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    1. JÉRÔME (SAINT)##


JÉRÔME (SAINT). LMNERRANCE 13 IBl.lOl 1

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i, 12) : Dixil quidam proprius eorum prophela. Il ne faut pas s’effaroucher, dit saint Jérôme, de ce que des imposteurs comme ceux dont parle Ézéchiel sont nommés prophètes ; « car c’est l’habitude de l’Écriture de nommer tout homme de cette sorte prophète de ses propres inspirations et de ses propres discours, comme elle dit aussi prophètes de Baal, prophètes des idoles, prophètes de confusion. En d’autres termes, la Bible, lorsqu’elle donne, par adaptation à l’usage courant un titre non mérité, ne manque jamais de marquer, d’une manière ou d’une autre, <e que ce titre a de conventionnel, d’inexact ; celui qu’en pareil cas elle appelle prophète, elle le stigmatise en même temps comme prophète sans mission divine, prophète de son cru, de ses imaginations et de ses rêves à lui. En parlant ainsi, Jérôme ne fait que souligner le sens, déjà clair par lui-même, du texte qu’il avait sous les yeux, et les exemples qu’il allèguesont absolument décisifs en faveur de notre interprétation. Pour en éluder la force probante, on devrait soutenir que, d’après lui, l’Écriture, tout en disant prophète insensé, prophète de Baal, de confusion, exprime par le mot prophète une opinion erronée sans que le déterminatif ajouté la corrige.

4. In Matin., xiv, 1-9, P. L., t. xxvi, col. 96-98. — Rappelons d’abord l’objet de cette page de l’Évangile Hérode, pour complaire à Hérodiade, a jeté Jean-Baptiste en prison. Bientôt, pour satisfaire jusqu’au bout les rancunes de cette femme, il est amené, par la suite d’un serment. irréfléchi, à lui accorder la tête du prisonnier. Leꝟ. 9 nous dit l’assentiment donné à l’horrible demande : El conlristatus est rex ; propler jusjurandum autem et eos qui pariler decumbebanl, jussit dari. Sur quoi Jérôme fait ces réflexions : El conlristatus est rex. Consuetudinis Scripturarum est, ut opinionem mullorum sic narrel hisloricus, quomodo co lempore ab omnibus credebatur. Sicut Joseph ab ipsa quoque Maria appellabatur pater Jesu, ita et nunc Herodes dicitur conlristatus, quia hoc discumbentes putabant. Dissimulator enim mentis suæ etarli/exhomicidii trislitiam præjerebat in facic, cum lœlitiam haberet in mente.

Jérôme pense donc » que la tristesse d’Hérode était feinte. Il est sans doute permis d’être d’un autre avis que lui sur ce point particulier Aussi bien n’est-ce pas ce qui nous préoccupe. Ce qui nous importe ici c’est uniquement de savoir si, admettant que l’évangéliste avait recueilli une opinion erronée, Jérôme trouvait dans son texte l’indication, la rectification de l’erreur. Or l’affirmative est certaine. La simulation nous est suffisamment indiquée, au sens de Jérôme, par le f 5, El volens illum occidere, iimuil populum, quia sicut prophelam cum habebant. Car voici l’explication qu’il donne de ce verset : Scdilioncm quidem populi verebatur propler Joanncm, a quo scicbal turbas in Jordane plurimas baplizatas ; sed amore vincebatur uxoris, ob eu jus ardorem eliam Dei præccpta neglexeral. Le commentaire nous dit donc que, partagé entre deux sentiments contraires, le prince débauché et cruel penchait cependant du côté où l’entraînait la passion, retenu seulement, par la crainte du ressentiment populaire. Mais au moment où se produit la demande de Solomé, interprète de sa mère, la circonstance du serment qui avait précédé semblait légitimer le meui tre aux yeux et des courtisans et du p.blic, elle semblait même l’exiger ; et alors Hérode, débarrassé de l’inquiétude qui l’avait retenu jusque-la, ne dut plus ressent ir intérieurement que la joie de pouvoir acquiescer sans danger à la p-oposi lion. C’est du moins ainsi q’ic Jérôme a compris la situation et la narration de saint Matthieu. Voici donc comment on traduira la phrase principale du commentaire : « Il est habituel a l’Écriture de rapporter l’opinion du grand nomlue, telle qu’elle régnait au moment dis événements racontés ; » mais ce serait 1’interpréter fort mal que de ne point suppléer le

correctif imposé par le contexte : il faut sous-entendre qu’en ce cas’l’auteur sacré fournit lui-même la rectification de l’erreur commune.

5. Adversus Helvidium, 4, P. L., t. xxiii, col. 187188. — En combattant I lelvidius, qui niait la virginité de Marie poslparlum, saint Jéi Orne fut amené à rechercher les raisons du mariage de Marie et de Joseph. L’une d’elles est que, sans cette chaste union, Marie, passant pour adultère, aurait été lapidée par les Juifs, en vertu de la loi de Moïse. En effet, ajoute-t-il, personne, en ce temps-là, n’aurait cru qu’elle avait conçu du Saint-Esprit, ni que l’ange Gabriel lui avait apporté le message divin. Cependant, malgré le mariage public, pour des motifs analogues, c’est-à-dire à cause des Juifs incrédules et railleurs, il restait un secret à garder provisoirement. Il le fut si bien, qu’à part Joseph, Elisabeth, Marie elle-même et peut-être l’un ou l’autre confident discret, tout le monde regardait Jésus comme le fils de Joseph. Et le commentateur continue en ces termes : Exceplo Joseph, et Elisabeth, et Maria, paucisque admodum, si quos ab his audisse possumus seslimare, omnes Jesum filium sestimabant Joseph ; in tantum ut eliam evangelistæ, opinionem vulgi exprimentes, quæ vera historiée lex est, patrem eum dixerinl Salvatoris ut ibi : … « Et cum inducerent parentes ejus puerum Jesum… » Et alibi’: iEt erant pater ejus et mater admirantes … » Et rursum : « El ibant parentes ejus… » 7psa quoque Maria, quæ ad Gabrielem responderat dicens :

  • Quomodo erit hoc, quiavirum non cognovi (Luc, i, 34), »

quid de Joseph loquitur ausculta : « Fili, quid fecisti nobis sic. Ecce pater luus et ego dolentes quærebamus te… » Evangelistæ patrem Joseph dicunt, patrem Maria confiletur. Non quod, ut superius indicavi, vere pater fueril Salvatoris ; sed quod ad famam Mariée conservandam, pater sit ab omnibus œstimatus, qui antequam moneretur ab angelo : « Joseph, pli David, ne limueris accipere Mariam conjugem tuam, quod enim in eanalum est, de Spirilu Sanclo est (Matth., i, 20), » cogitabat occulte dimiltere eam. In tantum suum non esse qui conceptus jueral confidebat.

Les mots : Eoangelislse opinionem vulgi exprimentes, quæ vera historiæ lex est, étonnent de prime abord : à les lire, il semblerait que recueillir et perpétuer les opinions du vulgaire, c’est, selon saint Jérôme, la vraie loi, le rôle véritable de l’histoire. Mais si Jérôme ne concevait l’histoire, tant profane que biblique (car sa maxime est générale), que comme un recueil de ce genre, s’il ne la concevait pas du moins sans le mélange obligé des erreurs populaires, il faudrait reconnaître qu’il a dit une énormité, et lui refuser tout crédit. Ses annotateurs Vallarsi et Maffei ont sans doute pris les mots en ce sens. Ils en suspectent l’authenticité, en se fondant sur le manuscrit de Vérone, dans lequel on ne les trouve pas. Mais nous n’avons nul besoin de cette hypothèse pour échapper à la difficulté. D’ailleurs l’accord des sources manuscrites s’y oppose. Puis, frappante est l’analogie de la phrase que nous examinons avec plusieurs autres qui ont été discutées ci-dessus ; frappante surtout son analogie avec la seconde formule notée dans le commentaire sur Jérémie : Histori : r veritas ci ordo servatur juxta id quod eo lempore credebatur. Ce texte a donc toutes chances d’être authentique. Au surplus, bien expliqué, il nous aidera à pénétrer jusqu’au fond de la pensée de saint Jérôme.

Les mots dont il s’agit doivent naturellement s’Interpréter en regard des passages parallèles ; ils en recevront et ils y projet Ici ont un sure roît de lumière. Mais même à ne’les considérer que dans leur contexte, nous leur trouvons un sens très raisonnable et non inoins évident. Qu’on relise’simplement les courts extraits reproduits ci-dessus, et l’on y verra sans peine que le tout peut se résumer ainsi : les évangélistes, en racontant eux-mêmes les faits, ou en rapportant les paroles de