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cultes que peuvent offrir au premier abord plusieurs autres passages, par exemple au I. VIII, c. xx : Sed nec veneni, lied videam ab inftdclibus aliquando usurpation, .rLLo nunqoam jure indvltvm i.eoo LiCEXTiAM. Non (jitod tyrannos de medio lollendos non esse crcdam, sed sine reliyionis honeslatisque dispendio. Il est à remarquer que dans ce dernier passage, comme dans le précédent, l’auteur n’autorise les particuliers à tuer un tyran que dans le cas où la loi le permet. Car s’il défend l’usage du poison à l’égard d’un tyran, c’est uniquement par la raison, que ce moyen n’est permis par aucune loi.

Aussi bien, lorsqu’au xv siècle, un franciscain nommé Jean Petit osa soutenir la thèse suivante : « Il est permis à tout sujet de tuer ou de faire tuer un vassal criminel ou un tyran infidèle (8 mars 1408), » il tenta vainement de s’appuyer sur Jean de Salisbury ; le chancelier Gerson se déclara nettement contre son assertion en invoquant notre docteur et saint Thomas. L’université de Paris condamna la théorie de Jean Petit, qui fut réprouvée également par le concile de Constance. Bref ni alors, ni plus tard, quand on voulut faire aux jésuites un grief de soutenir le tyrannicide, le nom de Jean de Salisbury ne fut prononcé : on connaissait pourtant ses ouvrages. Voir Tyrranicide.

Le pouvoir du pape sur le temporel des rois.


Gosselin, que nous venons de citer, reconnaît en effet que l’évêque de Chartres soutient l’opinion d’un pouvoir direct de l’Église et du pape sur les choses temporelles : « C’est, dit-il, le premier auteur a notre connaissance qui ait soutenu cette opinion : il eut peu de partisans avant le xme siècle. » Op. cil., p. 448, note 2. Pour.Jean de Salisbury, l’Église et le souverain pontife ont reçu immédiatement de Dieu un plein pouvoir de gouverner le monde, tant pour le spirituel que pour le temporel, de telle sorte néanmoins qu’ils doivent exercer par eux-mêmes le pouvoir spirituel et confier aux princes séculiers le pouvoir temporel : ainsi le prince n’est que le ministre de l’Église. Cette opinion est exposée et soutenue ouvertement dans le Policralictis, t. IV, c. î et m

Il est intéressant de voir cette doctrine se manifester aussi catégoriquement en ce milieu du xii< siècle. C’est la systématisation dans le domaine de la théorie, d’une pratique qui devenait de plus en plus courante, au fur et à mesure que se renforçait le pouvoir de l’Église. Jean de Salisbury parle déjà comme les cano nistes et le théologiens de la génération suivante. Mais sa pensée manque encore de toutes les nuances que la réflexion théologique finira par introduire dans cette délicate matière.

lOuvrages généraux. Les histoires littéraires : Cave, Scriptores ecclesiastici, I. a, p. 243 ; Ceillier, Histoire des ailleurs sacres, i. win, p. 279 ; Oudin, Scriptores ecclesiastici, t. d, p. 303 ; Fabricius, Bibliotheca latina média ei infimm tetatis, t.r, p. 370 ; DuPIn, Nouvelle bibliothèque’les

auteurs ecclésiastiques, t. i, p. lt.7 : Histoire littéraire de la

France, t. i. p. 89-161. Les histoires de la philosophie médiévale, en particulier l taureau, Histoire Je la philosophie scolastique, Paris, 1N72, (. i, p. 533 ; a. Clerval, Les écoles « ’c Chartres au moyen i’ujc, Paris, 1895, ». 180. Unefaui pas négliger non plus les ouvrages généraux anglais : Dictionarg of national Btography, t. x, p. 876 ; The catholic Encyclopedia, t. viii, p. 178 ; Biographi’a britannica Utteraria, l. ii, p. 230. Enfin des travaux d’ordre moins général, tels que Leyser, Poète medii eevt, 1721, p. 445 ; Liroa.BibllothèqueChariratne, 1719, p. 71 sq. ; R. Poole, Illustrations ofthehistoryo/ médiéval Ihought, Londres, 1884 ; v. Slubbs, Seventeen lectures, , u the $tndy o) médiéval and modem history, Londres, 1886 ; Norgate, England under the angevin ktngs, i ondres, i*s7.

II. TRAVA1 PARTICl mi us. M. 1)cmiiiiiiid, Jean de

Salisbury, Paris, is7 :  ;  : p. Gennrich, Zur Chronologie des Leben } <hann< von Salh bury, dans Zettschrtft fur Kirchengeschichte, 1892, t. un, ». 544sq. ; R. Paull, Ueber die Kir chenpolitische Werksamkeit des Johannes Sarisberiensis, dans Zeitschrifi /iir Kirchenrreht, 1881, t. xvi, p. 265 sq. ; H. Keuter, Johannes von Salisbury, zur Geschichte der christlichen Wissenschafi bn XII Jahrhunderl, Berlin, 1848 ; C. Schaarschmidt, Johannes Saresberiensis nach Leben und Studten, Schri/ten und Philosophie, Leipzig, 1862 (le meilleur ouvrajje qui ait paru sur Jean de Salisbury).

.1. Baudot

70. JEAN DE SÉGOVIE, théologien espagnol, qui joua un rôle considérable au concile de Bâle. Il faut le distinguer d’un autre Jean de Ségovie, dominicain du xvi c siècle, sur lequel on trouvera l’essentiel dans Quétif-Echard, Scriptores ordinis prædicatorum, t. ii, p. 3Il sq.

I. Vie.

On est très mal renseigné sur la famille, les premières années, les débuts dans la théologie de Jean de Ségovie. Il est fort possible qu’il se soit appelé « de Contreras », et que le nom de Ségovie soit simplement le nom de la petite ville castillane, où il naquit dans les dernières années du xive siècle. Qu’il ait été frère mineur, cela semble tout ù fait invraisemblable, bien qu’on l’ait prétendu. En 1432, il était depuis peu de temps en possession de la première chaire de théologie à l’université de Salamanque, titulaire par ailleurs de plusieurs bénéfices, entre autres d’un canonicat à Tolède, et de la dignité d’archidiacre de Villaviciosa. Au printemps de 1433, Jean est envoyé au concile de Bâle, comme représentant du toi de Castille et de l’université. Ses connaissances théologiques le firent vite remarquer ; d’ailleurs Jean se rangea, dès son arrivée, parmi les plus audacieux représentants de la théorie conciliaire. Tout pénétré de la doctrine de la prééminence du concile sur le pape, dans les matières touchant au dogme, à la morale et à la réforme de l’Église, le théologien espagnol fit ses débuts lors de la discussion soulevée par l’arrivée à Bâle, en février 1434, des cardinaux envoyés par Eugène IV pour présider le concile. Dans la commission nommée pour examiner cette affaire, Jean soutint qu’admettre, sans autre précaution, les présidents désignés par le pape, c’était porter atteinte à la prééminence du concile, représentation de l’Église, au jugement duquel le pape même est soumis, n’étant que le premier serviteur et le membre le plus noble du corps mystique du Christ. Ce discours fut publié. comme étant l’expression exacte des idées professées par la majorité du concile. On retrouve Jean, en juin 1 134, dans la commission chargée d’examiner la question des annales ; il y réclamait la suppression d’un abus aussi dangereux pour L’Église. De septembre 143 1 à mars 1436, Jean est absent de Bâle, ayant accompagné le cardinal Cervantes dans un voyage en Italie, où l’on devail négocier avec Eugène IV. Quand, au printemps de 1 136, Ségovie rentre à Bâle, il s’occupe activement de faire définir par le concile l’Immaculée Conception de Marie : de même il est mêlé a la discussion avec les hussiles relativement à l’usage du calice, consulte par la commission qui est chargée de la réunion des grecs avec L’Église romaine. Mais pendant ce temps l’atmosphère du concile se chargeait dorage ; bientôl la lutte se déclarait ouvertement entre le pape et le concile. La logique de ses Idées devait amener le docteur de Salamanque à prendre position contre le pape. On le voit en effet figurer comme témoin a charge dans le procès engagé contre Eugène IV ei qui traîne en longueur de la fin de. 1 437au 2. r > juin 1 139. On notera pourtant, que. Jean ne se départit jamais d’une certaine modération. Quand, en septembre L439, il s’agira de répondre à la constitution Mot/ses par laquelle Eugène IV avait frappé d’anathème les membres du concile, Jean, contrairement au cardinal Louis Aleman, estimera inutile et dangereux de riposter aux censures pontificales par un anathème conciliaire. Il finira par faire adopter une formule qui se