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JEAN VIII, SON ACTIVITÉ ECCLÉSIASTIQUE GÉNÉRALE 612

Jean VIII a pu montrer à l’égard de la personne du patriarche, de regrettables complaisances, on n’est pas autorisé pour autant à imputer au pape une capitulation, même d’ordre privé, dans une affaire doctrinale.

Jean YIII et les Slaves.

La politique de

Jean NUI à l’endroit du basileus et de son patriarche eut d’ailleurs des résultats satisfaisants bien que peu durables. Outre que l’aide byzantine assura quelque repos à l’Italie méridionale, il semble bien que, du vivant de Photius, les prétentions de Rome sur la Bulgarie chrétienne aient été reconnues. Il n’a pas tenu qu’à Jean YI1I que le royaume nouveau entrât définitivement dans la dépendance du latinisme. Si, bientôt après, il échappa à l’emprise romaine, cela tint surtout à l’all’aiblissement du pouvoir pontifical qui devient sensible aussitôt après la mort de Jean. Autant faut-il en dire des régions occidentales de l’ancien Ulyricum, Dalmatie, Croatie, Slavonie. Si elles ont été soustraites de bonne heure, et pour longtemps à la juridiction immédiate de Rome, ce n’est pas.aute pour Jean VIII d’y avoir multiplié les démarches et les actes d’autorité. Cf. Jaffé, n. 3259, 3260, 3262. C’est la même préoccupation de rattacher directement à Rome la Moravie, évangélisée depuis quelque temps par les deux Byzantins Cyrille et Méthode qui se remarque dans les relations de Jean avec le grand apôtre des Slaves. Ici la difficulté n’était plus entre Rome et Conslantinople, dont il semble bien que Méthode se soit assez vite détaché, mais entre Rome et l’Allemagne. Qu’il suffise d’indiquer que la plus redoutable opposition qu’ait rencontrée Méthode lui vint du clergé allemand des marches de l’Est, jaloux de conserver dans les pays slaves la prépondérance de la race germanique. En 870 l’archevêque des Slaves, est l’ait prisonnier par les Allemands, jugé par un concile bavarois, et jeté en prison. Rome n’apprit tout cela qu’en mars 873 par un des compagnons de Méthode, qui réussit à s’évader et à parvenir jusqu’à Jean VIII. Le pape aussitôt élève contre les Allemands les plus vives protestations, et jette l’excommunication sur les évéques coupables, tant qu’ils n’auront pas réparé leurs torts. Jaffé, n. 2976-2980. Malheureusement le pape cédait aux Allemands sur un point, qui tenait à cœur à Méthode. Le plus clair de ses succès, l’apôtre des Slaves le devait à l’emploi de la langue slavonne non seulement pour la prédication, mais pour l’usage liturgique. Il s’appuyait, pour justifier cette nouveauté, sur l’autorisation que lui avait donnée Adrien II. Mais cette liturgie slavonne, les Allemands en avaient juré la mort : elle opposait, pensaient-ils. à leurs entreprises sur le domaine slave une infranchissable barrière. Ils réussirent à prévenir contre elle Jean VIII, qui, à ce moment même, se prononça contre la liturgie slavonne et autorisa simplement la prédication en langue vulgaire. Jaffé, n. 2378. Délivré par l’intervention du pape. Méthode qui (’tait rentré en Moravie, ne tarda pas à rencontrer de nouvelles difficultés. Elles lui vinrent cette fois de l’entourage du due Swatopluk, gagné par les Influences allemandes. Bientôt l’archevêque lut dénoncé au pape comme suspect d’hérésie ; il supprimait, disait-on, le Filioque dans le symbole et continuait à célébrer la liturgie en slavon ; une lettre très sèche de Jean VIII le somma de venir se Justifier à Home, Juin 879. Jaffé, n. 3266, 3267. Méthode n’eut pas de peine à démon Irer son orthodoxie, et à faire valoir les incontestables avantages de la liturgie salvonne A l’été de 880 il repartait de la cour pontificale porteur d’une lettre de lean YIII à Swatopluk, OÙ étaient reconnue et la pureté de sa toi et la légitimité de s s moyens de

propagande En particulier le principe de la célébra

lion de la liturgie en langue vulgaire était clairement

affirmé : - Rien n’empêche, disait le pape, ni de chanter la messe en slavon, ni de lire l’évangile en cette langue, car Celui qui a fait les trois langues principales, l’hébraïque, la grecque et la latine a aussi créé toutes les autres. » Une seule restriction était faite : avant d’annoncer l’évangile en slavon, on devait le lire d’abord en latin, afin d’attester l’unité de l’Église. Jaffé. n. 3313 ; P. L., t. cxxvi, col. 304. On a expliqué ailleurs comment, de la meilleure foi du monde, le pape Etienne Y, trompé par une falsification éhontée de l’évêque allemand YViching, crut être fidèle à la pensée de Jean YIII en proscrivant définitivement la liturgie slave et en ramenant les Moraves à un latinisme rigoureux. Jaffé, n. 3407. Voir É tienne Y, t.v. col. 378. Que Jean YIII n’ait jamais songé à retirer cette concession, c’est ce que montre sa dernière lettre à Méthode, 23 mars 881. Jafïé, n. 3311. Certainement il n’a pas tenu qu’à lui qu’il se constituât dans les pays de langue slave des Églises uniates, gardant, avec leurs usages particuliers et leur langue liturgique spéciale, un contact étroit avec l’Église romaine.

III. Activité ecclésiastique.

Les multiples affaires où nous venons de voir engagé Jean VIII, ne nous donnent pas une idée complète de l’activité de ce pontife. Il faudrait, pour être moins incomplet, signaler sa tentative de constituer soit en France, soit en Allemagne une représentation permanente du Saint-Siège. C’est à Anségise, archevêque de Sens, que Jean confia d’abord ce soin, Jaffé, n. 3032, mais il se heurta à une très vive opposition de la part du puissant archevêque de Iteims, Hlncmar, au concile de Ponthion. Yoir Hefele, Histoire des conciles, trad. Leclercq, t. rv b, p. 652. Plus tard on songea pour la même mission à l’archevêque d’Arles, Rostan. Jafïé. n. 3148. - Il n’est pas sans intérêt de relever l’autorité souveraine avec laquelle Jean VIII intervient dans l’institution de certains évêques, Jaffé, n. 2982, 2986 ; dans la condamnation de certains autres. Jaffé, n. 3240 3252 et 3329 (affaire de L’archevêque de Milan, Anspert ) ; n. 3316 et 3378 (affaire d’Athanase, évêque de Naples) ; n. 3348 et 3361 (affaire de Romain, archevêque de Ravenne). Tous ces actes donnent l’idée d’un pouvoir pontifical très fort et très sur de lui-même. — Bon nombre des lettres de Jean YIII se rapportent à des questions de droit matrimonial ; il dut insister bien des fois pour faire respecter l’indissolubilité du mariage chrétien, qui semble avoir subi à cette époque des attaques assez vives. Cf. Jaffé, n. 2972. 2974. Cette circonstance rend d’autant plus surprenante une consultation où Jean VIII semble reconnaître à l’empereur, en une circonstance au moins, le droit d’annuler certains mariages. Il s’agit d’unions entre des sujettes de l’empereur et des étrangers, qui auraient pour résultat de faire passer de grands biens fonciers entre des mains suspectes. Le pape déclare qu’il n’autorise pas ces mariages et qu’il donne pouvoir a l’empereur de les dissoudre. Non solum alienigenis nostratiun copulas non permittinuis, quin polius, si quæ contracta stùit a domino serenissimo imperatore c<mlinuo dissociandas esse jure sancimus. Lôwenfeld, Epktolee pontificum romanorum inedttte, p. 27 ; Jaffé, n. 2965. Il convient aussi de signaler une lettre de Jean Y 1 1 1 qui mentionne le jugement de Dieu, dirinuin experimentum, parmi les moyens légitimes de preuves, Jaffé, n. 2994 ; ce Jugement de Dieu pouvait en certaines circonstances être pratiqué eorpore et sanguine Christi. Jaffé, n. 3025.

si puissant d’ailleurs que.lean VIII apparaisse dans les conseils de la chrétienté à de certains moments de son poidilieat, il ne laissait pas de eonnailre à Rome même des embarras intérieurs qui furent parfois très sérieux. Dès le début de son régne, il semble avoir vii,