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JEAN-BAPTISTE (BAPTÊME DE SAINT), NATURE DU RITE


respectives ; il est donc probable que les baptisés de Jean lui avouaient en tout ou en partie les graves infractions dont ils se reconnaissaient coupables dans leurs devoirs d’état.

Lucie baptismal.

Il consistait à immerger les

néophytes. L’immersion totale, facile dans les eaux du Jourdain, devait l’être beaucoup moins dans celles d’Ennon. Mais rien n’empêchait le Précurseur d’inonder par allusion la partie du corps qui n’était pas plongée dans l’eau : nous savons que les nombreux baptêmes prescrits par la loi s’administraient souvent dans ces conditions. En dehors de ce geste hypothétique, quel était le rôle de Jean dans l’acte même du baptême’.' Employait-il une formule caractéristique de son rite ? Ainsi que l’observait déjà 1). Calmet, op. cit.. p. 329. on n’en possède aucune preuve positive. La parole de Paul rapportée par Act., xix, 4, indique le but du Précurseur plutôt que la formule employée par lui.

Tout ce qu’il est permis d’affirmer, c’est que Jean n’était pas un témoin purement passif de l’immersion de ses néophytes. Il y prenait une part active dont le caractère n’est pas précisé. C’est si vrai qu’aucun de ses disciples ne pouvait le suppléer dans son ministère. Chacun désirait recevoir le baptême de lui et par lui. Marc. i. 5 ; Matth., iii, C.

6° Le baptême de Jean a-t-il survécu à son auteur ? — latrième évangéliste insinue que, Jean incarcéré, son baptême cessa : « On y venait (à Ennon) et on y était baptisé. Car Jean n’avait pas encore été mis en prison. Joa., iii, 236-24. Sans doute vingt ans plus tard, il est question dans les Actes d’un Juif nommé Apollos, originaire d’Alexandrie, qui ne connaissait que le baptême de Jean, Act., xviii, 25 ; mais le conférait-il ? Les Éphésiens dont il est parlé au chapitre suivant, xix, 1-7, Font-ils reçu de sa main ? Ce n’est pas démontré. Ces Éphésiens pouvaient être des Juifs qui s’étaient trouvés à Jérusalem au temps du Précurseur et avaient été baptisés de sa main. Paul semble bien comprendre ainsi, car il répond à leurs déclarations : Jean a baptisé du baptême de pénitence…. » Il ne suppose donc aucun intermédiaire entre le Baptiste et ses interlocuteurs.

Si le rite johannique n’a laissé dans le texte inspiré aucune trace certaine, s’est-il du moins perpétué dans les différentes sectes qui, à tort ou à raison, se sont recommandées de Jean ? Les disciples de Jean ou Johannites dont il est question dans les Récognitions clémentines, avaient pour but d’entraver la marche de l’Évangile, ut et fides Christi impediretur et baptisma, t. I, c. liv ; P. G., t. i, col. 1237-1238 ; il est probable que, au sens de l’auteur du roman, ils réprouvaient le baptême du Christ et avaient la prétention de conférer celui de Jean. Mais quelle valeur peut bien avoir cette indication ? Il n’y a pas à tabler sur les données fournies par cette œuvre fantaisiste et tendancieuse. En tous cas. si jamais une secte de ce genre fut nisée, elle disparut rapidement, car elle n’est même pas connue des auteurs ecclésiastiques contemporains.

Les Hémérobaplisles, mentionnés par saint Épiphane, Hæres., cvii, P. G., t. xli, col. 25, sont aussi disparus depuis longtemps. Du reste leur bain quotidien (usage qui justifia leur nom) rappelait moins le baptême de Jean que les ablutions rituelles des Juifs ou plutôt les purifications sans fin du pharisaïsme.

La Mandaltes enfin ou Mandéens, ont encore, à l’heure qu’il est, quelques milliers de représentants en Mésopotamie. Ceux-là ont évidemment gardé une vénération particulière au saint Précurseur ; ils prétendent même pratiquer la religion prêchée par lui, ’l’on leur surnom bien connu de chrétiens de saint Jean. Cf. Vacant, Baptême, dans le Dictionnaire tir lu Bible

de Vigouroux, t. i, col. 1435 ; mais le baptême qu’ils donnent ne paraît pas être un rite traditionnel remontant au Baptiste, c’est plutôt un rite d’agrégation à la communauté, et, s’ils se baignent souvent, surtout pendant les cinq jours que dure leur grande fête du Baptême, c’est pour obéir à des préoccupations gnostiques. Cf. D. Buzy, op. cit., p. 370 sq. et mandaïtes.

Ainsi se trouvent réduites h néant ou à peu près les prétendues survivances historiques du baptême de Jean.

IL Nature du rite. — 1° // est d’inspiration divine. — Si Jean avait eu la prétention d’imposer un baptême de sa propre, autorité, les Juifs ne s’y seraient pas soumis ; ils étaient convaincus en effet que tout « baptiseur » doit être muni d’un mandat divin : Quid ergo baplizas, si non es Christus, ncque propheta ? Joa., i, 25. Mais Jean obéissait à la parole du Seigneur, Luc., ni, 2, et, pour dissiper tous les doutes, il proclamait très haut sa mission : Qui misit me baptizare in aqua, ille mihi dixit : super quem videris Spiritum descendentem. .. Joa., 1-33. Dieu seul a pu lui révéler qu’il verrait l’Esprit Saint descendre sur le Messie ; c’est donc Dieu également qui lui a confié la mission de baptiser. Le fait était d’une telle notoriété que les princes des prêtres eux-mêmes ne pouvaient le mettre en doute ; nous en avons pour preuve la question suivante que leur posa un jour Notre-Seigneur : Baplismus Joannis, unde erat ?e cœlo, an ex hominibus ? Matth., xxi, 25. L’intention de Jésus est évidente ; il sait que ses interlocuteurs n’eseront pas nier l’origine céleste du baptême de Jean ; comme, d’autre part, le Baptiste a rendu témoignage de lui, le caractère divin de sa propre mission éclatera à tous les yeux.

Comment Dieu communiqua-t-il à Jean le mandat dont il l’investissait ? Saint Thomas répond : familiari Spiritus Sancti revelatione. Sum. theol., IIP, q. xxxviii, a. 2. L’ordre toutefois ne manquait pas de précision : baptizare in aqua ; cette formule, si brève soit-elle, contient le baptême de Jean dans son intégrité. Qu’on la compare à la formule employée par Jésus, lorsqu’il envoie les apôtres baptiser de son baptême à lui : le rite chrétien est constitué essentiellement par l’application de la matière accompagnée de l’invocation expresse des trois personnes divines. Le rite johannique, de par l’ordre de Dieu, n’est pas autre chose qu’une ablution d’eau.

2° Il est distinct des baptêmes juifs et supérieur à eux. — En regard du baptême de Jean nous pouvons envisager comme susceptibles de lui être comparés les purifications rituelles et le baptême des prosélytes.

Les purifications rituelles tenaient une grande place dans la Loi ; beaucoup d’entre elles avaient un caractère officiel et obligatoire, Is., i, C ; Exod., xxx, 17-21 ; Lev., vi, 27-28 ; xi, 25-28… ; Num., xix, 7, 8, 21… Elles n’étaient cependant pas des exercices de culte, mais elles avaient pour but de conférer ou de rendre aux enfants d’Israël la pureté légale en vue. de certains actes religieux. Les pharisiens avaient fini par mettre une bonne part de leur religion dans ces rites extérieurs ; c’est contre leurs excès que Jésus s’élevait avec indignation ; Malheur à vous, scribes et pharisiens hypocrites, parce que vous purifiez le dehors du calice et du plat, mais au dedans VOUS êtes pleins de rapine et de désordre, i Mail h., xxiii, 25. Au contraire il parla toujours en ternies lies respectueux du baptême de Jean et, en se plongeant lui-même dans les eaux du Jourdain, il donna au Précurseur le suprême témoignage de son approbation et de son estime. Nous sommes clone en droil d’affirmer que jamais les disciples ne fiiieni tentés de mettre exactement sur le même plan le rite du Baptiste et les observances pharisaïques.