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JEAN CHRYSOSTOME (SAJNT), VIE

fice d’Isaac, Hom. xlvii, in Gen., 3, t. liv, col. 432 ; cf. Expos. in Psalm. XLVI, t. lv, col. 209 : l’histoire de Joseph, Hom. lxi, in Gen., 3, t. liv, col. 528, etc.

Surtout, l’Écriture Sainte, est pour lui le thème d’un enseignement moral sans cesse renouvelé. Nul n’a su, aussi bien que cet unique directeur d’âmes, mettre en relief la richesse des leçons morales contenues dans les histoires de l’Ancien et du Nouveau Testament. Lorsqu’il a expliqué le sens littéral des textes, il passe sans effort aux conclusions pratiques que doivent vivre ses auditeurs ; c’est de la Bible, des paroles du Saint-Esprit, que se tirent toutes les règles de conduite comme d’ailleurs tous les enseignements de vérité : « N’attends pas un autre maître, déclare Jean, tu possèdes les paroles de Dieu ; nul ne t’instruira comme elles. » Hom. ix, 777 Ep. ad Col., 1, t. Lxii, col. 361. Grâce à la bonté divine, à sa condescendance, les préceptes bibliques sont merveilleusement adaptés à la faiblesse humaine. Hom. xviii, in Gen., 3. t. un, col. 152 : cf. Hom. iii, in Ep. ud TH., 2. t. lxii, col. 678. Si les chrétiens ne sont plus tenus à pratiquer à la lettre les observances judaïques qui sont périmées, ils doivent sans cesse en garder l’esprit, car c’est par leur moyen que Dieu a peu à peu élevé l’humanité. Hom. in Psalm. XLix, 4. t. lv, col. 247 ; in Is., i, 4, sq., t. lvi, col. 19.

L’autorité suprême de l’Écriture lui vient de ce qu’elle est inspirée par Dieu. Jean « semble parfois représenter l’inspiration comme un envahissement total par le Saint-Esprit des facultés de l’écrivain, envahissement qui réduirait celui-ci à un état purement passif, In Psalm. XL1V, 1, t. lv, col. 184, mais ce n’est pas l’idée qu’il s’en fait d’ordinaire. Il met précisément cette différence entre la prophétie et la divination païenne que le devin ou la pythonisse sont passifs et hors d’eux-mêmes, tandis que le prophète reste maître de soi et conscient de ce qu’il annonce. Hom. xxix, j’n I Cor., 1, t. lxi, col. 241. Il maintient à l’auteur humain, dans la composition des livres saints, une part qui explique les différences ou même les divergences, que présentent ces livres. Homii. i, in Malth.. 2, t. Lvn, col. l(i. » J. Tixeront, Histoire des dogmes, t. ii, p. 12. Cf. S. Haidacher, Die Lettre des heiligen Joannes Chrysostomus ùber die Schri/linspiration, Salzbourg, 1897.

Nulle part, Jean n’indique expressément quels sont les livres qu’il considère comme inspirés ; il semble d’ailleurs que son canon de l’Ancien Testament, aussi bien que celui du Nouveau Testament, soit complet et reçoive les deutéro-canoniques sans aucune hésitation. Cf. L. Dennefeld, Der allestamentliche Kanon der antiochenischen Schule, dans Biblische Sludien, Eribourg, 1909, t. xiv, n. 4, p. 29-44.

2° L’enseignement christologique de Jean mérite de retenir l’attention. On a vu qu’il avait été le disciple de Diodore de Tarse. Il resta fidèle à son ancien maître. Une homélie prononcée avant 392 est consacrée à l’éloge de celui qu’il appelle un nouveau Jean-Baptiste. P. G., t. Ln, col. 761-766. C’est assez dire que sa christologie est celle de l’école antiochienne, et attire l’attention plutôt sur les deux natures du Verbe incarné que sur l’unité de la personne. Pourtant, tandis que Diodore de Tarse et Théodore de Mopsueste s’efforcent de montrer que l’union des deux natures ne peut être qu’une union morale et non une union physique, Jean qui est un prédicateur, se contente d’expressions plus communes, plus populaires et plus indéterminées : ainsi se tient-il en garde contre les formules précises et inexactes de son maître. Si l’on peut relever chez lui des mots peu corrects, ce n’est qu’en passant, et tout de suite la foi populaire retrouve le droit chemin : il écrit par exemple que l’humanité est le temple de la divinité, Hom. ïfi Psalm. XL1V, 2, t. lv, col. 1 s t, ; qu’elle est sa tente ; et il ajoute : ii n’y a donc ni confusion, ni disparition des substances ; mais cependant par l’union et le rapprochement, le Verbe divin et la chair sont un, τῇ ἑνώσει ϰαὶ τῇ συναφείᾳ ἕν ἐστιν ὁ θεὸς λόγος ϰαὶ ἡ σάρξ. Comment s’accomplit cette unité ? inutile de le chercher, le Christ seul le sait : τὸ δέ ὅπως, μὴ ζήτει ἐγένετο γὰρ ὡς οἶδεν αὐτός. Hom. xi, in Joan., 2 t. lix, col. 80.

Le Fils est de la même substance que le Père, τῆς αὐτῆς οὐσίας τῷ πατρί, Hom. i, in Matth., 2, t. lvii, col. 17 ; il possède en même temps une chair humaine, qui est semblable à notre chair pécheresse, mais qui est sans péché tout en étant consubstantielle à la nôtre, Hom. xiii, in Ep. ad Rom., 5, t. lx, col. 515, οὔτε γὰρ ἁμαρτωλόν σάρϰα εἶχεν ὁ Χριστός, ἀλλ’ὁμοίαν μὲν τῇ ἡμετέρᾳ τῇ ἁμαρτωλῷ ἀναμάρτητον δὲ ϰαὶ τῇ φύσει τὴν αὐτὴν ὁμοούσιον ἡμῖν. Son humanité est une vraie humanité, non pas une apparence, ou une imagination, ou une ombre, ou une fiction ; voilà ce que crient bien haut ses souffrances, sa mort, son tombeau, son dénûment. Car il a eu faim, il a eu soif, il s’est reposé ; il a mangé, il a bu ; il est mort aussi pour montrer son humanité et la faiblesse de la nature. In illud : Pater si possibile est, 4.t.Li, col. 37 sq. Cf. InJoan., hom.yn, 2, t. lix, col. 80 ; /iom.Lxiii, 1, 2, col. 349 sq. ; (’(L, lxvii, 1, 2, col. 371 ;  ; ’<L, lxxxvii, 1, col. 474 ; hom. in ascens., 3, t.L, col. 446. Il est vrai que, si le Christ a connu de notre humanité toutes les infirmités corporelles, il n’a pas senti peser sur lui le fardeau de ses faiblesses spirituelles : non seulement le péché n’a pas eu de prise sur lui, mais l’ignorance non plus. Lors même qu’il dit ne pas connaître le jour du jugement, il parle ainsi par prudence, afin d’arrêter les interrogations indiscrètes des apôtres. Hom. lxxvii, in Matth., t. lviii, col. 702-703.

Bien que les deux natures subsistent en lui sans confusion ni disparition des substances, il n’y a pourtant qu’un seul Christ : « Restant ce qu’il était, il a pris ce qu’il n’était pas ; et devenu chair, il est resté Dieu le Verbe, ἔμενε θεὸς λόγος ὤν… Il est devenu l’un (homme) ; cela (l’humanité) il l’a pris ; l’autre (Dieu) il l’était. Ainsi aucun mélange, mais non plus aucune séparation. Un Dieu, un Christ, le Fils de Dieu ; cf. I Tim., ii, 5. Mais quand je dis un Christ, je veux signifier une union, non un mélange, ἕνωσιν λέγω, parce que l’une des deux natures n’est pas changée en l’autre, mais qu’elle a été unie avec l’autre. » Hom. vii, in Ep. ad Philip., 2, 3, t. lxii, col. 231 sq ; cf. Hom. vii, cont anom., 6, t. xlviii, col. 765.

Jean ne cherche pas à préciser davantage ce qu’il faut entendre par cette expression εἶς Χριστός ; et sans doute, s’il avait dû l’expliquer, aurait-il penché vers les formules antiochiennes plutôt que vers la terminologie chère à l’Église d’Alexandrie. Il est vrai qu’en 430, saint Cyrille d’Alexandrie, pour plaire aux impératrices et aux théologiens de Constantinople, invoqua le témoignage de Jean contre Nestorius ; malheureusement les deux fragments qu’il en cite proviennent d’une homélie d’authenticité douteuse, et ne disent rien de plus sinon que Dieu le Verbe s’est incarné dcMa Vierge. Cyrille, De recta fuie ad reginas, i, P. G., t. lxxvi, col. 1216 ; cf. Jean Chrysostome, Hom. in natiu. Christi, P. G., t. lvi, col. 385 sq.

3° La mariologie de Jean doit nous retenir un instant, car elle est plus pauvre que celle de la plupart de ses contemporains, et il est remarquable de voir le peu de place que tient, dans ses écrits ou dans ses homélies, la Vierge-Mère. On ne s’étonnera pas de ne pas trouver chez lui l’expression θεοτόϰος. L’homélie De législature à la fin de laquelle ce mot est employé est inauthentique. P. G., t. lvi, col. 409. Le mot était suspect aux théologiens d’Antioche ; et d’ailleurs Jean n’adopte pas davantage le terme ἀνθρωποτόϰος