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FÉS1 [TES. LA THÉOLOGIE DOGMATIQUE


tiques qui ont été publiés depuis un demi-siècle ou qui sont encore actuellement en cours de publcation.

L’idéal serait que Dieu daignât accorder à son Église un nouveau Bellarmin qui, de tant d’éléments épais, sut tirer une Stumna controversi ; v part alternent appropriée aux conditions et aux besoins de notre temps.

III. Conclusions : Valetjb de la théologie dogmatique des jésuites. — Ce qui précède montre clairement combien grande et combien variée fut l’activité des membres de la Compagnie de Jésus dans le domaine de la théologie dogmatique. Que l’apport fourni par eux ne soit pas une quantité négligeable, c’est là un fait reconnu par les écrivains qui, comme Scheeben, Schanz et autres, ont étudié l’histoire de la théologie catholique en marquant les grandes lignes de son développement et les divers facteurs qui ont contribué à son progrès. Quelques-uns de leurs témoignages ont paru au cours de cette étude.

Par contre, les attaques n’ont pas manqué ; attaques d’ailleurs très différentes par le genre et le ton. Les unes furent grossières et déloyales, celles qui venaient de gens haïssant à fond la Compagnie de Jésus, désireux avant tout de la noircir le plus possible et même de la détruire ; dans ce but, ils ont fait usage de procédés qui auraient été universellement stigmatisés s’il s’était agi d’autres victimes que les jésuites : exposé inexact de la doctrine, falsifications matérielles, citations de passages coupés à dessein et séparés du contexte qui en précise le sens, etc. De pareilles attaques ont été réfutées par des apologistes, comme le F. Duhr en Allemagne et le P. Alex. Brou en France ; elles visent beaucoup plus la théologie morale que la dogmatique.

D’autres attaques restent sur le terrain d’une opposition honnête et loyale. Ce qui a été dit jusqu’ici permettra d’y répondre brièvement. Ainsi on a prétendu ou insinué que, sous le rapport du thomisme, il y avait chez les jésuites contradiction entre la théorie et la pratique : en théorie, protestations officielles d’attachement à la doctrine de saint Thomas ; en pratique, tendances antithomistes, puisque, sur des points nombreux et importants, les théologiens jésuites s’écartent du grand docteur et de ses interprètes légitimes. En face de cette objection qu’il rapporte dans ses Yindicationes, c. xxvii, le cardinal Pallavicini se déclare profondément étonné ; il n’arrive pas à comprendre comment on prétend voir dans les théologiens de la Compagnie de Jésus des adversaires de saint Thomas, quand il est facile de montrer, l’histoire en main, tout ce qu’ils ont fait pour introduire la Somme Ihéologique et pour en assurer la prédominance dans le haut enseignement, quand la part faite dans leurs écrits à la doctrine de l’ange de l’École est si grande. On peut, dit-il, compter les points où ils s’écartent de ce docteur, mais non pas ceux où ils le suivent, tant ils sont nombreux : consentanea non numerabis, quippe innumerabilia.

Au fond, n’y aurait-il pas dans l’objection une équivoque latente sous le terme de thomisme ? Car il y a un thomisme spécial, un thomisme d’école qui renferme comme partie intégrante un certain nombre d’affirmations qui, pour avoir été longtemps soutenues dans l’Église, peuvent néanmoins êire discutées, telles les doctrinessur la prédétermination physique ad unum, sur la grâce efficace ab intrinseco, sur la prédestination absolue des élus en dehors de toute prévision des mérites, d’autres encore, données comme théologiques, mais qui semblent s’appuyer sur des postulats d’ordre métaphysique sujets a discussion. Et il y a un thomisme plus large, celui des théologiens qui s’attachent sincèrement à la doctrine de saint Thomas, qui l’acceptent dans ses grandes lignes et la suivent de grand cœur, mais sans recon nailre par le fait même comme interprétation légitime de la pensée de ce docteur toutes les interprétations qui peuvent en être données dans telle école et sans croire déroger au respect dû au grand maître si, dans des points secondaires où l’évidence n’existe pas. ils désirent examiner la valeur objective des raisons alléguées ou des postulats philosophiques qui pourraient se trouver à la base de l’affirmation. Nous avons vu que les théologiens jésuites sont thomistes dans ce sens plus large. Le rejet du thomisme au sens plus étroit, du thomisme d’école, suffit-il pour qu’on ait le droit de déclarer leur théologie antitliomiste, purement et simplement ?

D’autres ont parlé d’éclectisme à propos de l’école des jésuites, comme Scheeben dans cette phrase, op. cit., 1. 1, p. 703. « Tout en se rattachant étroitement à saint Thomas, elle inclinait vers un certain éclectisme et mettait à profit les recherches et les ressources contemporaines. ».Mais la particule atténuante dont cet auteur fait usage et l’explication qu’il ajoute à la fin de sa phrase nous avertissent encore d’éviter l’équivoque possible. Il y a véritablement éclectisme dans le sens défavorable du mot, quand des théologiens ou des philosophes cueillent dans des systèmes différents ce que chacun lui paraît offrir de bon, sans se préoccuper de voir si ces emprunts forment un système homogène et cohérent. L’écueil aurait existé si l’on avait donné suite à une pensée émise par le P. Nadal dans un écrit, De sludiis societatis, imprimé dans les Monumenta pœdagogica Soc. Jesu, p. 98 ; à savoir « qu’avec le secours de Notre-Seigneur on formât, en s’aidant de tous les scolastiques, une Somme théologique qui renfermerait toute la doctrine contenue dans leurs écrits, en conciliant les controverses de manière à faire disparaître les divergences d’école entre thomistes, scotistes ou nominalistes ; en d’autres termes, un résumé le plus succinct possible de la théologie scolastique pure et simple : quæ… puram sinceramque theologiam scholaslicam tradat, quantum fieri poterit, compendiosissime. » Rêve utopique qui, heureusement, ne tenta personne. Nadal lui-même, envoyé comme visiteur en Allemagne et mieux inspiré, posa en principe à l’université de Dillingen, en 1563, qu’on prendrait saint Thomas pour base de l’enseignement théologique : Videtur instiluendus cursus theologiæ ex D. Thoma. Ibid., p. 765. Et nous savons en quel sens la IVe Congrégation générale, réunie en 1581, se prononça, can. 9 : sequantur nostri doclores in scolastica theologia doctrinam S. Thomæ, juxta praxim in libro de Ratione sludiorum ponemlam. Pris comme système, l’éclectisme n’a donc point droit de cité ni en théologie, ni en philosophie, dans la Compagnie de Jésus. Seulement, dans les limites où s’exerce l’indépendance relative que ses constitutions et ses prescriptions ont accordée, les écrivains et les professeurs peuvent choisir, dans les cas particuliers, telle opinion qui leur semble préférable. Tel est l’éclectisme dont Suarez en particulier a tait un légitime usage, au jugement de Grabmann, op. cit., p. 5365. Faisons l’application a deux controverses qui existaient au milieu du xvie siècle, quand l’ordre nouveau prit naissance. La première concernait la conception de la Mère de Dieu, déclarée immaculée par les scot ist es, et non immaculée par les autres. Les premiers théologiens jésuites se trouvèrent en face de cette double opinion, et remarquant que la thèse scotiste était devenue beaucoup plus commune et qu’elle paraissait plus sûre, ils n’hésitèrent pas à l’adopter. Ont-ils eu tort ? L’autre question concernait la solennité des vœux et la racine des effets Juridiques qui raccompagnent : les uns prétendaient que tout était de droit naturel, ou du moins de droit divin : les autres rapportaient le tout au droit ecclésiastique. Prenant la