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JEAN XI

JEAN XII

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le père de Jean XI n’était autre que le pape Sergius III et il est infiniment vraisemblable que Sergius avait eu ce iils à l’époque de son pontificat. « Le fait que l’on ait pu enregistrer une telle paternité dans le Liber Pontiftcalis, donne une idée de ce que l’opinion tolérait alors. (Duchesne.) — Jean XI ne fut d’ailleurs qu’un instrument entre les mains de sa mère, son rôle religieux fut à peu près nul ; du moins a-t-il préparé pour un avenir lointain le réforme de l’Église en favorisant Odon, abbé de Cluny, et ses tentatives de restauration monastique, Jafîé, n. 3584, 3585. 3588. L’événement le plus considérable de son pontificat, ce fut la ruine du pouvoir de sa mère, et le transfert de la toute-puissance dans Rome au fils de celle-ci, Albéric. Les ambitions de Marozie, en effet, dépassaient les limites de l’État romain ; elle rêva de la domination sur toute l’Italie. En 928 elle s’était débarrassée de Jean X pour empêcher Hugues de Provence de mettre la main sur Rome ; en 932 elle y appela ce prince et lui offrit sa main. Veuve déjà pour la seconde fois, elle épousa Hugues en troisièmes noces. La cérémonie présidée par Jean XI eut lieu au château Saint-Ange ; mais elle fut troublée par un violent incident. Albéric, issu du premier mariage de Marozie avec le marquis Albéric, et dès lors demi-frère du pape, était pour diverses raisons fort mécontent de ce troisième mariage ; une vive altercation éclata entre le jeune homme (il avait au plus une quinzaine d’années) et son nouveau beau-père ; elle dégénéra en une émeute des Romains, qui contraignit Hugues et Marozie à s’enfuir. Jean XI fut jeté en prison par Albéric ; il n’en sortit que pour se voir étroitement confiné dans le domaine des affaires ecclésiastiques. C’est Albéric qui, pendant vingt ans, sera le maître exclusif de Rome ; il faut ajouter que son principat fut loin d’être aussi néfaste que celui de sa mère ; les papes qu’il investit successivement du souverain pontifical furent généralement des personnes recommandables. Heureux si, à son lit de mort, il n’avait pas désigné son propre fils Octavien, comme le successeur éventuel du pape Agapet IL

Parmi les actes ecclésiastiques de Jean XI, signalons son intervention dans l’affaire du patriarche de Constantinople Théophylacte. C’était le quatrième fils de l’empereur de fait, l’usurpateur Romanos Lekapenos ; il n’avait que seize ans, au moment où son père résolut de l’élever au trône patriarcal. Jean XI consulté, soit directement, soit comme le prétend Liutprand, par l’intermédiaire d’Albéric, envoya des légats qui intronisèrent en son nom le jeune patriarche. Cette intervention de Rome dans l’intronisation du patriarche amena de vives protestations de la part des canonistes grecs. Pourtant, s’il fallait en croire Liutprand, le pape faisait aux orientaux de singulières concessions, puisqu’il permettait à Théophylacte et à ses successeurs de porter le pallium, sans avoir besoin_ de le demander jamais à Rome.

Lib<r Pontiftcalis, t. ii, p. 243 ; Jaiïé, Regesta, t. I, p. 454455 ; Wattcrich, Pontificum romanorum vitiv, t. I, p. 311, 8941, 609-671. Pour l’installation de Théophylacte, Theophanis conlinuatio, De Romano Lacapeno, n. 32, 34, dans Corpus Scriptorum historiée bgzantinw de Bonn, I. xxii, p. 421, 422 ; Liutprand, Legaiio, n. 62, P. L., t. c.xxxw, col. 934 ; Baronlus, Annales, ad an. 933 ; le document essentiel est une lettre de Romanos a Jean XI, publiée I arPitra, Analecta novissima, t. i, p. 263. L. Duchesne, Les premiers temps de l’Étal pontifical, p. 170 sq. ; Églises séparées, p. 220-221 ; Langea, t. iii, p. 329-331 ; Gregorovius, t. iii, i ». 274-292 ; iann, I. ir. p. 331-336.

E, Amann.

13. JEAN XII, pape, consacré le 16 décembre 955,

morl le 1 1 niai 964. - - Albéric depuis 932 exerçai !

Rome le pouvoir souverain. (Voir Jean xi.) i Ion étail d’écarter l’intrusion dans

les affaires romaines du royaume de Germanie, qui, avec Otton I er devenait une puissance considérable, et venait de prendre pied dans la Haute Italie. Désireux, comme tous les féodaux de l’époque, de laisser la souveraineté à sa famille, Albéric pensait faire de son fils Octavien, l’héritier de sa puissance. Luimême n’était que prince temporel, mais il rêvait de mettre aux mains de son fils les deux pouvoirs, séculier et ecclésiastique. L’enfant avait été, de bonne heure, engagé dans la cléricature. Il avait une quinzaine d’années, quand Albéric, sentant la mort approcher, le fit désigner comme le successeur éventuel du pape en fonctions, Agapet II (946-955). Réunissant les Romains à Saint-Pierre, il leur fit jurer, qu’à la mort du pape régnant, Octavien serait élu pour lui succéder. Albéric mourut quelque temps après (954). Aussitôt son fils, qui était peut-être déjà cardinal-diacre lui fut substitué comme princeps et omnium Romanorum senator. Le pape Agapet ne tarda pas à suivre Albéric dans la tombe, et c’est ainsi, qu’à la fin de l’année 955, Octavien, qui pouvait avoir dix-huit ans, se trouva investi et de la puissance temporelle dans Rome et du souverain pontificat. Il s’appela Jean XII. Son accession à la chaire de Saint-Pierre fut un grand malheur pour l’Église.

Beaucoup trop jeune, en effet, plein de fougue et de passions, le nouveau pape ne tarda pas à scandaliser par son attitude le peuple romain et même la chrétienté. Élevé comme un jeune seigneur de l’époque, grand ami de la chasse et des plaisirs bruyants, enclin à suivre ses concupiscences plus qu’à les réprimer, il donnera bientôt prise aux pires accusations. Il convient sans doute de n’accepter que sous bénéfice d’inventaire tous les exploits scandaleux que lui attribueront plus tard ses ennemis politiques. La source principale de ces récits est le livre de Liutprand, évêque de Crémone, De Ollonis I rébus in urùe Roma gestis, qui est l’œuvre d’un apologiste dévoué d’Otton I er, d’un adversaire acharné de Bérenger et de tous ceux qui ont lié partie avec lui. Par ailleurs le clerc qui a rédigé la notice du Liber pontiftcalis consacrée à Jean XII, et qui est sans doute un contemporain, semble être tout à fait inféodé au parti impérial. Reste, parmi les sources contemporaines, la chronique de Benoît de Saint-André du Mont-Soracte ; ce moine n’aime guère les Allemands, il laisse échapper pourtant sur le compte de Jean XII des appréciations dépourvues de bienveillance. Faclus est tam lubiicus sut corporis, dit-il, dans son invraisemblable latin, et lam audaces quantum nunc in gentilis populo solebal fteri. Ilabebat consucliulincm sivpius venandi, non quasi apostolicus sed quasi homo férus. Erat enim cogitalio ejus vanum ! diligebatcollcctio jeminarum, odi biles ecclesiarum, amabilis juvenis ferocitantns. Tarda denique libidinc sut corporis exarsit, quanta niinc (nonl) possumus enarrare. Mais il n’y a pas lieu de prendre tout ceci trop au tragique. Ce que le bon moine reproche à Octavien, ce sont les mœurs mondaines, faciles, mettons légères, si l’on veut, qu’il a introduites au Latran, l’absence de piété et d’esprit ecclésiastique, par quoi Jean XII ne différait guère, hélas I d’un bon nombre des évêques de l’époque. Mais on sentait courir à cette date, même à Rome, les premiers souilles précurseurs de la réforme ecclésiastique. Le mouvement clunisien avait été encouragé par Albéric dans Rome même, et telles

attitudes qui. cinquante ans plus tôt. à l’époque de

Sergius III et de Jean X. avaient passe Inaperçues, étaient vivement critiquées depuis que les clunlslens avaient pris pied dans la ville. Enfin, si l’on veut porter un jugement équitable sur la conduite de Jean XII, il convient de remarquer, que sa mauvaise réputation a vile dépassé les murs de Home, el les frontières de