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JEAN DAMASCÈNE (SAINT). DOCTRINE


dogme est magnifiquement développé dans l’homélie sur la Transfiguration.

Il est encore plus faux d’affirmer que ce même traité de la Foi orthodoxe nous livre la quintessence de toute

la théologie des Pères tirées. Il est vrai, sans doute, comme nous l’avons dit plus haut, que Jean est un écho fidèle de la doctrine des lYres grecs. Aucune des affirmations théologiques de la Foi orthodoxe qui ne puisse être confirmée par le témoignage de quelque docteur antérieur. Mais écho fidèle ne signifie pas écho total..Jean a ses préférés parmi les Pères, comme on le voit par exemple, par son choix des formules trinitaires. Il est loin aussi de nous répéter, même en résumé toute la doctrine des Pères antérieurs. Il y a des lacunes importantes dans la Foi orthodoxe, qui ne sont même pas comblées par l’appoint des autres écrits. Ce qu’on y trouve sur l’Église, les vertus théologales, la grâce, les sacrements, l’anthropologie, les fins dernières ne peut être considéré comme l’héritage complet de la patristique grecque.

On a également fortement exagéré, selon nous, l’importance que Jean attribue à la philosophie et la part qu’il lui fait dans l’exposition du dogme. On ne saurait, sous ce rapport, le comparer à saint Thomas d’Aquin. Quant à son aristotélisme, il se réduit à bien peu de chose. Qu’emprunte-t-il, au juste, à Aristote ? Quelques définitions de logique et de métaphysique, qu’il corrige, du reste, parfois d’après les formules patristiques. Par l’intermédiaire du pseudo-Denys et de quelques autres, il passe dans son œuvre autant de platonisme que d’aristotélisme, et la dose de l’un et de l’autre est petite. Cette dose se réduit à un ensemble de notions qui font partie de la philosophia perennis, et qu’il est aisé de retrouver bien qu’avec moins de précision, chez les Pères antérieurs. Les Pères, avec les saints Livres, voilà les vrais maîtres de sa pensée. Il est impossible de donner, dans le cadre restreint d’un article, un exposé complet de la doctrine de ^aint Jean Damascène. Il n’y faudrait pas moins d’un volume. Déjà, du reste, en plusieurs longs articles de ce dictionnaire, il a été question de sa théologie. Voir, en particulier, les articles : Dieu, sa nature d’après les Pèpes, t. iv, col. 1127-1129 ; Épiclèse, t. v, col. 247-251 ; Esprit Saint, t. v, col. 794-799 ; Eucharistie, t. v. col. 1172-1173 ; Hypostatioue (Union), t vii, col. 502-505 ; Immaculée conception dans l’Église grecque, t. vii, col. 920-921. Par le fait que notre docteur a composé la première somme théologique digne de ce nom, on est amené à l’interroger a peu près sur toutes les grandes questions théologiques. Cela va faciliter notre lâche. L’exposé qui va suivre visera non a répéter ce qui a déjà été dit, mais à le compléter, et à mettre en relief les côtés qu’on peut considérer comme originaux par rapport à la théologie latine, ainsi que certaines affirmations dogmatiques importantes ordinairement négligées dans 1 -. synthèses théologiques les plus connues, celles-ci étant faites presque uniquement d’après la Foi orthodoxe et n’utilisant pas les autres écrits du saint. Nous grouperons ces indications sommaires dans le cadre ordinaire des manuels de théologie, après avoir dit un mot de ce qu’on peut appeler la métaphysique du dogme chez saint Jean Damascène.

I » Métaphysique dudogme. — 1. Définition de la notait et de la personne. — - Les mystères de la Trinité et de L’Incarnation mettent en jeu avant tout les concepts de nature et de personne : la plupart des hérésies sont nées de la confusion de ces deux idées, comme le remarque fort justement saint Jean Damascène en plusieurs endroits de ses écrits. Il n’est donc pas étonnant que le saint docteur se soit appliqué a définir ces deux termes et leurs synonymes. Sur ces définitions il revient sans cesse dans ses ouvrages dogmati ques et polémiques, et ces répétitions mêmes finissent par engendrer quelque confusion dans l’esprit du lecteur. C’esl que Jean a voulu rapporter à la fois les définitions des philosophes et celles des Pères de l’Église. De plus, il semble qu’il y ait eu dans son esprit une élaboration progressive de ces deux concepts. Mais avec un peu d’attention, on finit par saisir sa pensée définitive, celle qui se fait jour eà et là dans ses principaux ouvrages.

C’est le concept de personne que Jean vise le premier et à qui il accorde la primauté. Au lieu de considérer la personnalité ou subsistence comme la dernière formalité venant actuer l’essence et la poser hors de ses causes, il suit exactement le chemin inverse : il pose d’abord la personne concrète, et voit en elle tout le reste venant s’ajouter à elle comme morceau par morceau pour la constituer dans sa totale réalité ; car le vrai réel, c’est la personne, l’individu. La personne est donc pour lui l’individu concret subsistant en soi et selon soi d’une existence propre et indépendante : ijTTo-TTa-îi. ; xupîw ; to y.aô’éocrrà îSioaujTaTcoç ûcpi.crTdejj.evjv ëcrri -e xal XsyeToa, Dialectica, 44, col. G16 b ; ou plus brièvement encore : Y) ÛTrôsraoiç, rj y.aG’éoc’JTO èa-riv UTcap ; i ;. Ibid., 60, col. 069 a. Jean donne deux autres définitions de la personne. Dans V Introduclio elementaria ad dogmala, un ouvrage de jeunesse, il s’en tient encore aux vieilles définitions de saint Basile : l’hijpostase désigne le particulier, et est constituée par l’ensemble des notes caractéristiques de l’individu, l’ousie, oùsôa, est l’élément commun qui se retrouve dans les individus. Institulio elem., 2, 4, t. xcv, col. 101 a, 104. Ces définitions superficielles et prises par le dehors, qui pouvaient sullire pour formuler le dogme trinitaire, se trouvaient en déficit devant le mystère de l’Incarnation ; car la nature humaine du Christ n’est pas l’ousie commune ; elle possède ses notes individualités, et cependant elle n’est pas hypostase. Jean s’en aperçut bientôt et, en plusieurs endroits, donna une définition composite : l’hypostase est constituée à la fois par les notes individualités et l’existence indépendante : oùitoe tiç (xerà a’jo.pEpr ; x6TCDv. vrjv xaG’aû-to Û7rap ; iv àStaipÉTw ; xal à7tOTST[L7){£évcùç tcôi Aoittwv Ô7tooTàasa>v èvspysîa xal npiyiix~. xX7)p<ù3au, évrj. De duabus volunt., 4, t. xcv, col. 133 a. Mais quand il veut indiquer le vrai constitutif de l’hypostase et parler proprement, xupîw ;, il s’en tient à la définition déjà donnée par Léonce de Byzance, tô xaG’êauTo tSioTucrToi-rcoç 6quaTâu.evov.

La personne ainsi définie correspond à la substance concrète, à l’ouata -pcorr, d’Aristote et des philosophes. Mais, après y avoir fait allusion, dans la Dialectique, notre docteur opte résolument pour la terminologie des Pères, qui désignent la personne par les trois termes : Otto Tract. ;, arou, ov, rtpéscùîvov. Dialectica, 13, col. 613 b. Chacun de ces termes exprime sans doute une nuance ; mais, en fait, pour les Pères ils sont synonymes.

C’est aussi la terminologie patristique que Jean adopte pour désigner la nature. Os termes sont ofaîa, çûcti ;, n’/pfpr], elSoç. Dial.. 30, col. 592-593. Toute ousie est commune, îcâaa oùiîa xoivrj ztti tûv Ù7r’aÛT7J5 ~zç, <.z/ Aibicyi ÛTcoCTTàoecov. I > fide orlh., I. III,

6, col. 1008’I. C’est l’0Û3Îa ôî ri’.a des philosophes.

Par cette définition, noire docteur écarte les oûalai u, epuca( de Philopon. Nous verrons plus loin comment

il répond à l’objection qu’on pourrait lui taire, relativement a li nature humaine individuelle du Christ. La nature, du reste, peut être considérée, non seulement connue espèce participée par les individus, mais aussi en elle-même, telle que su notion apparaît à l’esprit, ÊV iJrtXfj t)e(i>?(% ; el dans ce cas, elle n’implique |ias

l’ex stence indépendante, xaô’éaurrjv’/'v. ûçéoTïjxev. De fide orlh., I. III, 11, col. 1021 d. C’est comme un