Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 8.1.djvu/328

Cette page n’a pas encore été corrigée

637

i I N XXII, SES ÉCRITS

638

Après la mort de Henri VII, une double élection eut lieu. Les princes-électeurs donnèrent en majorité leurs voix à Louis, duc de Bavière, tandis que l’archevêque de Cologne et le comte palatin du Rhin s’entendaient pour élire Frédéric, duc d’Autriche. Jean XX 1 1 saisit l’occasion qui se présentait à lui pour exercer la suprématie qu’avait affirmée Clément V. Il observa entre les deux rivaux une apparente neutralité et, conformément a la déerétale Pastoralis Cura, se réserva la gérance de l’Empire en Italie, durant la vacance. Il émit, comme son prédécesseur, ce principe absolu : « Le recours au pouvoir séculier n’étant plus possible, le gouvernement, l’administration et la juridiction suprême de l’Empire reviennent au souverain pontife, à qui Dieu, en la personne de saint Pierre, a remis le droit de commander tout à la fois dans le ciel et sur la terre. » Cf. Raynaldi, Annales, ad an. 1317. §27.

La victoire de Mùhldorꝟ. 28 septembre 1322, ayant décidé du trône impérial en faveur de Louis de Bavière, celui-ci demanda la reconnaissance du fait accompli. Le pape se déroba. D’ailleurs, croit-on, Louis n’avait pas voulu accepter les conditions qui lui avaient été imposées. Dès lors, Jean XXII entama une procédure canonique contre le duc qui n’avait pas craint, malgré ses avertissements répétés, d’exercer la souveraineté impériale en Italie et d’accueillir près de lui les îranciscains révoltés, considérés comme hérétiques. Le 23 mars 1324, Louis de Bavière était menacé d’excommunication. J. Schwalm, Constitutiones et acla publica, t. v, n. 881.

Deux savants de renom, Jean de Jandun et Marsile de Padoue, publièrent en faveur du duc de Bavière un livre, destiné à avoir dans la suite un grand retentissement, le Defensor pacis. Ils préconisèrent la suprématie de l’Empire sur l’Église et son indépendance vis-à-vis du Saint-Siège. Ils déclarèrent de nulle valeur les prérogatives qu’ils disaient avoir été usurpées par les souverains pontifes. La papauté était, d’après eux, une institution purement humaine. L’autorité suprême dans l’église résidait dans le concile général dont la convocation revenait « au fidèle législateur humain qui n’a personne au-dessus de lui », c’est-à-dire à l’empereur. Détenant ses pouvoirs de juridiction et du concile et de l’empereur, le pontife romain peut être châtié, suspendu ou déposé par eux. Marsile de Padoue et Jean de Jandun, en définitive, asservissaient l’Église à l’État, bouleversaient la hiérarchie ecclésiastique, ravalaient le pape au rôle de président d’une sorte de république chrétienne se gouvernant elle-même ou plutôt se laissant gouverner par l’empereur.

Jean XXII riposta. La réfutation des erreurs professées par Jean de Jandun et Marsile de Padoue fit l’objet de la constitution Licet juxla doctrinam, publiée le 23 octobre 1327. Cf. Raynaldi, Annales, ad an. 1327, § 27-36. Cinq propositions, extraites de l’ouvrage des deux écrivains, furent solennellement condamnées. C’étaient les suivantes : 1. Le Christ ayant payé le tribut à César pour lui et. pour les apôtres, il s’ensuit que tous les biens ecclésiastiques appartiennent à l’empereur. 2. La primauté de saint Pierre n’existe pas. 3. Le droit d’élire, de destituer et de punir le pape appartient à l’empereur. 4. Le pontife romain, les archevêques, les évéques et les prêtres sont égaux en droits, parce que tous ont été institués par le Christ. Leurs prérogatives ne découlent que d’une concession impériale. 5. L’Église ne peut exerêcr le pouvoir coercitif sans la permission de l’empereur.

Quoique censurées par l’Église, ces propositions n’en trouvèrent pas moins une application pratique. Le 18 avril 1328, une sentence rendue par Louis de Bavière, alors à Rome, déposa Jean XXII, convaincu,

prétendait-on, d’hérésie pour avoir nié la pauvreté du Christ et du crime de lèse-majesté pour avoir attaqué le pouvoir impérial. Schwalm, Constitutiones et acla publica, t. vi a, n. 436, 437. Le 12 mai suivant. le peuple romain élisait pape un obscur frère mineur. Pietro Rainallucci, originaire de Corvara, village d’Aquila, la patrie du chef supposé des spirituels. Pierre de Morronc. L’empereur ratifia l’élection, délivra le temporel de l’Église à l’élu et l’intronisa à Saint-Pierre. Le 22 mai avait lieu le couronnement de l’intrus.

Le schisme eut peu de succès. Délaissé par l’empereur et sa propre cour, Nicolas V abjura ses erreurs solennellement le 25 juillet 1330. Si les théories, émises par Jean de Jandun et Marsile de Padoue. avaient paru triompher un moment, elles subirent en fait un échec retentissant.

IV. Les écrits de Jean XXII.

Sermons.


Il existe à la Bibliothèque nationale de Paris (ms. latin 3290) un recueil de sermons dont la paternité revient, sans aucun doute, à Jean XXII, ainsi que l’a péremptoirement démontré Noël Valois, Histoire littéraire de la France, 1915, t. xxxiv, p. 537-539. Le pape aimait parler, à l’occasion des fêtes solennelles de l’Église, devant un auditoire composé de clercs, de prêtres, de prélats et de cardinaux. Il se plaisait à exposer des enseignements théologiques et surtout à traiter les questions controversées. Certaines de ses opinions méritent d’être signalées, à cause de l’intérêt qu’elles présentent au point de vue de l’histoire des dogmes.

1. Doctrine sur la sainte Vierge.

A lire certains auteurs franciscains, on pourrait croire que Jean XXII fut partisan de la conception immaculée de la vierge Marie. On prétend qu’une discussion solennelle eut lieu, en Avignon, entre frères prêcheurs et frères mineurs, et qu’elle se termina par un verdict favorable à la thèse immaculiste. Bien plus, le pape aurait décidé de faire célébrer, avec plus d’éclat, la fête de la Conception dans sa chapelle, et en Avignon. Il aurait même composé une prose spéciale, à cette occasion.

Le P. Doncceur a prouvé l’invraisemblance de ce récit. Les premières interventions du Saint-Siège relatives à V Immaculée Conception dans la Revue d’histoire ecclésiastique, 1907, t. viii, p. 698-699. Mais, n’ayant pas su établir l’origine du ms. lat. 3290, il ne donna pas de preuves péremptoires. Cette tâche était réservée à Noël Valois qui releva dans les sermons de Jean XXII des citations nombreuses, contraires à la thèse immaculiste. A plusieurs reprises, le pape affirme que la vierge Marie porta la tache originelle. Dicendum est ergo quod culpam originalem conlra.xerit (ms. cité, fol. 1 v°) ; sciendum quod beala Maria fuit in originali peccalo concepta (ms. cité, fol. 20 v°), quamvis enim in peccato originali concepta fuerit (ibid., fol. 43 v°). Sur quels motifs Jean XXII appuie-t-il sa croyance’.' Il rappelle le fait que la Vierge, ayant été engendrée à la manière des autres hommes ou femmes, supporte, comme eux, les conséquences de la faute de nus pic miers parents. D’ailleurs, elle subit la mort, le châtiment réservé aux enfants d’Adam. Cf. Immaculée Conception, t. vii, col. 1080 et 1100.

Mais si Marie fut conçue avec la tache originelle. Dieu l’en purifia avant sa naissance, à un moment dillicilu a fixer. Ms. cité, fol. 25 r°, 27 r°, 28 r° et V. Le pontife précise sa pensée à l’aide d’une comparaison. La terre, dit-il, que traverse une source est opaque, lourde, fétide, et cependant l’eau qui coule dans la fontaine est claire, pure, légère, savoureuse. De même en est-il pour la Vierge. Elle tira son origine du fruit corrompu et impur du genre humain. Comme l’eau sort des profondeurs du sol, elle sortit du sein