624 ; M. Ileimbucher, Die Orden und Kongregationem der katholischen Kirclie, Paderbom, 1908, t. iii, p. 131 sq. ; Scheeben, Ihiwlbueh der kathoUschen Dogmalik, Fribourg-en-Brisgau, 1873, t. i, p. 445 sq. ; traduction française par Belet, Paris, 1877, t. i, p. 695 sq. ; H. Kihn, Encyklopiidie und Méthodologie der Théologie, Fribourg-en-Brisgau, 1892, p. 413 sq. ; Christ. Pcsch, Pnelectiones dogmaticæ, 2’édit., Fribourg-en-Brisgau, 1898, 1. 1, p. 25 sq. ; D. Laurent Janssens, Prwlectiones de Deo uno, Rome, 1899, t. i, p. 19 sq. ; Bern. Bartmann, Lehr%uch der Dogmatik, Fribourg-en-Brisgau, 1911, p. 86 sq. ; Philippe Labbe, Bibliotheea antijanseniana, Paris, 1654 ; Karl Werner, Gesehichte der ncuzeitlichen christlich-kirchlichen Apologetik, Scfiaffhouse, 1867, t. v, passim.

2. Éludes ou jugements sur les principaux théologiens jésuites. — Jos. Paria, préface de Francisci Toleti… in Summam theologiiv S. Thomte Aquinatis enarratio. Home, 1869 ; Ch. Verdière Histoire de l’université d’Ingohtadt, Paris, 1887 ; B. Duhr, Geschichte der Jesuilen in den Làndern deutscher Zunge, t. i et ii, Fribourg-en-Brisgau, 1907, 1913 ; J. M. Prat, Maldonat et V Université de Paris ou Xrie siècle, Paris, 1856 ; Ant. Astrain. Historia de la Compania de Jésus en la Asistencia de Espaila, l. i, t. I, c. n : t. v, t. I, c. iv ; t. vi, t. I, c. iv, Madrid, l’.)13, 1916, 1920 ; H. Fouqueray, Histoire de la Compagnie de Jésus en France, Paris, 1910, 1. 1, t. III, c. m et xi ; Cam. de Rochemonteix, Le collège Henri IV de la Flèche, Le Mans, 1889, t. iv, c. i ; Jos. de la Servière, La théologie de Bcllarmin, Paris, 1908 ; Karl Wcrner, Franz Suarez und die Scholastik der letzteii Jahrhunderte, Ratisbonne, 1861 ; Raoul de Scoraille, François Suarez, Paris, 1821 ; J. C. Vital Chatellaln, Le P. Dents l’etau d’Orléans, jésuite. Sa vie et ses écrits, Pari>. 1884 ; I). Franz Stanonik, Diongsius Petavius, Gratz, lsTo ; I. Martin, L’Université de Pont-à-Mousson, Nancy, 1891 ; Crabmann, Die Disputationes mctapliysiciv des Front Suaret in ihrer methodischen l’igenarl und Fortwirkunq. dans le recueil Franz Suarez, Gedenkblattrr zu scinem dreiluindertfàhrtgen Todestag, Beltrûge sur Phitosophie des p. Suarez, von Six, Grabmann, Hatheger, Juancn, Biederlack. In-.pruck, 1917 ; Th. TÔreillet, Le mouvement théologiqiu n Ironie depuis ses origines jusqu’à nos jours. Paris, 1902, e. vi-xiii.

3. Apologétique.

Sforza Pallaviclnl, Vtndtcatlones S in/is Jesu, quibus multorum accusattones in ejus institutum,