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l’Italie. Au concile de Suint-Basic près de Reims, en 991, les évoques français mécontents du pape d’alors, font allusion, sans aménité, aux scandales donnés par les récents pontifes : Quid sub hœc lempora non vidimus ? Vidimus Joham.em, cognomento Octavianum, in volutabro libidinum versa : uni… Dans Monumenta Germanie hislorica. Script.. t. m. p. t>72. A ConstantiDOple, un peu plus tard, le chroniqueur Jean Skylilzes. recopié par Cédrénus, après avoir raconté sur le patriarche Théophylacte, un certain nombre de détails peu édifiants, ne peut s’empêcher de faire un rapprochement entre la conduite de ce jeune homme et celle de son contemporain Jean XII, ad omnem lasciviam et vitium propensus. P. G., t. cxxii, col. 69. Il est vrai qu’ici encore l’influence de Liutprand, qui fut ambassadeur d’Otton II à Constantinople, a pu se faire sentir. Cette influence de l’historiographie germanique sur la réputation de Jean XII, avait déjà été remarquée par Othon de Frisingen. Après avoir raconté d’une manière sommaire, mais fort exacte les tribulations de Jean XII. après avoir déclaré qu’il s’abstiendra de porter un jugement sur la légitimité de la procédure employée contre lui, cet historien ajoute : Invenitamen in quibusdam chronicis, SED TEVTOXICORVM prsefatum Johannem reprehensibiliter vixisse, et fréquenter super hocabepiscopis aliisque subdilis suis conventum fuisse. Cui rei fidem accommodare durum videtur. Chron., t. VI, n. 23, Monum. Germ. hisl., Script., t. xx, p. 239. Il est vrai que c’est pour une raison théologique tirée de l’infaillibilité promise à Pierre et à ses successeurs, que le pieux évêque trouve difficile de croire à ces racontars ; il a fort bien vu néanmoins qu’ils proviennent de source exclusivement germanique. C’est la même nuance que l’on retrouve, un peu atténuée, dans une notice de Jean XII, contenue dans une édition du Liber Pontificalis publiée par Pez, 7'hesaurus anecdotorum, t. i, IIIe prrtie, p. 376 : Iste a QVIBV3PAM CULPATURel dicitur loiam vilam suam in adulterio et vanilate deduxisse. Il semble donc, en résumé, que si la conduite privée de Jean XII, est loin d être à l’abri de tout reproche, nous n’avons pas le droit néanmoins d’imputer à ce pontife, en pleine sécurité de conscience, tous les crimes dont ses adversaires politiques ont sali, comme à plaisir, sa mémoire. Quelle image nous ferions-nous de Boniface VIII, s’il fallait juger ce pape exclusivement sur les pièces du procès préparé contre sa mémoire par les légistes de Philippe le Bel ?

Le gouvernement de l'Église sous Jean XII, fut ce qu’il avait été sous ses prédécesseurs immédiats. Pleinement conscient de sa responsabilité de pasteur suprême, Jean XII ne laissa échapper aucune occasion d’affirmer son droit d’intervenir dans les affaires de la chrétienté. On trouvera difficilement dans les lettres pontificales une formule plus pleine que celle-ci, tirée d’une bulle adressée à l’archevêque de Mayence : Totius Christianitatis post Dominum caput effecti non aliquo privilégia humano, sed voce ipsius Domini beato Petro aposlolo, si aliquod noslri corporis membrum tribulaliones aul molestias pati injuste noverimus… cqmpalimur et dolore gravamur. Jaffé, n. 3674. Formule de chancellerie, dira-t-on ; formule, pourrait-on dire aussi, où transparaît un chef-né, tel que devait être le fils d’Albéric. On en relèverait plusieurs autres du même aloi dans les quelques débris qui subsistent du registre de Jean XII.

Ce fut la politique qui perdit ce pontife. Elle lui av.iit assez mal réussi dès le début de son règne. Désireux de ramener sous la suzeraineté romaine les ducs lombards de l’Italie du Sud, Jean XII s’empêtre, en lans une expédition qui tourne mal, et à la fin de laquelle il est obligé de conclure une paix quelconque. Où ses malheurs commenceraient, ce serait

au moment où la politique germanique s’insérerait dans les affaires italiennes. Dès 951 le roi d’Allemagne, Otton I or. s'était décidé à intervenir dans l’Italie du Nord. Renonçant à se limiter aux horizons germaniques, il s’engageait lui-même et il engageait ses successeurs dans la voie de la politique impériale, car il est vraisemblable que dès ce moment le rêve de la couronne de Charlemagne commençait à se préciser dans le cerveau du Saxon. Toutefois la première expédition italienne n’eut pas immédiatement ces conséquences. Vainqueur dans le Nord, Otton n’avait pu obtenir d’Albéric le droit de venir à Rome. Laissant donc le gouvernement de la Haute Italie à Bérenger, qu’il avait vaincu, et à son fils Adalbert, il était rentré en* Allemagne, où d’ailleurs de gros soucis l’attendaient. C’est en 960 seulement que ceux-ci lui laissent assez de relâche pour qu’il puisse de nouveau songer à la couronne impériale. Les plaintes nombreuses qui, de toute l' Italie, lui arrivaient contre Bérenger, allaient achever de décider Otton à prendre de nouveau le cnemin des Alpes. Parmi les légats qui affluaient d' Italie à la cour germanique se trouvaient deux envoyés de Jean XII, le diacre Jean et le protoscriniaire (archiviste) Azon. Quelle raisons avaient pu décider le pape à demander ainsi une intervention dont il avait tout à craindre, il est bien difficile de le dire. Quand Otton rura quitté Rome, nous verrons Jean conspirer. de nouveau avec Bérenger dont il demande maintenant d'être délivré. Peut-être y avait-il dans Rome un parti hostile à Jean, qui n'était pas fâché de voir le roi de Germanie mettre un peu d’ordre aux affaires de l'Église romaine et de la chrétienté. C’est lui qui aurait imposé à Jean une démarche bien grosse de conséquences, lui qui aurait désigné pour remplir cette mission les deux personnages ci-dessus nommés et dont Benoît du Mont-Soracte nous dit qu’ils étaient au plus mal avec le souverain pontife. Cette conjecture de Hauck nous semble très plausible.

Quoi qu’il en soit, à l’automne de 961, Otton arrivait en Italie par la Bavière et le Trentin. Favorisé, dit Liutprand, par la protection des apôtres Pierre et Paul, il entre sans résistance dans Pavie, et se met en devoir de marcher sur Rome. Comme en 951 il dut y avoir une ambassade envoyée préalablement, pour régler avec le pape-roi les conditions de l’entrée et du séjour à Rome du roi de Germanie. Assez peu rassuré, le pape réclamait des garanties ; elles sont exprimées dans un serment qui fut demandé au roi. Bien qu’on ait fait quelque bruit autour des rédactions diverses de cette promesse, il faut reconnaître, avec Hauck, que l’on peut restituer d’une manière assez exacte, le sens général de ce document. Otton y jurait de faire tout son possible pour exalter la sainte Église romaine et son chef ; de respecter la vie, les membres, l’honneur du pape. Il ne tiendrait dans Rome aucun plaid, placitum. il n’y ferait aucune ordonnance relativement aux affaires du pape et des Romains, sans l’assentiment du pontife. S’il se déchargeait sur quelqu’un d’autre de l’administration du royaume d’Italie, il ferait jurer à cette personne de protéger de tout son pouvoir la terre de Saint-Pierre. Ainsi Jean XII se préoccupait surtout de défendre ses droits souverains (régaliens, si l’on peut dire), qu’il sentait menacés par la présence d’un empereur.

Otton arrivait à Rome le 31 janvier 362 ; le surlendemain 2 février, le roi de Germanie recevait l’onction impériale et était proclamé auguste. C’est le début du « Saint-Empire romain de la nation germanique », le début aussi d’un asservissement de Rome à l’Allemagne, qui aura des conséquences si durables et parfois si douloureuses pour l'Église et pour l’Allemagne. Les jours suivants turent consacrés à régler les questions ecclésiastiques allemandes : l’affaire de la suc-