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JEAN DE LA CRi » IX (SAINT) DOCTRINE

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positivement de leur salut ; mais elles ignorent la durée de leurs peines et surtout, ne voient pas en elles-mêmes une cause qui les ferait cesser ; elles n’ont l’expérience que de leur misère, et non de l’amour que cependant elles donnent à Dieu consciemment et de tout leur pouvoir. Une telle douleur s’explique par la nature de l’amour, et l’absence de l’Aimé.

Après le tableau des souffrances, voici les effets admirables d’illumination intérieure, § v ; ce n’est pas Dieu qui torture intentionnellement, c’est l’âme qui pâtit de sa propre résistance, § vi.

Le second vers de la première strophe célèbre le commencement d’une véhémente passion d’amour divin, fruit des rigoureuses épreuves, qui pourtant ne sont pas terminées. L’auteur annonce les règles pour discerner les mouvements naturels des surnaturels : il émimère les propriétés de la contemplation ou théologie mystique, d’après saint Thomas. Elle est secrète, ignorée des créatures, même du démon ; l’état qu’elle détermine est sujet à des fluctuations, d’où l’image « Par l’escalier secret je suis sortie déguisée, » str. II. vs. 1 ; la contemplation est science d’amour, connaissance infuse et amoureuse de Dieu, illuminant l’âme et l’embrasant pour l’élever graduellement jusqu’à Dieu son créateur. Str. II, vs. 2. Les degrés de l’escalier se reconnaissent aux effets, on ne peut les voir en eux-mêmes par voie naturelle ; ces effets sont, d’après saint Bernard et saint Thomas, les dix degrés de l’échelle mystique ; noter que sans l’humilité on ne peut se maintenir sur aucun degré. Celui qui meurt lorsqu’il se trouve sur le neuvième, ne passe point par le purgatoire. Le dixième degré appartient au ciel. L’auteur achève sa matière en expliquant la « cachette » de l’âme ; « Quand Dieu la visite par l’intermédiaire du bon ange, l’âme ne marche pas encore totalement dans l’obscurité et en secret. Mais lorsque Dieu la visite par lui-même, elle est cachée à l’ennemi ; la Divine Majesté demeure substantiellement dans rame ; ni ange, ni démon ne parviennent à connaître leurs communications réciproques ; ce sont les touches substantielles de divine union entre l’âmeet Dieu, le degré suprême d’oraison. » Str. II, vs. 4. L’âme est établie dairs un état de paix semblable à l’état d’innocence d’Adam, quoique n’étant pas tout à fait délivrée de toutes les tentations de sa partie inférieure, vs. 5. La Nuit obscure se termine ici par une très brève exposition de la strophe 3e, sans commentaire développé.

2° La Vive flamme d’amour commente les quatre strophes du cantique chanté par l’âme parvenue à l’état de transformation en Dieu, mais dans un degré d’amour plus consommé, plus parfait, qui lance des étincelles et des flammes. Sous l’influence des profondes et délicates douceurs de l’amour, elle dit quelques-uns de ses merveilleux effets. Ici surtout saint Jean de la Croix se révèle docteur mystique par excellence ; mais il est aussi à l’occasion, théologien de la mystique.

Le traité de la Vive flamme se refuse au résumé analytique. Il est tout entier descriptif. Un souille de vie Intense anime la pensée ; le style est enflammé, enthousiaste, d’une éloquence fortement communicative. « On a dit a juste titre que pour parler de l’amour divin avec plus de pénétration, il faudrait avoir joui de la béatitude même. Les pages écrites par sainte Thérèse s Ur ce sujet, pour admirables qu’elles soient, n’atteignent pas la profondeur de vues, ni la puissance d’expression de saint Jean. Se trouvant en présence de l’infini obscur, puisque l’amour de Dieu c’est Dieu même, le saint ne fait que décrire les impressions qu’il a reçues, seul moyen qui reste à la disposition de l’intelligence dans cet état exceptionnel. Bien qu il s’en défende, et c’est l’opinion

du P. Gerardo, il fait le récit île son expérience personnelle, et nous a donné ainsi une sublime contemplation de l’amour le plus qualifié plutôt qu’un traité. » Hoornacrt, op. cit., t. iii, avant-propos, p. xxxiv

L’objet de la Vive flamme est, nous l’avons dit, l’état de transformation en Dieu par l’amour. La première strophe expose le fait que l’âme étant toute à Dieu par l’amour, et blessée à mort, désire l’union parfaite, éternelle et immuable. La seconde strophe décrit les effets produits dans l’âme par cet amour ; ils sont figurés par le cautère, la plaie, la touche, la main. La troisiènre cirante l’amour que l’âme, dans cet état, rend au Bien-Aimé, capable qu’elle est de connaître et d’aimer ; l’amant n’est satisfait que lorsque toutes ses capacités s’occupent dans l’Aimé. Et dans la quatrième il s’agit des retours ineffables de Dieu vers l’âme. Notons simplement, au courant de la lecture, quelques points de doctrine.

C’est à l’Esprit-Saint, ’l’esprit de Jésus, que saint Jean attribue toute l’œuvre. Ce même feu divin qui glorifie au ciel, purifie ici-bas, et par là dispose à l’union transformante. L’Esprit-Saint est le principe moteur de tous les actes et opère dans le « centre » de l’âme. Il n’y avait pas jusqu’ici acte d’amour proprement dit, quand l’âme agissait como de suyo * par elle-même » ; alors c’était disposition à cet amour, c’est-à-dire dispositions en désirs et sentiments successifs, que nunca llegan à ser aclos perfectos, « qui n’arrivent jamais à être des actes parfaits. » (La première rédaction de la Vive flamme porte : que muij pocos llegan à ser actos perfectos de amor à conlemplaciôn « dont bien peu arrivent à être des acte^ parfaits d’amour de contemplation, » nuance qu’il importait de signaler, op. cit., t. ri, p. 406, str. I, vs. 6). Les actes spirituels sont infusés par Dieu (ibid). L’âme doit s’exercer ici-bas à l’amour. Peu d’âmes parviennent à un état si élevé, et il est accordé principalement à ceux dont l’espr it et la vertu doit passer à des disciples, Dieu donnant les prémices aux chefs dans la mesure proportionnée à la postérité qu’il leur destine. Str. II, vs. 2, p. 414. Dieu permet que le corps même porte les traces des blessures de l’âme, comme en saint François d’Assise. Les délices sont plus intenses, et saisissent plus subitement, lorsque l’âme seule est blessée, et non la chair ; néanmoins un puissant effet spirituel peut se répercuter dans le sens. Qu’est-ce que la « touche » mystérieuse ? « Vous m’avez touché de la splendeur de votre gloire et de la figure de votre substance, qui est votre Fils ; c’est Lui qui est cette touche délicate dont vous m’avez atteint avec la force du cautère », touche substantielle, de la substance de Dieu à la substance de l’âme ; beaucoup de saints l’ont expérimentée ici-bas. Elle contient une saveur de vie éternelle, non au degré parfait, mais très réelle cependant ; l’âme en jouit selon ses puissances et selon sa substance ; le corps lui-même s’en ressent, quelquefois jusqu’aux extrêmes articulations des pieds et des mains. Saint Jean revient ici sur un de ses thèmes favoris : la nécessité de porter la croix de Jésus. « C’est le moment de dire pourquoi il en est si peu qui arrivent à ce haut état de perfection ; le motif n’en est pas i que Dieu désire qu’il y ait peu d’âmes élevées, » … que no es, porque Bios quiera que haya pocos espiritus levanlados ; Il voudrait au contraire que toutes fussent parfaites, mais Il trouve peu de vases capables d’une œuvre si sublime : on refuse toute souffrance, et en même temps on liésire devenir parlait. (La variante du ras. de Burgos présente le même sens : No es porque nu quiera que hubiese machos de los espiritus levantados. « Ce n’est pas qu’il ne désire qu’il y ait beaucoup d’an tr. H, vs. 5. Nous l’avons

notée ici ((pendant, vu l’importance doctrinale de ce texte. Comparer avec la Nuit obscure, str. I, ii,