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JÉRÔME (SAINT) L INERRANCE BIBLIQU]

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interprétation raisonnable, il est fait appel au sens mystique ; l’Évangile, en effet, est de sa nature. nécessairement vrai, et il se pourrait qu’en s’attachant exclusivement a la lettre, on en bouleversât complètement l’économie : Hujus naturæ est, ut non possit aliud esse quam verum est… Si quis tantum lilteram sequitur, posteriora ponit in faciem. In Gal., i, 6, t.xxvi, col. 319. Voici deux applications remarquables <le cette règle. D’après Gen., xii, 4, Tharé comptait .-oixante-dix ans d’âge lorsqu’un (ils, Abraham, lui naquit, et celui-ci était lui-même, âgé de soixante-quinze ans quand il quitta Haran et la Mésopotamie ; suivant un autre endroit, Tharé vécut encore 135 ans après la naissance de son fils ; et mourut avant son expatriation ; pour mettre ces données d’accord, il est permis de ne compter les années d’Abraham qu’à partir du jour ou il inaugura une vie nouvelle par sa conversion au culte du vrai Dieu ; Quæst. in Gènes., t. xxii, col. 957. Le même procédé nous donnera la véritable intelligence de la prophétie de Zacharie rapportée, Matth., xxi, 45. Le prophète avait annoncé l’entrée triomphale du Messie à Jérusalem en ces termes : Ecce rex tuus venit libi mansuetus, sedens super asinam et pullum filium subjugalis. Or, pour le court trajet de Bethphagé à la ville sainte. Jésus n’a pu utiliser deux montures à la fois ; le sens littéral impliquerait ou une impossibilité ou une ridicule inconvenance, et nous sommes ainsi amenés à de plus hautes pensées : cum historia vel impossibilitatem habeat, tel turpitudinem, ad altiora transmittimur : l’ânesse, c’est la synagogue, véritable subjugalis, parce qu’elle avait porté le joug de la loi mosaïque, et l’ànon est la multitude des gentils, qui avait jusque-là folâtré ou erré en liberté. In Matth., xxi, 5, t. xxvi, col. 153. Nous pourrions facilement allonger la liste de ces exemples. Chacun du reste aura remarqué ce que certaines explications proposées ont de forcé, d’invraisemblable, et comment Jérôme lui-même s’en rendait compte. L’ensemble établit d’autant mieux combien il avait à cœur d’épargner, à tout prix, à l’Écriture Je déshonneur d’une affirmation quelconque contraire à la vérité. Si une exception lui eût paru possible, que de fois et avec quel empressement, pour sortir de peine, pour repousser les sophismes ou les railleries des incrédules, il aurait employé ce moyen radical et, dans l’hypothèse, si naturel ! Mais jamais il ne l’a fait ; jamais, même en face des questions les plus embarrassantes, même dans ces heures qu’il trouvait angoissantes, cœpi meewn lacilus sestuare, Epist., xxxvi, 10, t. xxii, col. 456, il n’y a songé ; tant sa conviction en cette matière était inébranlable. Plutôt, dit-il, que d’imaginer une erreur dans les livres inspirés, il croirait à la violation de toutes les lois de la nature. Ainsi, du rapprochement de plusieurs nombre des livres des Rois et des Paralipomènes il semblerait résulter que Salomon, âgé seulement de 10 ou Il ans, aurait engendré un fds, et l’on arrive à une conclusion identique relativement à Achaz. Quelque incroyables que paraissent des faits de ce yenre, il faudrait les admettre sur l’autorité de la liible, si l’authenticité des textes était à l’abri de toute contestation : Cum et ipsum authenlicum et cseteri interprètes pari auctoritate consenlianl, non in Scriptura, sed in sensu est difficullas. Quis enim crederet mortalium, ut^undecim annorum puer generarel filium ? Multa i-t alia dicuntur in Scripturis, quee videntur incredibilia, et tamen vera sunt. Neque enim valet natura entra naturm Dominum : aut potest vas figulo dicere : qtiare me ita fecisti, aut ila ? Epist., lxxii, 2, t. xxii, col, G73 sq. Gardons-nous donc d’imiter les Septante, qui ont omis, par-ci, par-là, dans leur version, des détails qu’ils ne comprenaient pas. Melius est autem in divinis li bris Jjransf erre quod diclum est, licel non intelligas

quarc diclum sit, quam au/erre quod nescias, Alioquin et mulla alia, qua ineffabilia sunt et humanus animas capere non potest, hue licenlia delebuntur. Cette affirmation de la croyance duc aux faits les plus merveilleux, connue aux mystères les plus impénétrables, dès qu’ils sont consignés dans la Bible, se retrouve longuement développée dans une page du commentaire In Philemon., t. xxvi, col. 608, 609. Ce passage est d’une importance capitale, et on l’a nommé justement le « Credo scripturaire » de saint Jérôme. Cf. Delattre, A’itour de la question biblique, p. 54. Il clora dignement la série de ses témoignages sur la véracité absolue des Livres saints. Après un premier et succinct énoncé de son idée, l’auteur y revient pour l’expliquer en détail et l’inculquer avec force :

Quod autem dico taie est : crédit quispiam in condilorcm Deum : non potest credere, nisi prius crediderit de sanctis cjus vera esse quas scripla sunt : Adam a Dca plasmatum, Ev m ex costa illius et lalere fabricalam, Enoch iranslatum. Xoe naujrago solum orbe servatum ; quod primus Abraham de terra sua et de cognationc jussus exire, circumeisionem quam in signum fuluræ prolis acceperat posteris dereliquit ; quod Isaac oblalus victima sit, et pro illo aries immolalus coronatusque senlibus passionem Domini deformarit ; quod Moi/ses et Aaron decem plagis JEgyptum afflixcrint ; quod ad vocem Jesu filii Nave precesque steteril sol in Gabaon, et luna in valle Ailon. Longum est universa Judicum gesta percurrere, et totam Samson fabulam ad veri solis (hoc quippe nomene ; us sonat) trahere sacramentum. Ad Regum libros venio, quando in tempore messis, obsecrante Samuele, pluviæ de cœlo et flumina repente manarunt ; et David unctus in regem est ; et Nathan et Gad prophetaverunt mijsleria ; cum Elias igneo raptus est curru, et Elisœus spirilu duplici mortuus mortuum suscitavit. Hsec et cætera quæ de sanctis scripta sunt nisi quis universa crediderit, in Deum sanctorum credere non valebit ; nec adduci ad (idem Veleris Testamenti. nisi quæcumque de patriarchis et prophetis et aliis insignibus viris narrât historia comprobarit : ut ex ftde Legis ad fidem venial Evangelii, et justitia Dei in eo reveletur ex ftde in fidem, sicut scriptum est : Justus autem meus ex ftde vivit. — Je n’ai pas besoin de remarquer que le mot fabula, dans ce contexte, comme ailleurs dans saint Jérôme et souvent dans les classiques latins, s’entend d’un récit véridique.

Après toutes ces déclarations en faveur de l’inerrance scripturaire, on comprend combien saint Augustin, envoyant à Jérôme sa célèbre profession de foi sur ce point, avait raison de se croire et de se dire complètement d’accord avec lui. Epist., cxvi inler Hieronijmianas, 3, P. L., t. xxii, col. 937 : Ego enim faleor carilali luse, solis eis Scripturarum libris, qui jum canonici appellantur, didici hune limoren honoremque déferre, ut nullum eorum auctorem scribendo aliquid errasse ftrmissime credam. AI si aliquid in eis offende.ro litteris quod videatur conlrarium verilali, nihil aliud quam vel mendosum esse codicem, vel inlerprelem non asseculum esse quod dictum est, vel me minime intellexisse non ambigam… Nec te, mi frater, sentire aliquid aliter existimo.

3. Assertions de Jérôme à ion Hier avec sa d<>ctr. tugénérale. — Quelques passages des commentaires de saint Jérôme pourront causer une impression de surprise, parce qu’ils semblent admettre la possibilité d’erreurs dans l’Écriture. Mais très souvent tout étonnement disparaîtra si l’on veut seulement prendre garde à la manière dont l’auteur procède en ce ^enre de compositions : il a pour principe qu’un commentateur peut et qu’il doit Fréquemment rap porter les opinions les plus diverses sans en apprécier la valeur ni même en indiquer les sources, et en laissant