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747 JEAN DAMASCÈNE (SAINT). INFLUENCE SUR LA THÉOL. ORIENTALE 748

Notre docteur voit l’origine de toutes les hérésies christologiqu.es dans la confusion des ternies nature et hypostase. Le groupe nestorien et le groupe monophysite sont d’accord pour proclamer le principe inconciliable avec le dogme catholique. : « Pas de nature sans hypostase ; toute nature est aussi hypostase. » Contra jacobitas, 2, col. 1438 ; De duabus volunt., 20, col. 152 a ; De fide orth., iii, 3, col. 992. L’hérésie monothélite elle-même repose sur la confusion entre le vouloir naturel, to OéXeiv, tô 0éXr ( |i.a çuoixôv, et le vouloir hypostatique, -tô rewç ÔéXeiv, to 6sXr, u.a yvw[xixôv. De duabus volunt., toc. cil.

Au demeurant, Jean n’ignore pas qu’il y a plusieurs sortes de monophysismes. Il n’a garde de confondre l’eutychianisme proprement dit avec la doctrine de ceux qu’il appelle acéphales, jacobiles, égyptiens ou schismaliques. Ces derniers sont de vrais logomaques. Ils ne confondent pas et distinguent bien, même après l’union, l’humanité et la divinité dans le Christ, et les propriétés de l’une et de l’autre en qualité naturelle, èv 7to16T7)Ti (puoixTJ ; mais par une peur ridicule du nestorianisme, ils se refusent à compter les deux rpûaeiç du Christ après l’union. Ils n’admettent qu’une seule cpûaiç composée, fjda çûaiç oôvŒtoç. On peut dire qu’ils pensent d’une manière orthodoxe en employant une terminologie qui sent l’hérésie. Ce sont, du reste, de vrais hérétiques, puisqu’ils rejettent le concile œcuménique de Chalcédoine, et condamnent la formule dogmatique que ce concile a canonisée. De hæres., col. 741 ; Contra jacob., 14-18, col. 1444-1445.

Le long extrait du Diélèie du jacobite Jean Philopon donné dans le De hæres., col. 744-754, est du plus haut intérêt. On y saisit sur le vif le déficit de la théologie monophysite. Il lui manque une définition exacte de l’hypostase. Philopon confond l’hypostase avec les notes individualités, et s’en tient à la vague définition donnée autrefois par saint Basile. Par ailleurs, il a bien saisi le caractère fictif de l’unique prosopon nestorien, que le Damascène dénonce lui aussi en plusieurs endroits, lbid., col. 749-751.

Signalons que les maronites sont mis au nombre des hérétiques en deux endroits : De recta sententia libellus, col. 1432 c ; De hymno trisagio, 5, t. xcv, col. 33 b. Jean ne dit pas positivement en quoi consiste leur erreur. Il affirme simplement qu’ils acceptent l’addition de Pierre le Foulon au Trisagion. On sait, par ailleurs, qu’à cette époque, ils étaient monothélites.

Dans sa controverse avec les jacobites, Jean ne pouvait se dispenser de parler de la célèbre formule [lia. çùctiç toû 0eoij Aôyou cecapxcouiv’y) », attribuée à saint Athanasc et souvent employée par Cyrille d’Alexandrie. Tl en donne deux explications. Suivant la première, le mot tpôaiç de la formule doit s’entendre directement de la nature divine en tant que possédée par Dieu le Verbe. La nature humaine est indiquée par le participe aEaapxco|iiv7). D’après la seconde, Athanase et Cyrille oui attribué abusive ment, xaTaj(prjCîTi>twç xal où xopîcoç, le sens d’ÛTrôa-Taaiç au tenue cpuaiç. Toute hypostase, en effet, est aussi une nature — une nature et quelque chose de plus —, mais l’inverse n’est pas vrai. De fide orthod., t. III, 11, col. 1025 ; Contra jacobitas, 52, col. 1 160 1461 ; De natura compos., 3, t. x(.v. col. 116-117.

Travaux sur la doctrine de S. Jean Damascène. — Plusieurs des ouvrages signalés à propos des écrits traitent aussi de la doctrine, notamment celui <le Langen, celui de Lupton et celui de Grundlehncr. De toutes les parties de la théologie damascénienne, c’est la théologie trinitaire qui a été le plus étudiée. Voir sur ce point les Études de théologie positive sur le dogme de la Trinité du P. de Régnon, 1. 1, h et iv, passtm, et la monographie de J. Bllz, Die

Trinitàtslehre des ht Johannes von Damaskus, Paderborn, 190p. L’ouvrage de V. Ermoni, S. Jean Damascène, Paris. 1904 (coll. La pensée chrétienne) est moins une étude qu’un recueil de morceaux choisis disposés dans l’ordre classique des manuels de philosophie et de théologie. L’auteur nous paraît exagérer fort l’aristotélisme de Jean Damascène. Tixcront, Histoire des dogmes dans l’antiquité chrétienne, t. iii, p. 458-462, donne un bon résumé de la doctrine de Jean sur le culte des images. Son chapitre sur la théologie de saint Jean Damascène, ibid., p. 484-513, excellent en certaines de ses parties, est en déficit sur plusieurs points, notamment sur l’état primitif de l’homme, le péché originel, la prédestination, la grâce, les sacrements en général, les fins dernières. l’Église ; J. Bach, Dogmengeschischte des Mittelalters, 1° partie, Vienne, 1873, p. 49-78. — Sur la doctrine des images, voir K. Schwarzlose, Der Bilderstreit, Gotha, 1890, p. 126-223. — Sur la doctrine eucharistique, Steitz, Jahrbùcher fur deutsche Theologie, t. xii (1867), p. 275-286. — Plusieurs théologiens russes se sont occupés de la théologie de S. Jean Damascène. Signalons l’article signé A. B., paru dans la revue Strannik, 1864, t. iv, p. 71103, sous le titre : Le premier système de théologie dogmatique ; A. Tzarevsky, Saint Jean Damascène considéré comme théologien orthodoxe et hymnographe ecclésiastique, Kazan, 1901 ; Nie. Bogorodsky, Enseignement de S. Jean Damascène sur la procession du Saint-Esprit confronté avec les thèses des Conférences de Bonn (1876), Saint-Pétersbourg, 1879, Voir encore : Apostolidès, r.iy.’Icoàvvovi toû vau.ao ~XT)Voû, 1838 ; D. Ainslee, John of Damaskus, 3e édit., Londres, 1903.

Dans son exposé de la théologie de Photius, Hergenrôther se réfère continuellement à la doctrine de S. Jean Damascène, Photius, Palriarch von Constantinopel, t. iii, p. 357652, passim.

IV. Influence de saint Jean Damascène sir la théologie de l’Orient et de l’Occident. —

Influence sur la théologie byzantine et gréco-slave.


Il est fort difficile d’apprécier l’influence exercée par saint Jean Damascène sur la théologie byzantine, d’abord, parce que cette théologie est encore imparfaitement connue, la plus grande partie de ses matériaux étant inédits ; ensuite, parce que les Byzantins ont communément l’habitude de piller leurs devanciers, sans les nommer. Il n’y a pas à douter, cependant, que cette influence n’ait été considérable. 11 suffit par exemple, de comparer le court résumé que nous venons de donner de la théologie damascénienne avec l’exposé de la théologie photienne écrit par Hergenrôther, dans son troisième volume sur Photius, pour s’apercevoir que ce dernier ne fait guère que reproduire — sauf sur la procession du Saint-Esprit et quelques questions secondaires —, la pensée, et souvent le texte du docteur de Damas. De même, en parcourant les Chapitres theologiques de Michel Glykas (t début du xme siècle), publiés récemment en deux volumes, S. Eustratiadès, MixarjX toû TXuxà elç tocç adoptai ; TÎjç 0eiaç ypaqrôjç xeçâXaia, Athènes-Alexandrie, 1900-1912, on voit, que parmi les Pères cités, le Damascène occupe une place d’honneur et n’est déliassé que par Grégoire de Nazianze et Jean Chrysostome. Dans la seconde moitié du xme siècle, au moment de l’ardente controverse entre Grecs et Latins sur la procession du Saint-Esprit, le parti unioniste de Byzance, ayant à sa tête Jean Beccos, lit valoir l’autorité de noire ilocieur en faveur du dogme catholique. L’adversaire de Beccos, le fameux Georges de Chypre, qui devint pal riarche d< Constantinople sous le nom de Grégoire II (1283-1289). lui si embarrassé par un texte de la Foi orthodoxe (l. I. 12. col. 848 d : SiàA6you 7rpo(30>.eùi ; èxçavxoptxoû lIvsôu.aToç). que pour ne pas rendre les armes, il inventa une nouvelle théorie, différente de la doctrine photienne, et parla d’une manifestation éternelle du Saint-Espril par le Fils. Voir l’article (, i oRoi s de Chypre, t. vi.col. 1231-1235. Déjà, avant Beccos. le savant Nicéphore Blemmidès avait démontré l’accord foncier de la doctrine damascénienne