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[S II.. PR0PHÉ1 I I. DE L’EMMANI EL

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Knabenbauer, op. cit., p. 187, entend ce t 16 de l’état de la Palestine à l’époque romaine : Avant l’époque où le Messie y mènera une vie humble et pauvre, la terre d’Israël aura ete dévastée, c’est-à-dire privée de son autonomie. Mais il est évident par tout le contexte et spécialement parles versets 17-20 qu’il s’agit .l’une dévastation prochaine dont Achaz sera encore témoin et dont lis Assyriens seront les auteurs. Il faillira résoudre autrement la difficulté créée par l’association d’Emmanuel à des événements qui paraissent contemporains d’isaïe. En partant du fait qu’il s’agit d’une dévastation prochaine de la terre d’Israël et de Damas par l’Assyrie, on explique d’ordinaire le t 10 et sa connexion avec les versets 17-20 de la façon suivante : [sale va annoncer au t 17 les maux qui fondront sur Achaz et sur son peuple en châtiment de l’incrédulité duroi, mais il prédit auparavant au f 16 la dévastation de la terre d’Israël et de Damas. Cette explication est la seule qui puisse convenir au texte actuel du V 10, et cependant elle est inacceptable. Il est impossible que les deux royaumes parfaitement distincts d’Israël et de Damas soient compris par Isaïe sous l’unique dénomination de « la terre dont tu crains les deux rois, comme s’il s’agissait d’un seul pays gouverné par deux rois. La dévastation de cette terre doit expliquer le fait qu’Emmanuel sera réduit à manger du beurre et du miel jusqu’à ce qu’il sache rejeter le mal et choisir le bien, comme l’indique la connexion entre le ? 16 et le ? 15. Or ce fait s’explique par la dévastation de la terre de Juda, non par celle d’Israël et de Damas. Enfin, le ? 17 est la continuation naturelle du f 16 et rien n’indique qu’il y ait transition de la terre d’Israël et de Damas à la terre de Juda dont on parle au > v 17. Il doit donc être question aussi de Juda au t 16, mais alors il faut modifier le texte.

Condamin, op. cit., p. 51, propose le texte suivant pour le ï 10 : « Car avant que l’enfant sache rejeter le mal et choisir le bien, la terre pour laquelle tu redoutes les deux rois sera dévastée. Il adopte donc la leçon des I.XX : les deux rois, au lieu de celle du texte massori tique : ses deux rois, et il donne au relatif âsér non pas le sens de que mais celui de pour laquelle. C’était déjà, dit-il, la lecture de saint Ephrem, mais Lagrange fait observer, Rcinie biblique, 1905, p. 279 que âsér seul ne peut avoir le sens de pour laquelle. L’année précédente, dans la même revue, 1904, p. 217, Van Hoonacker avait proposé une autre modification du verset 16. Il adopte aussi la leçon desLXX : / « deux rois, donne à àiér le sens de parce que ou toi qui et coupe, autrement la phrase. « Avant que l’enfant sache rejeter le mal et choisir le bien, le pays sera abandonné. Farce que tu es saisi de terreur, toi, devant les deux rois, Jahvé fera venir sur toi, etc. Mais encore une fois, Lagrange remarque qu’on ne peut alléguer aucun exemple de àiér, en tête d’une phrase, signifiant /xirceque ou toi qui.Loc. cit. Pour sa part, il préfère la solution plus radicale de Budde qui supprime le verset 10. Davidson et Kittel a aient ouvert la voie, en retranchant les mots : « dont tu redoutes les deux rois. » Ce simple retranchement supprime d’un coup les trois difficultés signalées plus haut contre le verset 10 OÙ le pays abandonné peut désormais s’entendre du pays de Juda. Lagrange fait valoir 1’Il rations suivantes en faveur de la suppression totale du verset 10 : a) il est impossible de maintenir ce Verset dans sa teneur actuelle, et d’autre

liai i Ii i modifications qu’on y apporte peuvent difiicilement se soutenir. — p) Ce verset fait l’effet d’un doubli’l avec viii, 4. — -y) " paraît être l’œuvre d’un glossati ur qui ne comprenant pas la menace d’isaïe accablant Achaz et réservant le salut à la maison de David, a voulu faire intervenir immédiatement Emmanuel connue sauveur du danger syro-cphraïiuite. — S) Dans un texte pur. il serait peut-être imprudent

de sacrifier un verset pour ces raisons, mais si l’on retranche comme gloses le y 1 ; au -f 4 les mots : « la fureur de Rasln et d’Aram et du fils de Romélie » ; au ? 8 les mots : « encore soixante-cinq ans el Éphraïm disparaîtra du rang des peuples » ; aux t ? 17 et 20, la mention du « roi d’Assur », on peut mettre sans hésiter le t 10 dans la même catégorie. Quoi qu’il en soit, qu’on supprime le verset 10 en tout ou en partie, ou qu’on le corrige dans le sens de Van Hoonacker ou de Condamin, il reste établi qu’il ne peut y être question d’une promesse de délivrance pour Achaz, d’une dévastation prochaine du pays d’Israël et de Damas. Le discours de menace commencé au f 13 n’est pas interrompu par le y 10, el alors se repose la question que nous soulevions d’abord : que vient faire, dans ce discours de menace, la prophétie de salut que contient certainement l’annonce de la naissance miraculeuse du Messie ?

On répond d’ordinaire que l’oracle du ? 14 est le signe donné par Dieu lui-même à Achaz qui refusait de demander un signe. L’apparition merveilleuse de l’Emmanuel serait le gage de la délivrance promise à Achaz au f 4 et sq. Mais après le refus du roi, il n’est plus question.au chapitre vii, de délivrer Juda des mains d’Israël et de Damas. La naissance d’Emmanuel scrait-elle un signe de la libération de la domination assyrienne dont Achaz est menacé dans les versets Il sq. ? Il est vrai qu’Emmanuel doit délivrer Juda du joug assyrien, Is., viii, 8-10 ; x, 24-31 ; Mieh., V, 3-5, mais sa naissance est-elle annoncée àAchaz comme un signe de cette délivrance au point que les auditeurs d’isaïe pourraient reconnaître dans l’accomplisement prochain de la prophétie, la garantie divine du salut promis ? Dans ce caB, Emmanuel devait naître dans le délai prévu par Isaïe, et l’événement ne s’étant pas accompli, il faudrait en conclure que le prophète s’est trompé, ou plutôt qu’on s’égare en voulant identifier Emmanuel et le Messie.

Beaucoup d’exégètes font remarquer que le signe divin annoncé au verset 14 ne doit pas nécessairement être pris dans le même sens rigoureux que celui qui avait élé offert à Achaz au verset 11. Il ne manque pas d’exemples dans la Bible où le signe est pris dans un sens plus large. De deux événements prédits, le plus proche peut servir de signe au plus éloigné, I Reg., ii, 31 ; Jer., xliv, 29 sq. Cette acception ne peut convenir ici : les deux événements prédits sont le salut messianique et les maux qui vont accabler Juda ; le premier ne peut servir de signe à l’autre ; nous verrons au contraire que le second doit servir de signe au premier, et même dans un sens strict. Dans un sens plus général encore, le signe peut être simplement un incident de la prédiction réalisée, en face duquel l’esprit se reportera au temps où la prophétie a eu lieu et où le signe a été donné. Ex., iii, 12 ; ls., xxxvii, 30. Mais dans les endroits cités, ce sont les h moins de la prédiction et du signe qui assistent à son accomplissement et peuvent ainsi se reporter au temps où la prophétie a été faite. Ici, au contraire, il s’agit d’une prophétie qui ne de ait s’accomplir qu’après plus de sept siècles, qui perd par conséquent absolument tout caractère de signe. A la naissance du Messie, on pourra se reporter au temps de la prédiction pour conclure qu’Isaïe était un véritable prophète, mais cetteconstatationaurait intéresséavanl tout les contemporains d’Achaz. Plus large encore est l’acception donnée au mot signe par ceux qui en font simplement un objet de foi. La naissance du Messie, donnée par Dieu comme signe au f 14, devait être crus d’abord, pour servir ensuite de garantie aux promesses de délivrance faites au ^ 4 et sq. Mais qui ne voit qu’un signe, objet de foi, el surtout un signe qui ne doit se réaliser qu’après l’événement qu’il garantit, n’est plus un signe d’aucune façon, n’est plus qu’une simple pro-